Chapitre 49 : Un air de déjà-vu

Même si l'obéissance manquait à Jade, elle accéda à la seconde épreuve. Le Prédateur et elle quittèrent la pièce et s'enfoncèrent dans le couloir. A son bout, il y avait un ascenseur. Ils descendirent deux étages. Ici, nul besoin de franchir des portes, il n'y en avait pas. Il s'agissait d'un immense espace aux murs bruns. Plusieurs zones étaient délimitées via des tracés rouges au sol. Il y avait des tatamis, des armes et, sur le côté gauche, un ring. Le Prédateur s'en approcha.

Jade sentait son pouls s'accélérer, car la forme qu'elle distinguait sur ce ring lui était familière. Les bras croisés sur sa poitrine, elle semblait prendre le monde de haut. Les poings de la Mavoise la démangèrent. Elle avait espéré la revoir, mais pas aussi vite. Arriverait-elle à se concentrer en ayant abattu aussi froidement un des siens ?

Elle eut envie de vomir, mais le sourire mauvais lui fit tout oublier. Rachel se tenait là, sur la scène de combat. C'était incompréhensible : la progue avait déjà démontré qu'elle était plus habile. L'Inconnu aux mille visages n'avait aucune envie de retourner si rapidement à l'hôpital, surtout pas après ce qu'elle avait fait.

—Je ne te démembrerai pas, glissa Rachel.

Ce n'était pas l'envie qui lui manquait.

—Me voilà rassurée ! ironisa son adversaire.

Elle desserra ses poings et se retint de les scruter. Un seul bouton et elle avait détruit une vie.

Jade s'imagina secouer la tête : il fallait qu'elle chasse les images de son esprit. Il était trop tard pour regretter, car elle avait choisi la voie de la vengeance.

—Ma précieuse collègue parviendra à se retenir.

Le Prédateur lui lança un regard sévère, Rachel leva les yeux au ciel. Elle connaissait son devoir.

Jade fronça les sourcils avant de rejoindre le ring. La posture nonchalante de Rachel lui fit tout oublier. Elle se tenait pour la deuxième fois face à l'assassin de sa sœur, elle ne laisserait pas sa chance passer.

—Aucune règle, précisa le progue.

La future justicière du peuple n'en fut que plus sceptique. Quelles étaient les conditions d'arrêt du combat ?

Elle desserra ses doigts et s'intima de ne pas paniquer. Tout son corps lui soufflait pourtant de s'enfuir. La situation lui était désagréable. Tout le contraire pour Rachel qui, elle, jubilait. Cela valait bien sa punition passée.

Jade fléchit légèrement les genoux et plaça ses bras en avant. Cette fois, elle était prévenue. Il lui était inutile de feindre être sans défense, puisque son combat attestait déjà du contraire. Elle n'allait donc pas s'économiser. Fi de ses observations, Jade resta immobile. S'élancer n'apportait pas souvent de bons résultats.

—Tu es effrayée par moi, Jade ?

Mielleuse, Rachel se contentait de rester debout, les bras le long du corps. Ce duel, elle l'avait déjà gagnée. Dans la mémoire de son adversaire, l'échec tournait en boucle. Pour Rachel, Jade ne parviendrait pas à le surmonter. Même dans le cas contraire, elle la soumettrait.

—Tu es vicieuse.

Rachel ricana. Elle lui accordait ce point. Là où Nicolas prônait l'honnêteté, la progue feintait.

—Je t'attends, lui répondit-elle.

Elle n'eut cependant pas de patience et s'élança. Sa course était légère, mais lente. Jade n'eut aucun mal à esquiver le poing, ni le coup de pied. Elle ne rendit cependant pas les coups et préféra reculer.

—Tu fuis, Jade.

La Mavoise serra les dents. Cette dernière préférait le terme « prudence ». Un instant, son regard croisa celui du Prédateur, resté en retrait. La satisfaction qu'elle y lut la crispa. Elle ne serait pas celle qu'ils attendaient. Sourire aux lèvres, Rachel fit un pas en avant tandis que Jade ne bougea pas.

—Tu ne recules pas ? interrogea Rachel.

La future progue tenta de lui mettre une droite. Elle se heurta à un échec et une contrattaque qui lui rappela de mauvais souvenirs. Rachel ne portait cette fois pas de talons : son pied s'enfonçant dans les côtes de la Mavoise fut donc moins violent.

—Il y a un peu de progrès.

