1. Le début de l'histoire
Et donc, j'étais là, planté devant un portail en fer forgé, entre mes deux parents et avec une valise à la main.
La valise, elle était en carton, un carton qui devait dater des années cinquante ; et recouverte d'autocollants. La valise, c'était celle de ma grand mère. La seule chose qui me restait d'elle, puisqu'à sa mort ce fut la seule chose qu'elle me légua. Merci, grand-mère.
Le portail, il ne servait à rien. Non pas qu'il ne fût pas joli - sa grille rouillée se fondait magnifiquement bien avec la forêt environnante -, mais il était inutile. Et pour cause : il était planté là, au milieu des arbres, sans aucun grillage l'entourant. C'est à dire qu'on aurait pu le contourner sans avoir à l'ouvrir pour passer de l'autre côté, endroit nommé « propriété privée » par un panneau défraîchi planté de guingois. Bref, il ne servait à rien.
Quant à mes parents... Je ne sais pas s'ils n'étaient pas aussi inutiles que le portail.
Ne me regardez pas comme ça, c'est la vérité. Hormis m'avoir inscrit dans ce supposé collège et se jeter à la dérobée des regards en coin, ils ne servaient à rien. Je ne pouvais même pas compter sur eux pour me rassurer : ils avaient l'air aussi effrayés que moi.
- Bon, alors, mon chéri, je crois que nous allons te laisser... annonça Maman d'une voix hésitante.
Je manquai m'étouffer. Comment ? Me laisser ici, devant ce portail inutile, avec la valise de Grand-Mère... seul ?
Mes parents avaient beau n'être que figurants à ce moment-là, au moins n'étais-je pas seul !
Mon père ouvrit la bouche. Je t'en prie, Papa, dis-lui que vous ne pouvez pas me laisser seul !
- Oui, Tim, tu es assez grand maintenant pour te débrouiller seul.
Merci, Papa.
Je tentai :
- Mais, euh... Et si le directeur veut vous voir ? Vous ne pouvez pas partir comme ça !
- Tout d'abord, le directeur est une directrice, me reprit ma mère. Ensuite, tout est déjà réglé, nous n'avons pas besoin de la rencontrer.
- Mais, vous ne pouvez pas me laisser seul ! Je ne sais même pas quoi faire !
Mes parents s'entre-regardèrent, indécis.
- C'est vrai que... On pourrait attendre un peu avec lui... avança Papa.
- Oui, Papa a raison, appuyai-je. Vous pouvez au moins attendre qu'on m'ouvre la porte !
- Bon, ça va, capitula ma mère.
Elle n'avait pas lâché avec trop de difficultés. Au fond, elle aussi préférait rester un peu plus avec moi. Je remerciai silencieusement son instinct maternel. Je n'avais que onze ans, après tout !
- Je vais appeler la directrice pour qu'elle nous ouvre, reprit Maman en sortant son portable.
Tandis qu'elle le portait à son oreille, je détaillai encore les environs. Quel étrange lieu pour une école !
Derrière le portail s'étendait une large allée qui serpentait, s'échappant de mon regard. Elle aurait été aisément praticable par une voiture, si les voitures pouvaient arriver jusqu'à cet endroit de la forêt. Nous avions nous-mêmes dû garer la notre à la lisière et faire le chemin à pied sur le sentier, guidés par les panneaux indicateurs. « Collège », annonçaient-ils, comme si le collège n'avait pas de nom.
D'ailleurs, à bien y réfléchir... En avait-il seulement un ? Ni mon père ni ma mère n'y avait fait allusion, en tous cas.
- Et mince, s'exclama Maman, pas de réseau !
Je ravalai le « ça t'étonne ? ». À quoi s'attendait-elle ? Dans cette partie de la forêt, les cerfs n'ont pas besoin d'Internet !
Je soupirai. Il devait forcément y avoir un autre moyen. Je réfléchis quelques secondes.
La cloche !
Mais oui, bien sûr ! Il y avait une cloche, sur le portail ! Pourquoi n'y avions-nous pas pensé plus tôt ?
- Il faut sonner la cloche, m'exclamai-je fièrement à mes parents.
Ils me regardèrent comme s'ils prenaient - enfin ! - conscience de l'étendue de mon intelligence.
- Mon pauvre Tim, commença mon père, le bâtiment est bien trop loin pour qu'ils entendent le son de la cloche.
Ah, je vois. Ils m'avait regardé comme s'ils avaient pris conscience de l'étendue de ma bêtise, en fait.
Mais, décidé à ne pas me laisser démonter, j'allai faire résonner la cloche. Garder la tête haute dans tous les cas.
Aussitôt que le son de la cloche - plus grave que je ne l'avais imaginé - retentit, nous entendîmes une voix féminine, qui semblait sortir de la cloche elle-même :
- J'arrive tout de suite !
Mes parents me regardèrent, stupéfaits. Je dissimulai ma propre surprise pour prendre un air supérieur :
- Je vous l'avais bien dit.
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