— Alors ça te plaît ?

Comment ne pas le vexer ? J'étais sûre que cette expérience allait être un fiasco. Les combattants se portent des coups de poings et de pieds, debout ou au sol. Beaucoup sont blessés et plus le sang coule, plus le public est en furie. En dehors de la brutalité dans la cage, c'est l'euphorie de la foule qui me répugne.

Les hommes encouragent ce déferlement de violence gratuite, alors que leurs femmes aux seins proéminents tombent en pâmoison devant les vainqueurs. Ce spectacle est pathétique. Heureusement, dès que les deux combattants luttent au sol, le match se finit vite.

— Désolée Hector, mais mon corps ne réagit pas comme tu le voudrais.

— Assistons encore à un combat. Je suis surtout venu pour voir le renard. Il est redoutable dans la cage.

— Pourquoi ce surnom ?

Je ne perds pas mes bonnes manières et m'intéresse à la passion de mon client. Nouer de bonnes relations de travail est primordial. Sensible à mon intérêt, Hector pose une main sur la mienne.

— Il est aussi rusé et sournois qu'un renard et surtout, il est roux.

— Qu'est-ce qui te plait chez lui ?

— C'est un très bon boxeur. Il y a trente ans, son père était un champion de kick boxing. Autant te dire qu'il a appris des meilleurs. Malgré ses prédispositions pour ce sport, il a préféré utiliser ses talents sur l'octogone. J'ai lu récemment qu'il s'était perfectionné en lutte. En MMA, il faut être bon dans les deux disciplines. Tu as remarqué comme les derniers combats se sont terminés rapidement une fois au sol. C'est la force des lutteurs. Sur le papier, Le renard devrait se sortir de presque toutes les situations.

— Presque ?

— Il reste humain. Il a ses failles comme nous tous. Sa principale, ce soir, sera sa taille.

— Je croyais que la taille permettait d'avoir une meilleure allonge. Mon ancien entraîneur de boxe m'a toujours dit d'utiliser cet atout chez moi face à mes adversaires.

Il semble abasourdi par ma révélation. Pour éviter les mauvaises surprises dans mon métier, j'ai pris des cours pendant 10 ans. J'aurais aimé continuer, cependant les yeux au beurre noir n'étaient pas du goût de tous mes clients.

Je n'ai pas le temps d'en dire plus qu'un bruit assourdissant s'élève dans la foule. L'effervescence ambiante ne m'atteint pas, elle m'exaspère. Pour m'éviter de râler devant Hector, je sirote mon tonic qui aurait été plus agréable avec du gin. J'ai hâte que ce combat se termine. Nous pourrons aller au restaurant où les gens seront plus civilisés et où je pourrais boire une boisson digne de ce nom.

Le speaker au centre de l'octogone annonce les prochains adversaires. Tout le monde se lève pour acclamer leur arrivée. J'attends qu'ils regagnent leur siège pour me concentrer une dernière fois.

Lorsque la visibilité se fait enfin, je manque de m'étouffer avec ma boisson. Attentionné, Hector me caresse le dos. Il me parle, pourtant je ne peux détacher mon regard du fameux renard. Cet homme réveille en moi une chaleur que j'ai rarement connu. Son corps, tout en muscles et parfaitement épilé, est mis en valeur dans un short moulant. Je ne peux résister à l'envie de passer ma langue sur ma lèvre inférieure avant de la mordre, à la vue de ses fesses et son service trois pièces. Ils hantent mes fantasmes, depuis quelques mois.

Je me rappelle encore de la fermeté de ses muscles, lorsque nous dansions ensemble et que je posais accidentellement mes mains sur son torse. Je prenais alors un malin plaisir à le toucher aussi souvent que possible. J'aimerais recommencer encore une fois. Juste une fois. Une fois qui devra durer éternellement . Je lui ferais regretter de ne pas m'avoir appelé. Depuis combien de temps est-il sur Lyon ?

Il faut que je lui parle. Je veux tenter ma chance ou à minima comprendre son silence. Malheureusement la présence d'Hector m'empêche de le rejoindre à sa sortie de la cage. J'aimerais me planter devant la porte et le regarder droit dans les yeux, ne pas le lâcher comme ce fameux soir à Lanzarote.

