Chapitre 52 : Son heure de gloire

Jade eut le temps d'ouvrir la bouche. Elle hésitait entre la surprise, l'effarement et l'exaltation. Le Prédateur pouvait-il mourir de cette façon ? Les Mavois pouvaient-ils parvenir à un tel exploit sans préparation ? S'il disparaissait, les forces s'inverseraient et les êtres surnaturels pouvaient l'emporter.

Mais voilà, cette fraction de seconde, Rachel l'avait vue aussi. Et, contrairement à Jade, elle ne resta pas les yeux grands ouverts à observer la scène. Vive comme l'éclair, elle se précipita vers le Prédateur et lança la sphère ronde dans sa direction. A aucun moment elle ne douta de sa réussite, puisque Rachel avait connu pire situation. Ainsi, au moment où le grand Nicolas aurait dû brûler, la barrière se déployait autour de lui. Le feu disparut, comme avalé.

Les progues réagirent immédiatement. Ils acculèrent Luhan, tandis que le Prédateur s'occupait de Jacob. Ce dernier était piégé avec lui, car la barrière ne pouvait pas être traversé. D'une main, le justicier du peuple retenait Aurélie, de l'autre, il leva son poignard.

Matthew se tenait dans la cour, les poings serrés, les larmes aux yeux. Tout se déroulait différemment, mais les événements principaux étaient les mêmes. Jacob croisa son regard, tandis qu'il reculait désespérément. Alors, au risque de s'attirer les foudres de l'au-delà, Matthew écrasa le boitier. Il n'était pas capable de le détruire, mais cet instant de défaillance permit à Jacob de sortir de la sphère. Il tomba sur les fesses, incrédule.

—Fuis, lui intima son grand frère.

Il obéit, passant en trombe à côté de Jade. Luhan était condamné, car jamais il ne partirait sans Aurélie.

—Unité 2, prononça Nicolas.

L'instant suivant, deux femmes et deux hommes s'élançaient à sa poursuite. Jade les regarda passer à côté d'elle. Elle espérait être dans un de ses rêves lucides.

Le Prédateur se retourna vers Luhan, qui brûlait certaines mains, certaines jambes. Son attention était cependant rivée vers Aurélie. Elle était pétrifiée, osant à peine respirer. Puis Rachel leva sa Pita vers le ciel et tira. Les mouvements se stoppèrent.

—Si tu te rends, elle vit. Si tu t'agites, elle meurt.

Reiss Nicolas n'avait peur de rien. Pour obtenir ce qu'il convoitait, il était prêt à tuer une civile.

Tout le monde attendit la décision de Luhan. Il baissa la tête, pinça ses lèvres et laissa ses bras tombés le long de son corps. La prison valait mieux que la mort. Aurélie sortit alors de sa torpeur. Elle avait assisté à l'arrestation puis à la mort de son frère. Il était hors de question qu'elle reste spectatrice une seconde fois. Elle saisit le bras de l'assaillant et tenta de se dégager. La poigne était cependant forte, alors, elle mordit dans le poignet.

—Petite garce, souffla Nicolas.

Il ne bougeait cependant pas. Cette petite blessure n'était rien. Ces mots, en revanche, étaient une bombe aux yeux de Luhan. Cette fois, il ne chercha pas à viser, il laissa son feu se libérer. Durant ce laps de temps, le progue lâcha Aurélie, puis, froidement, il enfonça le poignard dans le cœur de la civile. Le sang se mit à couler de ses lèvres et elle lança un ultime regard au Mavois.

« Luhan, je t'aime. »

Les mots, si beaux, atteignirent douloureusement leur destinataire. Son monde s'effondra en même temps que le corps d'Aurélie chutait. Sa bouche s'ouvrit, prêt à lui retourner la confession, mais aucun mot n'en sortit. Une seconde, ses jambes cédèrent alors qu'il se flagellait d'être un idiot. Puis les larmes se déversèrent sur ses joues, mélanges de tristesse et de rage. Aurélie, sa belle Aurélie, était face contre terre, le corps inerte, le visage pressé contre les graviers. Son rayon de soleil venait de s'éteindre, là, juste sous ses yeux. Par leur faute.

Luhan se redressa totalement, le regard aussi noir que la nuit. Il allait tous les exterminer, jusqu'au dernier. Ses poings se serrèrent, tandis que son esprit s'embrumait. Les responsables devaient payer. Ils allaient payer. Luhan allait être le juge, et le bourreau.

Les limites qu'il s'imposait fondirent et la haine le prit. Un seul mot subsista dans sa conscience : « vengeance ». Le feu jaillit alors de tout son corps, embrasant tout ce qui se trouvait dans ses alentours. Son corps lui-même s'en recouvrit, tandis que la destruction s'affichait dans ses iris.

