Chapitre 18

Ils ne comprennent rien, ils ne peuvent pas. Parce qu'ils ne l'ont pas vécu. Ils n'ont pas entendu ses gémissements, ils n'ont pas écouté ses je t'aime lorsqu'il revenait à lui et sentait ma peine. Ils n'ont pas eu à supporter le regard de sa mère qui voit tout et entend tout mais ne parle pas pour vous sauver.

-Tu as besoin d'aide.

-Non.

Si.

-Je connais une très bonne psychologue.

-Je ne veux pas. Je m'en sors très bien toute seule.

Sauve moi.

Je la regarde dans les yeux pour lui prouver que tout va bien. Faire semblant, je sais faire. Jusqu'à ce que mes cauchemars reviennent et me fassent dire des choses que je ne veux pas. Ils ne doivent pas savoir. Je le trahirais et j'aurais honte.

Ça fait une demi heure qu'elle essaye de me convaincre d'aller voir le médecin alors que Liam a quitté les lieux sous ses ordres. Elle comprend mes choix mais ne les soutient pas et ça me fait mal de voir que je suis de nouveau seule avec mes démons.

-Je te demande juste de me donner du temps.

C'était facile de tout ignorer quand j'étais à des centaines de kilomètres de lui. Je n'avais pas à y penser à chaque seconde.

-Très bien. Fait le moi savoir si tu as besoin de quoi que ce soit.

J'ouvre la bouche pour la rappeler lorsqu'elle passe la porte, mais la referme aussitôt. Ce serait une erreur de l'affoler. Je vais bien. Je vis avec, je n'irai jamais mieux. Mais je m'habitue à la douleur et elle est chaque jour moins importante. Jusqu'à la prochaine crise d'angoisse.

Je ne veux pas fermer les yeux. Pourtant ils tombent tout seul me laissant imaginer ma vie si rien ne s'était passé. Bon dieu, quand est-ce que j'oublierai ?

***

Léonie pique un nouveau bout de pizza dans mon assiette alors que je lui jette un regard assassin. Mais elle n'en a que faire, trop concentrée sur le film qui passe.

Les images défilent et j'essaye de m'imaginer à la place de ses acteurs. Une vie sous les feux des projecteurs, très peu pour moi. Encore moins si des fouineurs viennent s'immiscer dans ma vie.

J'ouvre un œil et me rends compte par la même occasion que je me suis endormie lorsque je sens mon portable vibrer dans ma poche. Je reçois un léger coup de coude d'une des filles et prends conscience qu'il faut que je décroche.

-Allô, fais-je complètement endormie en laissant échapper un bâillement.

-Salut, souffle Liam.

Mon cœur rate un battement et mes jambes qui se dirigeaient vers le balcon se stoppe. Je me retourne vers mes amies qui me regardent, intéressée de savoir à qui je parle.

-Coucou.

-Il faudrait qu'on se revoit.

Il n'est pas confiant, pas plus que moi. Sa voix tremble et je me demande ce qui lui arrive. Est-il en train de pleurer ?

-Maintenant ?

-Je sais pas.

Tous ses soupirs non exprimés, ses paroles non dites. Je n'ai pas envie de rentrer dans son jeu des devinettes mais je suis restée suffisamment longtemps avec lui pour savoir que quelque chose ne va pas. Sa voix cloche et il n'est jamais aussi peu confiant.

-Tu veux que je vienne chez toi ?

Il ne répond pas mais je comprends qu'il a trop de fierté pour me répondre que oui.

-J'arrive.

Je raccroche et souffle. J'avais d'autres plans pour la soirée. Comme une soirée pyjama avec les filles. Mais je n'ai pas le choix. Il en a tellement fait pour moi, ce serait la pire des conneries de ne pas aller l'aider.

-Je dois y aller.

-Fais attention à toi, me préviens Chiara.

Je hoche la tête pour toute réponse.

