Chapitre 9 - Notre plage
— Regarde Énée, c'est notre plage ! s'écria Sylvan.
— Ce n'est plus notre plage, bougonna l'historien.
L'historien grinça des dents, mécontent. Quand il était revenu avec Cléanthe, le repas était terminé et Sylvan s'était levé en annonçant qu'ils devaient tous les trois se rendre sur la plage afin d'effectuer des fouilles. Énée avait bien tenté d'y échapper, mais le regard brillant du citoyen l'en avait dissuadé. Sylvan avait remercié Thétis pour le déjeuner, prit les jumelles dans ses bras pour une étreinte – sous le regard agacé de l'historien qui ne supportait pas que les filles l'adulent et demandent quand est-ce qu'il reviendrait -, puis appelé Énée et Pénélope à le suivre. On aurait dit que la fuite d'Énée et leur dispute n'avaient jamais eu lieu. Il faisait comme si l'historien avait fait son caprice et qu'il était revenu calmé.
Tout en marchant en direction de la plage, Énée serrait ses poings, son corps contracté et crispé, les dents si serrées qu'il se faisait mal à la mâchoire. Après dix minutes, ils s'arrêtèrent dans une crique entourée de pins et d'olivier. Sylvan en profita pour étudier le terrain, sa carte à la main pendant que Pénélope le suivait. N'ayant aucune envie de les aider, Énée les laissa farfouiller et s'avança vers le bord de mer. Il s'assit sur un rocher, les pieds dans l'eau et resta sans bouger, les yeux dans le vide. Quelques minutes plus tard, Pénélope le rejoignit.
— Tu n'aides plus Sylvan ? demanda-t-il.
— Il dit qu'il n'a plus besoin de moi.
Énée maugréa. Comme toujours, Sylvan prenait, puis jeté quand il n'avait plus besoin. L'historien tourna son visage vers Pénélope. À quoi pensait-elle ? Tandis que Sylvan s'extasiait sur le paysage, tâtant le sol de ses sandales, l'esclave contemplait l'horizon, ses yeux rivés sur quelque chose d'invisible. Pensait-elle à sa cité ? À combien de lieue se trouvait Ségeste ? D'une certaine manière, Énée comprenait ce qu'elle ressentait. Il ne pouvait pas se mettre totalement à sa place, il n'était pas esclave et n'avait pas été enchaîné à un navire, trahi et vendu ; mais lui aussi avait traversé la mer. Dès années plus tôt, ses parents l'avaient mis dans un bateau, avec d'autres sparciens fuyant la cité-état. Il avait cru mourir cette nuit-là, alors que le passeur leur prenait tout leur argent pour les entasser à cinquante dans une minuscule embarcation. Les vagues avaient failli les faire chavirer à plusieurs reprises, certains étaient tombés à l'eau et avait perdu la vie. Énée se souvenait encore de la terreur qui l'avait assailli, alors qu'il se cramponnait à sa mère en hurlant. Il avait prié tous les dieux qu'il connaissait pour parvenir en vie de l'autre côté.
Quand, enfin, la cité d'Isthma était apparue à l'horizon, les hommes et les femmes avaient poussé des cris de joie. C'était la fin d'un long périple, mais aussi le début d'un autre. Leur navire échoué sur la plage, il avait fallu se faire connaître auprès des autorités, reconstruire un logement, retrouver un statut. Sans l'aide de Thétis et Cléanthe, qui s'étaient tout de suite pris d'affection pour sa famille, ils auraient sans doute vécu dehors durant très longtemps.
— Un jour, j'achèterai un navire, je traverserai la mer et je rentrerai chez moi, entendit-il dire Pénélope.
— Je suis sûr que tu y parviendras.
Énée était persuadé que Pénélope possédait la détermination nécessaire pour réussir son entreprise. Nul doute qu'elle parviendrait à trouver un bateau et à rejoindre Ségeste pour reprendre le trône à l'homme qui lui avait ravi.
— Et si on se tutoyait ? proposa Énée.