Je dois trouver un autre moyen, un autre lieu pour l'aborder. S'il le faut, je me rendrai sur tous les chantiers lyonnais. Ma chance ne doit pas m'échapper et lui non plus. Je suis sûre que Lou se ferait une joie de m'aider dans mes recherches. La romantique en elle ne résistera pas à saisir l'occasion de me prouver que je suis capable de ressentir des sentiments autres que le désir sexuel pour un homme.

Mon cœur s'emballe. Il pompe à une vitesse folle tout mon sang pour l'envoyer dans les zones stratégiques, augmentant encore un peu plus ma température corporelle. Mes poumons suivent le même rythme. Je ne comprends pas ce qu'il m'arrive, ce déferlement d'émotions ne me ressemble pas. Alors que j'essaye de maîtriser mon corps, la main d'Hector sur mon épaule et sa voix me ramène au moment présent.

— Lana ? Tout va bien ? Nous pouvons sortir si tu as besoin de prendre l'air.

— Merci. Ça va déjà mieux.

Je le rassure sur mon état et me concentre sur le combat qui débute au lieu du physique tentant de Liam.

— Le renard est impressionnant.

— Mais l'autre combattant a une technique plus proche de la lutte. Il se fait appeler la tortue.

— Drôle de nom ! Ça ne fait pas très viril pour ce type de sport. Il se cache dès qu'il sent le danger arriver ?

Ma remarque a le don de l'amuser, pourtant je ne peux m'empêcher de m'inquiéter pour Liam. Derrière mon humour, je cache ma peur qu'il soit blessé. Même si j'adorerais le soigner, je ne veux pas qu'il est la moindre égratignure. Ou alors peut-être une ou deux sans gravité. Je pourrais lui faire quelques bandages et revendiquer mes années de médecine. Mes études commencent à dater, cependant je suis passée experte dans l'art des bisous magiques.

Alice !

La fille prude dans ma tête me rappelle à l'ordre. J'aimerais la chasser d'une pichenette qu'elle se taise enfin et me laisse vivre ma vie comme je l'entends, libre. Libre de tous les masques que la société nous impose de porter. Libre du poids de la bienséance. Je suis fière des choix que j'ai fait. Sortir de l'existence bourgeoise et ennuyeuse qui m'était prédestinée a été la meilleure décision de ma vie. Et même si cette liberté a un prix à payer, jamais je ne reviendrai en arrière. Je me suis battue pour en arriver là où je suis maintenant. Dans ma tête, ça ressemblait presque à ce qu'il se passe sous mes yeux.

La tortue n'est autre que la représentation de ce monde, lent et sans cesse en train de se cacher des coups de son adversaire. Le renard est plus rusé. Il tourne autour de la cage, cherche une ouverture et jauge les faiblesses de son compagnon d'enfermement. Il allonge ses poings et ses pieds, restant à bonne distance. Soudain, Liam fonce sur l'autre combattant, lui saisissant la jambe. La tortue tente de garder l'équilibre et s'appuie sur le filet pour le repousser. Elle inverse la situation en passant son bras autour du cou de Liam comme pour d'étrangler.

D'appréhension, je plante mes ongles dans mes cuisses et retiens ma respiration. J'avais parlé d'une égratignure pas d'un arrêt respiratoire. J'aimerais être à la place de l'arbitre pour stopper cette barbarie, puis taper de toutes mes forces sur la tête de la torture pour qu'il retourne se terrer dans sa carapace.

— Ce combat a l'air de t'intéresser plus que les précédents. Je te suggère quand même de penser à respirer de temps en temps.

Je relâche tout l'air retenu dans mes poumons à l'instant où Liam se dégage et le gong résonne annonçant la fin du premier round.

— Lana regarde-moi.

Il me faut un effort surhumain pour me détourner de Liam et reporter mon attention sur Hector.

— Que t'arrive-t-il ? Parle-moi. Ce combat réveille quelque chose en toi ? De l'adrénaline, du plaisir ou alors de la peur, du dégoût ? Dis-moi.

Je sais ce qu'il aimerait m'entendre répondre, pourtant je lui dois la vérité.

— De la peur. J'ai eu peur pour le renard. J'ai hâte que ça se termine et qu'il remporte la victoire.

