Chapitre 15

Je n'ai pas fait de bêtises aujourd'hui, je me répète en boucle, assise sur mon lit en attendant qu'il entre. Je me bascule d'avant en arrière pour rester éveillée alors que le soleil s'est couché il y a longtemps.

Lorsque la poignée se baisse doucement, je saute sous la couette pour recouvrir mon visage. Peut être ne saura-t-il pas que je suis ici. Ou pensera-t-il que je dors.

Mais c'est peine perdue quand je sens le lit s'affaisser juste à côté de moi et que deux mains viennent, sans me brusquer, retirer la couverture de ma tête, dévoilant petit à petit la tête de l'homme que j'aime le plus au monde.

Son visage m'apparaît avec un grand sourire alors que je sens ses doigts enlever les cheveux qui traînent sur mon visage.

-Je n'ai pas fait de bêtises aujourd'hui.

Mais la phrase n'a pas autant d'importance que dans ma tête. Les mots semblent peser moins lourds lorsqu'il passe la barrière de ma bouche. La balance penche en sa faveur, comme d'habitude.

Il fronce les sourcils et j'écarquille les yeux en me demandant si j'ai prononcé quelque chose d'interdit. Et alors je me rappelle sa voix disant me punir quand je fais mal et me récompenser quand je fais bien. Or, je n'ai ni envie de ses punissions douloureuses ni de ses récompenses toutes aussi heurtantes. A l'école, les enfants disent qu'ils ont des bonbons ou le droit d'aller au parc d'attraction quand ils sont gentils. Alors pourquoi je dois supporter ses caresses et son liquide blanc pas bon qui se reprend sur moi ? Ça n'a pas le goût d'un tagada, jamais.

-Tu n'as pas dit de gros mots ?

Je hoche négativement la tête. Je n'ai rien fait, je ne fais jamais rien. Je me laisse faire, me laisse porter. Au gré de son humeur.

-A quoi penses-tu ma belle ?

Ses jambes m'encerclent, je me sens emprisonnée, prise au piège du démon. Le filet s'abat lentement sur moi pour m'envelopper et me bercer dans ma mort. Ses hanches bougent doucement sur moi et je sens son caleçon gonfler.

-Est-ce que tu vas me faire mal ?

Je ferme les yeux, en ayant une peur bleue de la réponse. Et surtout de sa réaction. « Je ne te fais jamais mal, tu te le fais seule ».

-Ouvre tes yeux, je veux voir leur beauté.

Je secoue la tête. Je ne veux pas qu'il les voit. Il me donne une claque et je les rouvre sans oser le regarder. Une larme coule sur ma joue et s'échoue sur mon oreiller sur lequel le même cirque s'est déroulé hier.

-Attention ma belle.

J'acquiesce, même si je ne sais pas très bien pourquoi. Il faut toujours consentir. Sinon c'est qu'on fait mal. Et alors on est puni.

-Donne moi tes mains.

Je les place dans les siennes. Et ses grands doigts caressent les miens puis viennent les poser sur son pantalon. Je les retire brusquement alors qu'il commence à serrer les dents. J'ai fait mal. Je vais être punie.

-Tu te rappelles de la dernière fois ?

Maman était sortie, papa était de garde. Il ne restait plus que lui et moi. Je voulais partir, j'ai tout fait pour accompagner ma mère mais elle a catégoriquement refusé en disant que j'étais agaçante.

Je n'ai pas dormi de la nuit, sachant pertinemment qu'il allait finir par arriver. Venir dans ma chambre, se poser sur mon lit, se placer entre mes jambes et faire des va-et-vient tous plus atroces.

Cette fois, c'était très douloureux. Ça a duré longtemps car il disait que j'avais fait beaucoup de bêtises, que supplier maman n'était pas acceptable. Mais ce qui a fait le plus mal c'est la douleur après coup, quand la lame de mes ciseaux s'est abattue sur mon bras parce que je pensais que ça m'aiderait à oublier.

A oublier qu'il m'a pénétré, qu'il a touché mes seins, qu'il m'a fait mal, qu'il m'a frappé et agrippé. Mais que malgré tout, je l'aime. Et que, de ce fait, jamais je ne le trahirais.

Le sang. Mon sang. Qui coule par terre, à mes pieds. Que je m'empresse de nettoyer parce que personne ne doit se douter que me trancher la peau m'aide à faire passer la douleur.

J'ouvre les yeux brusquement, réalisant le cauchemar que je viens de faire. J'ai chaud, puis froid. La tête qui tourne. Les yeux qui voient flous. La respiration fragile. J'essaye de me mettre debout mais mes pieds vacillent et je tombe à terre dans un vacarme monstre.

Je regarde le réveil qui indique 3h 43. Chiara n'est pas rentrée. Je suis seule dans son appartement à essayer de calmer mon cœur et mon corps qui retracent chaque passage de ses mains, qui réécoutent chaque je t'aime avec passion et qui subissent chaque mouvements.

Je prends mon téléphone sans savoir quoi faire. Les larmes roulent sur mes joues, je reste allongée par terre en me demandant ce que j'ai bien pu faire pour m'hériter ça. J'appuie sur son numéro mais il ne décroche pas. On est toujours seul. Quoiqu'on fasse, on se retrouve seul.

-Bonjour, vous êtes bien sur le répondeur de Liam. Je ne suis pas disponible pour le moment mais vous pouvez laisser un message après le signal. Je vous rappèlerai.

J'éteins l'appel. Puis je vais dans la salle de bain, les idées plus bien en place. Je me regarde dans la glace et me dégoutte instantanément. Mes levres sont gonflées, mon visage ressemble à celui d'une grand mère tandis que mon corps n'est que graisse. J'attrape mon coupe ongle et le positionne au dessus de mon bras alors qu'un combat se déroule dans ma tête pour savoir si je dois tracer ou pas.

Je regarde ma chair pensant être encore capable de me retenir.

Ça fait des semaines que je ne l'ai pas fait mais je me rappelle exactement des endroits qui me faisaient les plus mal, des zones plus faciles à masquer, de la manière de me couper la peau pour ne pas laisser trop de cicatrices.

La pointe de la lime à ongle vient former un petit trou dans ma peau qui finit par se déchirer alors que la douleur se fait entendre à l'intérieur de mon corps. Je hurle de bonheur lorsque je vois la première tâche de sang.

Mes larmes reviennent aussitôt d'assaut. Je jette mon coupe ongle loin de moi et me recroqueville, comme si je venais de faire une énorme bêtise alors que je ne m'étais jamais sentie aussi vivante qu'au moment où la lame a arraché ma peau.

Je pense, réfléchie. Vite, car il faut agir. J'ai mal. J'examine toutes les possibilités pour me torturer. Je veux mourir, partir et oublier les mains qui se posent sur mon corps chaque fois que je ferme les yeux.

Je sens son souffle dans mon cou, ses lèvres sur les miennes et sa voix rauque me susurrer des je t'aime tout en reculant et en avançant dans mon corps.

Mes bras partent en avant pour le faire fuir mais il les repousse et m'assomme de coups. Ma tête vole en arrière et se pose dans un bruit sourd contre le sol. Je vois des papillons, il n'est plus là. Il n'y a plus ses mains, ses baisers. Est-ce que j'aurais rêvé de tout ça ?

Des étoiles, de la lumière au fond du tunnel obscure. Mais avant que je n'ai pu l'atteindre, je la sensation que mes yeux se ferment, que ma tête m'abandonne et que mon cœur se recolle une dernière fois pour mieux exploser.

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