— Ce serait plutôt à moi de t'autoriser à le faire. Je suis une princesse.
Le jeune homme esquissa un sourire, Pénélope avait raison. Elle n'avait rien d'une esclave. C'était une femme de haute naissance, encore plus éloigné de lui que ne l'était Sylvan, en termes de statut social. Il s'inclina avec respect.
— Dans ce cas, accepteriez-vous que je vous tutoie, princesse de Ségeste ?
— Avec plaisir, lego historia.
Un sourire de connivence étira leurs lèvres. Sylvan, qui s'était éloigné, choisit ce moment pour revenir, trois pelles dans la main. Du doigt, il désigna un coin de la crique, près d'un tronc d'arbre déraciné.
— Allez ! Au travail ! enjoignit-il.
Pénélope et Énée se levèrent pour le suivre. Énée n'avait aucune envie de creuser dans le sable, mais il ne se voyait pas passer le reste de l'après-midi à les regarder faire, surtout si Pénélope y était contrainte.
— Tu creuses avec nous aujourd'hui ? lança Sylvan, un sourire aux lèvres.
Énée lui jeta un regard noir et récupéra la pelle.
— Où l'as-tu trouvé ?
— Je les ai empruntés à Cléanthe.
Sur ces paroles, le citoyen se mit à creuser. Pendant quelques minutes, Énée resta à le regarder, jusqu'à ce que Pénélope se joigne à lui. Elle était une princesse et elle se retroussait les manches. Aussi, Énée planta sa pelle dans le sable. Rapidement, la sueur coula sur sa chemise, il avait chaud. Plus ils creusaient, plus le trou gagnait en profondeur, mais moins ils en voyaient le bout. Combien de temps Sylvan comptaient-ils les mettre à contribution ? Allaient-ils creuser ainsi durant des heures et jusqu'à quand ? Régulièrement, le citoyen demandait à Pénélope si elle sentait quelque chose. La jeune femme s'arrêtait, posait ses mains sur le sol, fermait les yeux et hochait la tête, leur indiquant où se décaler pour continuer. Sylvan y mettait beaucoup d'effort. Le sable devenait de plus en plus dur à mesure qu'ils gagnaient en profondeur, mouillé aussi. La mer n'était qu'à quelques mètres. Bientôt, ils se retrouvèrent avec du sable et de l'eau jusqu'aux hanches.
— On va creuser longtemps comme ça ? s'énerva Énée, plusieurs heures plus tard.
— Il faut creuser plus profond, indiqua Pénélope.
— Nous y sommes presque ! s'exclama Sylvan.
— Presque, presque ! C'est vite dit, bougonna l'historien.
Sylvan répétait cela à chaque fois que Pénélope s'arrêtait et leur indiquait de continuer. L'après-midi s'étirait, le jour commençait à décliner. Il n'y avait aucun vase. Aucun morceau de céramique. Et s'ils ne trouvaient rien ? Que feraient-ils ensuite ? Sylvan allait-il les obliger à creuser à l'infini, jusqu'à ce qu'il soit satisfait ? Quand le soleil se coucha, parant la plage d'un joli halo orangé, le métoïkos planta la pelle dans le sable, fatigué, le front couvert de sueur.
— Bon, ça suffit, j'arrête, déclara-t-il. Si on continue comme ça, on creusera jusqu'à la mer.
— Nous n'avons pas trouvé, se lamenta Sylvan. Il faut continuer.
— Il va bientôt faire nuit. Comment comptes-tu voir des morceaux de céramique dans le noir ? Imagine que tu éclates des morceaux avec ta pelle !
Sylvan sembla peser le pour et le contre. Il releva son visage couvert de sable vers le soleil, en train de se coucher à l'horizon. Bientôt, il disparaîtrait, englouti par la mer, les laissant dans le noir. Après un instant de réflexion, le citoyen hocha la tête et consentit à arrêter. Il planta sa pelle dans le sol.
— Nous reprendrons demain, déclara-t-il.
« Enfin une parole censée », pensa Énée.