Jade réessaya de la toucher au visage, mais la justicière du peuple emprisonna sa main. Celle-ci serra son poignet, enfonçant ses ongles dans la chair. Jade fut contrainte de détourner le regard, tout en refoulant son cri. Même lorsque du sang se mit à couler, elle se contint. Elle refusait d'accorder ce plaisir à cet individu. Je te haïs. se répétait-elle. Puis Rachel la relâcha et porta son genou contre sa mâchoire. Jade bascula en arrière, chercha à se rattraper mais, déjà, la progue lui assénait un coup de pied.

L'Inconnu aux mille visages toussa, tandis que sa vue se floutait. Cela ne faisait pas même cinq minutes. Elle manquait de rapidité, sans trouver de solution.

—Ce n'est pas bien de se battre.

La voix réprobatrice de sa sœur lui revint en mémoire. Elle secoua la tête, chassant les images qui lui apparaissaient. Elles s'accrochèrent cependant.

—Mais, tu t'es bien battue, Hannah ! Tu peux pas faire quelque chose de pas bien !

Sa propre voix était limpide, aussi claire et innocente qu'elle l'avait été à l'époque. Jade se souvint qu'elles étaient toutes les deux allongées sur son lit, fixant le plafond.

—Nous n'avons parfois pas le choix, Jade.

—Pourquoi ?

—Parce qu'il n'y a rien de plus précieux que la vie. Il faut se battre pour elle, même si ce n'est pas facile.

Et Hannah avait perdu face à ce monstre. Jade ne pouvait pas s'agenouiller devant lui. D'un bond, elle se redressa. Si elle n'était pas assez rapide, elle devait anticiper. Si la force lui manquait, elle devait miser sur les répétitions. Jade était déterminée à vaincre.

Son pied attaqua le flanc adverse et ce dernier se plia de façon fugace. Rachel se laissa tomber et la jambe de Jade rata sa cible. Cette dernière fut saisie et la Mavoise retrouva le sol. Elle roula sur le flanc pour éviter d'être immobilisée et s'éloigner de son ennemi. Puis elle se releva. Sa posture était moins assurée et Rachel en sourit.

—Déjà fatiguée ? plaisanta-t-elle.

Elle s'élança ensuite vers Jade. Elle fit semblant de souhaiter la pousser et s'abaissa à la dernière seconde. La Mavoise perdit à nouveau l'équilibre. Cette fois, la progue ne la laissa pas se relever : elle mit son pied sur son ventre.

—Echec et mat, non ?

Et l'instant qu'attendait le Prédateur arriva enfin : la bête se réveilla. Jade se mit à donner des coups à cette jambe qui l'entravait : il n'était pas question de perdre. Elle y mit toute sa rage et finit par rouler sur le sol avant de se remettre en position debout. Sa tête l'élança et sa vue se brouilla. Elle les ignora pour se jeter sur Rachel. Elle ne visa pas le visage, mais la gorge. La progue toussa en reculant et Jade frappa à nouveau. Lorsque cette dernière vit Rachel se baisser, elle sauta pour éviter son tacle. Jade regretta de ne pas avoir d'armes, elle aurait pu le lui enfoncer dans l'abdomen et remporter la partie. Au lieu de quoi, elle se laissa tomber sur son adversaire et son coude heurta son ventre.

—Fini de jouer, cracha Rachel.

Elle poussa la Mavoise et avant qu'elle ne chute, lui asséna un coup de genou sous le menton. Le goût de sang envahit la bouche de Jade et les points dansaient toujours plus frénétiquement devant son regard. Ainsi, elle ferma les yeux et attendit la prochaine attaque. Son instinct lui souffla que Rachel viserait la gorge pour se venger, et il eut raison. Jade n'avait pas d'ongles aussi long, mais elle serra ses doigts autour du poignet aussi fort qu'elle le put.

Rachel grimaça alors. Elle n'avait pas particulièrement mal, cependant, le contact de Jade la dégoûtait. Elle retira sa main.

—Tu es faible.

Le poing de Jade s'écrasa sur son visage.

—Et alors ? répliqua-t-elle. Je t'ai touchée.

—Je vais...

—Bienvenu chez les progues, Hart Jade ! les interrompit Nicolas.

Il applaudissait tout en s'avançant vers elles. Il était pleinement satisfait de cette entrée.

La première étape était franchie mais, curieusement, Jade ne rêvait que de vomir.


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