Chapitre 17 : Le bâtiment désaffecté
Le Prédateur sourit grandement. La vue de son bureau était enfin lumineuse : les vitres avaient été nettoyées. Il pouvait donc enfin pleinement profiter de l'horizon qui s'offrait à lui. Son regard se porta sur les habitations. Il pensa à Jade et Luhan, qui y logeaient tout deux. Il pensa à midi, lorsqu'il s'était joint à leur petite tablée. Leur regard incompris était gravé dans sa mémoire. L'ambiance avait été pesante, et il adorait cela. Il avait hâte de recommencer !
Il tira le tiroir à sa droite, y revit les dossiers : le rouge, celui de Luhan, et le bleu. Cette fois, il extirpa ce dernier. En lettres capitales y était noté « Hart Jade ». Il avait fait ses recherches sur sa personne, tout aussi peu fructueuses que celles de son suspect. Néanmoins, il y avait découvert l'existence de sa sœur mavoise. Sa mort correspondait au moment où elle s'était coupée de tout, il n'était pas bien difficile pour le Prédateur de faire le rapprochement. Il se doutait qu'il s'agissait là de son ultime arme contre elle, ses parents venaient juste avant. Lundi soir, il passerait leur rendre une petite visite.
Il sourit à cette pensée.
Comment réagirait-elle ? Quel regard lui lancerait-elle ? Franchirait-elle les limites des Civils ? Son jouet était plus intelligent que cela, il le sentait. De façon sûre et certaine, elle parviendrait encore à le surprendre.
Soudain, on toqua à sa porte. Il autorisa l'entrée du progue sans se donner la peine de se retourner. Nicolas se crut un instant à la Palqua, à cette place qu'il convoitait. Même si le Boss faisait face à la porte, lui. Son regard noir s'imposa à Nicolas et il frémit. Le Boss avait été un progue impitoyable, sans aucun scrupule. Il avait été un démon, faisant tomber les Mavois comme des mouches. Par chance pour eux, une fois le sommet de la hiérarchie atteint, le chef de la Palqua avait eu d'autres préoccupations, d'autres missions, d'autres affaires à gérer. Nicolas chercha dans sa mémoire sa dernière mission, mais ne trouva rien. C'était normal : le Boss n'avait plus jamais traqué un seul des monstres. Son job à lui, c'était de déléguer à présent. Comme il l'avait fait pour l'Inconnu aux mille visages.
—Nous partons.
Nicolas hocha la tête et se leva. En découvrant son visiteur, il sourit en coin. Quel étrange hasard que de revoir cet individu ! En effet, devant lui se tenait le progue aux cheveux roux. Celui-là même qui avait raté l'arrestation de Calis. Sa petite frimousse était la même et, comme la semaine passée, il n'était pas effrayé par le Prédateur.
—Ravi de te revoir, Tom.
L'invité acquiesça, puis ils rejoignirent l'équipe réunie pour cette mission. Composée de progues de Vam et de Dali, elle manquait d'unité. Le Prédateur n'en était cependant pas inquiet. Une fois sur le terrain, tous étaient portés par le même désir. Nicolas vérifia rapidement que l'ensemble de l'équipe était correctement préparé. Les armes étaient bien accrochées aux ceinturons, les têtes protégées par des casques fins, mais robustes, et les corps parés à encaisser des attaques d'animaux sauvages grâce à une combinaison de protection. Il fallait bien cela pour se frotter à Calis, la prodige des transformations.
Des talons résonnèrent dans le hall, ce qui fit grimacer Nicolas. Comment comptait-elle lui courir après ? Pourquoi venait-elle, déjà ? Rachel n'avait aucun intérêt pour la Mavoise recherchée, tout ce qu'elle désirait était renforcer ses liens avec les progues de Dali. C'était d'autant plus agaçant pour le Prédateur.
Une fois les retardataires prêts, ils se mirent en route. Ils garèrent les camionnettes à dix minutes à pied de l'immeuble visé, puis continuèrent à pied. Leurs pas étaient discrets, bien qu'encore trop bruyants aux yeux de Nicolas. Calis avait une oreille très fine, ils risquaient d'être démasqués avant même d'avoir atteint l'immeuble !
Ils étaient une dizaine à marcher à pas de loup, certains côte à côte, d'autres en file indienne. Chacun bifurqua selon le plan, afin d'encercler l'immeuble. Nicolas se retrouva seul et il aima cela. Il n'y avait plus aucun bruit parasite, plus aucune présence parasite, plus de parasites. Il put pleinement se concentrer sur le moment.