Il allait détruire leur vie, comme ils avaient détruit celle d'Aurélie.

Le constat tournait en boucle dans l'esprit de Jade. La chaleur se répandait autour d'elle, les flammes consumant tout ce qu'elles effleuraient. Les justiciers du peuple s'effondraient un à un, pendant qu'ils s'enfuyaient. Le boitier se brisa définitivement. Mais Jade était loin de ce moment. Jusqu'aux mots de l'illustre progue.

—Faites venir le Traître, annonça-t-il dans son oreille.

Il se tourna ensuite vers sa coéquipière et lui demanda :

—T'en as un deuxième ?

Rachel secoua la tête. Le combat aurait été d'une minute, tout au plus.

Nicolas passa sa lame dans sa main gauche, sa Pita dans la droite. Sa collègue, elle, choisit son lasso et sa Pita.

—Sert-toi du corps, il ne l'attaquera pas.

Nicolas hocha la tête. Même si Luhan n'était pas l'Inconnu aux mille visages, il devenait un élément dangereux. Rachel admettait l'avoir sous-estimé.

Vous n'avez pas le droit, souhaita hurler Jade. Même si la civile avait défendu un Mavois, elle méritait de la dignité. Ils ne pouvaient pas s'en servir comme bouclier. C'était horrible.

—Hé, par ici !

Le mépris qui teintait sa voix fit frémir Jade. Ni lui, ni Rachel ne paniquaient. C'était comme s'ils discutaient paisiblement autour d'un café. Non, se rectifia-t-elle, les deux collègues ne se supportaient pas. Hormis sur le champ de bataille.

Luhan les dévisagea le temps d'un battement de cil, puis il chargea. Aurélie était sa vie, et ils l'avaient réduite au silence. Elle était une étoile, et ils l'avaient éteinte. Ce corps qui ne respirait plus n'était donc plus rien à ses yeux. Les deux progues sautèrent sur le côté, laissant les restes de la jeune fille disparaitre en cendre. Ils se regardèrent, puis l'un comme l'autre hocha la tête.

Même s'il détestait ça, Nicolas se mit à courir. Il était évident qu'il serait la cible et consentait donc à servir d'appât. Sa direction était la plus droite possible, afin de permettre à Rachel de viser. Il esquiva une fois à droite, une autre à gauche. Luhan tomba sans parvenir à une troisième attaque : la balle de Dédra l'atteignit à l'épaule.

Rachel pesta, parce qu'elle aurait adoré l'éliminer définitivement. Malheureusement, le Boss le souhaitait en vie et elle obéissait aux ordres.

—Vraiment ? ricana le Mavois en se relevant.

Le Prédateur arma sa propre Pita et visa les jambes. L'électrocution avait certes le désavantage de disparaitre, mais son effet durait plus longtemps. Une fois les balles délogées, les restrictions étaient retirées. Par précaution, il planta le poignard dans ses jambes.

Luhan rit encore plus fort. Il plongea son regard dans celui de son ennemi et, lentement, sourit. Ensuite, il se débarrassa de l'arme et leva sa main.

—Rachel, c'est le moment !

Les flammes s'échappèrent des doigts, pendant que le lasso s'enroulait autour de Luhan. Nicolas aurait donc dû finir en brochette pour la seconde fois. Heureusement pour lui, le Traître était arrivé. La glace jaillit entre les deux ennemis.

—Tss, même pas capable de se démerder sans moi.

Jade sursauta en même temps qu'elle dévisageait le nouvel arrivant à ses côtés. Les cheveux courts et bruns, il souriait en coin. Ses prunelles vertes semblaient avides. Familières à Jade.

—Pourquoi t'es restée là, toi ? Les autres ont été évacués. Bref.

Il secoua la tête avant de s'avancer, ce n'était pas son problème. L'attention des autres s'étaient déjà portés sur lui.

—J'ai récupéré l'autre au passage, annonça-t-il en se plantant devant eux.

Luhan était immobilisé, les menottes passées autour de ses poignets. Ses pupilles brillaient toujours de rage, mais il était désormais impuissant.

Nicolas siffla.

—Efficace, pour une fois.

—Raoul, je présume ? s'enquit Rachel.

Elle avait vu son nom en s'approchant du comptoir de Swen, puis avait obtenu quelques informations de sa part. L'Allié, l'appellation des Traitres du point de vue des progues, avait réussi tous les tests d'entrée, sans aucune hésitation. Ses exploits lui avaient provoqué des frissons, parce que la vie des siens n'avaient aucune importance.

—Lui-même. Vous la connaissez celle-là là-bas ?

Il fit un mouvement de tête dans sa direction.

—Elle n'a pas fui comme les autres.

—Une stagiaire, balaya rapidement Nicolas.

Leur regard se croisèrent et quelque chose vibra dans l'air.

Une menace à peine dissimulée.


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