L'historien sortit du trou, le sable lui arrivait désormais au niveau du ventre. Sylvan s'extirpa en second, puis tendit sa main vers Pénélope. La jeune femme ne portait plus son voile, ses cheveux tressés étaient recouverts de sable mouillé. Ils s'assirent tous les trois, épuisés d'avoir passé l'après-midi à creuser. Énée avait mal au bras, Pénélope peinait à reprendre son souffle. Seul Sylvan demeurait stoïque, le regard tourné vers la mer, les yeux dans le vide. Il semblait perdu dans ses pensées et ne disait plus rien. Énée aurait aimé savoir à quoi il pensait et comprendre pourquoi il s'échinait tant pour retrouver ce vase. Le citoyen avait toujours aimé les objets rares, encore plus les artefacts, mais sa passion pour celui-ci frôlait l'obsession. Déjà enfant, il collectionnait les pièces anciennes et s'amusait à les étaler sur des étagères pour les admirer. Quand il venait chez lui, Énée collait des petites étiquettes sous les objets, après les avoir lus, pour faire comme s'ils avaient leur propre musée. Cette fois, c'était différent. Sylvan ne voulait pas exposer ou vendre ce vase, il voulait l'utiliser pour obtenir le souhait raconté dans ce mythe ! Mais pour quelle raison ?
Énée passa ses bras autour de ses genoux et balaya les grains de sable accrochés à son pantalon. Dans le même temps, Pénélope récupéra leur sac pour en sortir une gourde. Elle avala une gorgée et la tendit à Sylvan. Son maître but plusieurs lampées, puis passa la bouteille à Énée.
— Ça manque de vin, décréta-t-il.
— Tu bois trop, répondit Énée.
— Seulement avec modération.
— Qui est modération ?
— Haha ! Ce que tu peux être amusant.
Pénélope souffla, puis récupéra la gourde pour la finir. Même si les joutes verbales entre les garçons l'agaçaient, on pouvait percevoir un petit sourire aux coins de ses lèvres, comme si elle commençait à s'attendrir.
— Donne-moi le sac, ordonna Sylvan.
L'esclave le lui tendit et le citoyen fouilla à l'intérieur. Il extirpa des sablés aux amandes en forme de lune, recouverts de sucre, ainsi que des biscuits au miel, à l'huile d'olive et au romarin. Sylvan croqua dans un sablé, puis montra son sac aux deux autres pour les inciter à en prendre. Énée récupéra un biscuit au miel, des miettes tombèrent sur sa chemise quand il y planta ses dents, se mêlant aux grains de sable. Le silence s'installa, seulement troublé par le bruit des vagues et des quelques cigales qui continuaient de chanter dans les oliviers.
— On pourrait dormir ici, proposa Sylvan.
— Non, trancha Énée. Je déteste le sable.
— Tu aimais bien le sable, avant.
— J'ai toujours détesté le sable, c'est toi qui m'obligeais à venir.
— Je ne t'ai jamais senti contraint, répliqua Sylvan en lui tirant la langue.
— Personnellement, cela ne me dérange pas, décréta Pénélope, coupant court au débat.
Pénélope et Sylvan échangèrent un sourire. Aussitôt, une boule se forma dans l'estomac d'Énée. Ses yeux passèrent de l'un à l'autre et il se rappela les mots que Nikolaos, l'autre esclave de la villa, avaient prononcé lorsqu'il s'était retrouvé seul avec Pénélope. Se pourrait-il que Sylvan et son esclave se soient rapprochés ? Se pourrait-il que Sylvan exige de ses esclaves qu'elle ait des faveurs sexuelles à son égard ? Un élan de dégoût le traversa à cette pensée. Cela pouvait peut-être expliquer la façon dont Pénélope parlait au citoyen, et le fait qu'il n'en prenne pas ombrage. Sylvan avait toujours aimé les gens qui lui tenaient tête. Était-il en train de tomber amoureux d'elle ?
— Je devrais peut-être rentrer, chuchota Énée.
— À cause du sable ? demanda Sylvan.