La chasse était ouverte.
Il avait mentalement mémorisé chaque ruelle autour de l'endroit que les progues visaient. Il souhaitait que Calis n'ait pas l'avantage du terrain. Hormis par les airs, la Mavoise ne pourrait pas s'échapper.
Le justicier du peuple sourit. Il avait bien évidemment anticipé le fait qu'elle puisse se transformer en oiseau. Ainsi, des coéquipiers patientaient sur le toit de certains édifices.
Enfin, le bâtiment fut en visuel. Le toit était en partie effondré, les vitres manquaient et un tas de pierre faisait office d'entrée. Nicolas s'étonna que de la mousse n'ait pas commencé à s'y installer. Calis avait-elle fait le ménage ? Les Mavois perdaient leur temps pour des tâches inutiles.
Comme un seul homme, les progues cernèrent l'immeuble. Plus personne ne bougea, patientant en silence. Calis les avait-elle entendus ? Se préparait-elle à attaquer ? Etait-elle ne serait-ce qu'à l'intérieur ?
Comme rien ne se produisit, les hommes en face des entrées pénétrèrent à l'intérieur. Les murs avaient de larges fissures et Nicolas s'étonna de le voir toujours debout. Seule la lumière du soleil éclairait l'endroit, mais il était si brillant ce jour-là que ce n'était pas un problème.
Il n'y avait rien au rez-de-chaussée. Pas même des traces de passage irréguliers. Des gravats, de la poussière, des déchets. Rien d'autre.
Ils montèrent au premier étage. Rebelote. Le Prédateur pinça ses lèvres de mécontentement. L'informateur les bernait ou bien il avait confondu un vulgaire chat avec la Mavoise.
Ils souhaitèrent accéder au deuxième étage, n'y parvinrent pas : l'escalier était coupé en deux et, malheureusement, les progues ne savaient pas encore voler. Nicolas fulmina. Elle était sans doute là-haut, à les épier sous la forme d'une quelconque bestiole volante. Elle était là-haut, à le narguer en riant aux éclats. C'était insupportable. Alors, devant ses marches abimées, il lança :
—Calis !
L'appel rebondit sur les murs, la pierre, le vide.
—Je t'attends !
Rien de plus ne se produisit pourtant. Ni la minutes suivante, ni l'heure suivante. Dépités, les progues finirent par sortir de l'endroit. Le soleil était toujours haut dans le ciel, les ombres grandes et nettes. Il faisait chaud et le Prédateur était frustré. Pourtant, quelque chose semblait ne pas aller. Quelque chose le dérangeait depuis qu'il était entré. Il décida de rejoindre Rachel. Elle l'exaspérait, cependant, elle n'en restait pas moins une progue moins stupide que tous ceux qui l'accompagnaient. Celle-ci, assise sur des pierres, semblait écrire un compte-rendu à la va-vite. Autour d'elle, Tom se tenait.
—As-tu remarqué quelque chose de particulier ? questionna-t-il.
Son timbre était curieux, mélodieux. Nicolas voulait obtenir une information. Pourtant, son regard était méprisant. Le jour où Rachel aurait une apparence adéquate à sa fonction, il consentirait à changer.
Celle-ci le lorgna un instant avant de répliquer que non, rien n'était suspect.
—Tu n'as pas eu l'impression d'être observé ? s'étonna Tom.
Un frisson lui échappa tandis que le Prédateur posait son regard sur sa personne. Ce progue avait visé juste. La sensation d'être observé ne l'avait d'ailleurs pas quitté, au contraire : elle s'était intensifiée.
—Toi aussi ? rétorqua Rachel à son collègue.
Elle avait perçu cette approbation silencieuse du plus âgé.
—Oui, confirma le Prédateur. Calis était donc bien là.
L'immeuble n'était pourtant pas une cachette, il y aurait eu des indices : des restes de nourriture, des vêtements, des couverts. Alors, que faisait la Mavoise dans un tel endroit ? Dans quel but attirer l'ennemi ici ? Le Prédateur fronça les sourcils. Il n'y avait pas de sens à cette intervention.
Sauf pour la Mavoise.
Délicatement posée sur le toit d'un immeuble, les épiant, Calis sourit.
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