— Ton impatience m'intrigue. Pourquoi lui un particulier ? Qu'éveille-t-il en toi ?

— Essayerais-tu de jouer les psy avec moi ?

Ma remarque le fait rire, malheureusement il continue de me poser de plus en plus de questions auxquelles je n'ai pas envie de découvrir la réponse. Il est toujours plus agréable de décortiquer les pensées et l'inconscient des autres, plutôt que soi-même. Depuis notre rencontre au club de Lanzarote, Liam affole mes sens sans que je puisse y mettre des mots dessus. Je ne m'explique pas ce phénomène. Sa carrure de grosse brute devrait me faire fuir, il pourrait me broyer tous les os rien qu'en me serrant dans ses bras, pourtant c'est tout l'inverse qui se produit.

Le gong du début du second round sonne l'arrêt de mes pensées. Pour éviter d'y replonger, j'écoute Hector commenter le match.

— Ils évaluent encore leurs forces respectives. Avec cette technique de jambes, la tortue tente d'amener le renard au sol. Il ne va pas être facile à mettre au tapis. Tu vois comme il est solide sur ses appuis ?

Je hoche la tête en évitant de m'attarder trop longtemps sur l'ensemble des muscles de Liam.

— Waouh ! Tu as vu comme il a retourné la situation à son avantage ? Il est rusé ! Il a simulé un déséquilibre pour emmener son adversaire au sol et le plaquer. Il porte bien son surnom le renard.

Et ce n'est pas le seul. La tortue sur le dos se débat avec peine. Il tente de se dégager, mais Liam le maintient et lui assène des coups de poing violents au visage. S'il continue comme ça il pourrait le tuer. Dans ma cage thoracique, mon cœur s'emballe. Je ne veux pas voir ça. Je ne veux pas être témoin de cette barbarie, pourtant je ne peux détacher mon regard.

— Si un combattant meurt sur le ring, il se passe quoi ?

— ça fait partie des risques de ce sport, mais c'est très rare. Il me semble avoir lu un article récemment au sujet d'un boxeur mort. Les coups qui l'ont mis KO l'ont emporté après quelques jours de coma. Il me semble que l'adversaire a été condamné pour homicide involontaire.

Pourquoi l'arbitre n'arrête pas le combat ? Je ne veux pas que Liam se retrouve en prison. Comment pourrais-je le voir s'il est derrière les barreaux ? Comment pourrais-je le toucher ?

— C'est affreux. Tu penses que Liam serait capable de tuer cet homme ?

— Non. Ses poings sont impressionnant, mais je doute que l'arbitre le laisse aller jusque là.

Le gong du deuxième round retentit, libérant la tortue de son assaillant. Je peux enfin respirer normalement, lorsqu'il se relève et gagne l'un des angles de l'octogone sur ses deux jambes.

— Lana, comment connais-tu le prénom du renard ?

Je n'ose pas me tourner vers Hector. Comment ai-je pu être aussi négligente ? En temps normal, je ne divulgue aucun élément de ma vie privée.

— Je sais que tu m'as entendue. Ne fais pas la sourde oreille et explique-moi. C'est un de tes clients ?

— Non, pas du tout. Je l'ai rencontré cet été pendant mes vacances et nous nous sommes contentés de discuter.

Je suis soulagée de l'absence de réaction d'Hector, pourtant, à la sonnerie de reprise de dernier round, je m'inquiète. Il aurait dû continuer son interrogatoire. Pour tenter de sonder son esprit, je me tourne vers lui. Son sourire malicieux ne me dit rien qui vaille, mais c'est lorsqu'il ouvre la bouche que je comprends alors que le pire est à venir.

Sans lecteurs, il n'y a pas d'auteurs.

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Alors ce combat? Vous vous attendiez à croiser Liam? A votre avis, quelle est l'idée d'Hector?

A samedi prochain pour un nouveau chapitre pour les retrouvailles :)

PS: le chapitre d'aujourd'hui est un 1er jet que je n'ai pas eu le temps de relire. La réécriture du Tome 2 des Démons d'Isa me prend tout mon temps, mais je ne voulais pas rater ce rendez-vous avec vous. Dès que je le pourrais, ce chapitre sera mis à jour.