— Non, je ne veux juste pas tenir la chandelle.
Sylvan fronça les sourcils, Pénélope éclata de rire et recracha des morceaux de biscuits. Énée se sentit vexé et croisa les bras.
— Quoi ? s'énerva-t-il.
— Tenir la chandelle ? répéta Sylvan. Tu crois qu'elle et moi on... Enfin, Énée ! Je ne suis pas ce genre de maître.
— Quel genre de maître es-tu alors ?
— J'ai des valeurs.
— Pourtant, ton éthique ne t'empêche pas d'être un esclavagiste, répliqua-t-il.
— Mais enfin ! Tout le monde a des esclaves à Isthma ! se défendit Sylvan, comme si cela pouvait le dédouaner.
Énée se renfrogna, il savait qu'il n'aurait pas dû lui en vouloir autant. Sylvan était loin d'être le seul citoyen à posséder des esclaves. L'esclavage étant une institution inscrite dans la loi d'Isthma, et dans la plupart des cités-état, c'était mesquin de sa part de reprocher à Sylvan de faire comme les autres. Mais il aurait aimé que son vieil ami soit différent. Qu'il mette en pratique ses beaux principes et toutes les promesses qu'il lui avait fait quand ils étaient plus jeunes, et qu'ils rêvaient d'avenir.
— Parle-nous de ton pays, proposa Sylvan à Pénélope, pour changer de sujet.
De nouveau, le silence se fit. La jeune femme, plongée dans ses pensées, semblait réfléchir avant de se confier. Énée ne pouvait pas le lui reprocher, se livrer était un exercice difficile. Elle n'avait peut-être pas envie de remuer le passé. Finalement, après plusieurs minutes à écouter le bruit des vagues, la princesse prit la parole.
— Le palais de Ségeste se trouve sur une citadelle, il surmonte la ville et s'ouvre sur la mer. L'île est au centre d'un grand archipel. Quand je vivais là-bas, j'adorais me rendre au temple avec ma sœur, nous prenions en bateau avec les pauvres et les pèlerins. Nous allions déposer des offrandes et voir les prêtresses, nous aidions les plus précaires venus trouver refuge, dans l'espoir d'avoir de la nourriture et un endroit où se reposer.
— Tu étais proche de ton peuple, commenta Sylvan.
Pénélope hocha la tête pour confirmer, un sourire triste sur les lèvres.
— Pour mon père, le roi, certaines valeurs ont toujours primé sur les autres : l'altruisme, le don de soi, la générosité. Il nous a élevé ainsi. Il voulait faire de nous des souverains proches du peuple. C'était un homme bon, pacifiste, qui détestait la guerre.
— Tu étais l'aîné ? demanda l'historien.
— Non, la benjamine. J'avais une sœur et un frère plus âgé, ils sont morts lors de la guerre.
Sa voix trembla sur la fin. Pénélope ravalait sa peine. Elle ne pleurait pas et enfouissait ses émotions au fond d'elle. Pourtant, on sentait une fêlure quand elle parlait, une blessure qui saignait toujours.
— Et ton cousin ? interrogea Énée.
— Mon père avait un frère jumeau, il ne pouvait être plus différents. Archiloque a toujours eu beaucoup d'ambition, il voulait faire se battre contre la ligue, il trouvait mon père trop pacifique. Lorsque la guerre a éclaté, nous avons dû faire face à une guerre civile, en plus des combats extérieurs. Mon oncle a réuni des partisans autour de lui et une nuit, ils sont entrés dans la citadelle pour assassiner mon père et mon frère. Nous avons pu nous enfuir avec ma mère et ma sœur, mais ils nous ont rattrapé. Iris est morte en me sauvant la vie.
Sa voix se brisa sur cette parole. Énée faillit tendre sa main pour prendre celle de Pénélope, mais il se ravisa. Il n'était pas certain qu'elle veuille être touchée.