-Il se passe quoi entre vous ?

Je m'assois pour piquer quelques cacahuètes et mettre mes chaussures. J'attends quelques secondes pour rassembler mes idées avant de répondre.

-On est amis.

Elles lèvent toutes les sourcils.

-Tu es restée 13 ans avec quelqu'un qui est maintenant ton ami ? Vous ne vous êtes même pas séparés pour un motif valable.

-Oui, mais on s'est séparé et c'est fini.

-Tu l'aimes encore ?

Je souffle.

-Je l'aimerai toujours mais ce n'est pas pour cela que je dois lui courir dans les bras.

-Tu ne vois pas qu'il fait tout pour te récupérer ?

Je cligne des yeux. Non, je ne le vois pas. Mais maintenant qu'elle le dit, cette idée entre dans ma tête. Ce n'est pas bien de penser qu'il veut sortir avec moi car tous ses gestes seront associer à ça. Et je ne peux pas me permettre de telles pensées.

Je me relève pour prendre mes clés et quitter l'appartement. Il fait froid dehors pour un soir d'août. Quoiqu'on est en septembre maintenant... Compliqué de rester à la page quand on passe ses journées à ne rien faire.

J'arrive chez lui plus vite que je l'avais prédit. Je sonne et il m'ouvre directement comme s'il m'avait vu venir. Sa porte de palier est ouverte alors je la pousse doucement puis la referme derrière moi.

-Il y a quelqu'un ?

Une tête sur le canapé se relève. Il m'observe une seconde puis se rallonge. Je fronce les sourcils en me posant mille questions. Il a l'air si fatigué. J'avais passé le chemin à me demander quel motif avait il pour être dans cet état là.

Je pose mes affaires dans un coin avant de m'approcher de lui. Je m'abaisse à côté de lui pour être à sa hauteur. Il fixe le sol, le regard perdu et les yeux bouffis. Il a pleuré. Qu'est-ce qu'il a ?

Je devrais ouvrir la bouche pour dire quelque chose mais le voir comme ça me brise le cœur. Je me vois en lui. Je me vois avec cette lame. Mon premier réflexe est de vérifier ses bras. Il n'a rien. Il n'est pas toi.

Je passe mes deux mains sur ses joues. Il frissonne et ose enfin me regarder dans les yeux. Une fois de plus, mon cœur prend un coup. Il semble si vulnérable alors qu'il cachait si bien ses émotions. Ses yeux sont tellement beaux et que je me plonge en eux quelques secondes avant de me rappeler que ce n'est pas le moment.

Ne sachant que faire, je passe mes bras derrière lui pour l'enlacer. Il fait de même et me serre si fort que j'étouffe. Mais je ne dis rien et encaisse. Il a besoin de moi. Il se relève pour se mettre assis sans me lâcher. Je m'assois sur ses jambes, sa tête enfouie dans mon cou.

Je fais un rapide tour des yeux de son appartement mais tout semble normal. Aucun signe d'indice.

-Il s'est passé quelque chose à la caserne ?

Il secoue la tête. Pourtant, ma supposition me semblait bien. Voir toute la journée des personnes couvertes de sang, des incendies, toutes les horreurs du monde, ne doit pas être facile.

-Un problème familial ?

Il ne répond pas. Mais se crispe. C'est un oui. Je ne veux pas l'énerver ou l'attrister encore plus mais j'aurais besoin de savoir son problème pour l'aider.

Je me fais rire à jouer les psys alors que moi-même je ne veux pas parler. Je réprime mon soupire et m'éloigne de lui pour l'observer dans les yeux.

-J'ai besoin de toi, Em', murmure-t-il en accrochant mon T-shirt comme si c'était son dernier espoir.

-Je ne pars pas.

Mais c'est faux, et je le sais. Au fur et à mesure que les minutes passent, je m'enfonce un peu plus et meurs à petit feu.

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