— Ma mère et moi avons été emmenés devant Azarias, mon cousin. Il nous a fait enfermer, dans l'attente de décider de notre sort. Quelques semaines après, Ségeste et les cités du sud ont perdu la guerre, j'ai appris que mon oncle était décédé durant la bataille. Azarias s'est arrangé pour récupérer le trône en annonçant que toute notre famille avait été assassiné et vous connaissez la suite. Il nous a vendu...
La colère perçait à travers ses mots. Pénélope avait refermé ses mains autour de la gourde, désormais vide et la serrait si fort que ses doigts blanchissaient. Derrière le voile de tristesse et de tragédie recouvrant l'histoire de Pénélope, Énée sentait toute sa haine accumulée.
— Encore une fois, je suis désolé, murmura-t-il.
— Les excuses ne ramènent pas les morts, chuchota Pénélope.
— Ça, c'est bien vrai, lança Sylvan.
Durant toute l'histoire, le citoyen n'avait rien dit. Avait-il au moins ressenti des émotions ? Compatissait-il avec Pénélope, pour son sort et celui de sa famille ? Énée se demandait ce qu'il pensait vraiment, au fond de son esprit. Il suffirait d'un mot de Sylvan pour que Pénélope soit libérée. Le citoyen pouvait lui rendre sa liberté ce soir, dès maintenant. Il pouvait lui offrir un bateau et la laisser prendre la mer pour rejoindre sa cité. Énée aurait aimé que Sylvan fasse cela. Qu'il lui prouve qu'un homme bien se cachait encore derrière le citoyen égoïste qu'il semblait être devenu.
Énée jeta un coup d'œil sur le côté. Sylvan fixait la mer en grignotant les restes de ses biscuits.
— Et toi, Énée, dis-nous comme est Sparcia, poursuivit-il.
Y avait-il encore des émotions derrière son sourire ? Énée en doutait. Il agissait comme si les paroles de Pénélope n'étaient qu'un mythe ancien et tragique.
— Je ne m'en souviens pas.
Le jeune homme n'avait pas envie de parler de la cité où il était né. Il se souvenait à peine de ses huit premières années. Il se rappelait seulement sa maison du bord de mer et du temps qu'il passait auprès de son père, pêcheur de métier. Ce dernier lui apprenait à tisser des filets pour attraper des poissons. Énée l'aidait et se rendait au marché avec lui pour vendre ses prises. Le petit garçon rejoignait ensuite sa mère à la cuisine, où elle découpait les légumes et nettoyait les poissons, pour le repas. C'était une vie simple. L'historien chérissait ces souvenirs. Il ne souhaitait pas les partager, pas plus qu'il n'avait envie de parler de la traversée qui avait failli lui ôter la vie.
— Et vous, qu'avez-vous à raconter ? demanda Pénélope à Sylvan.
Le citoyen balaya l'air d'une main.
— Oh, rien de bien intéressant, éluda-t-il. Ma vie n'est pas très passionnante, vous savez. Je cherche des objets, je collectionne mes préférés, j'en expose, j'en revends, j'en achète, je m'enrichis en somme.
— Et cela vous plaît ?
— Oui, j'aime ça.
— L'art ou l'argent ? demanda Énée.
— L'art qui rapporte de l'argent.
Il lui sourit d'un air charmeur. Pour Sylvan, rien ne semblait jamais grave. Il vivait, prenait ce qu'il voulait, comme si rien ne le touchait.
— Qu'est-ce que vous feriez, si vous étiez libre ? chuchota Pénélope dans le noir.
— Nous sommes libres, répondirent les deux hommes de concert.
L'esclave ricana, avant de terminer le dernier biscuit.
— Aucun de vous d'eux n'est libre, leur dit-elle. Toi, Énée, tu es prisonnier de ton passé et de tes sentiments. Vous, Monsieur Patricis, de vos secrets et de vos faux semblants. La vraie liberté, c'est d'assumer qui l'on est. Vous jouez un rôle tous les deux, moi non. Je suis peut-être esclave, mais mon esprit est moins prisonnier que le vôtre.
Sylvan et Énée clignèrent des yeux, étonnés par les paroles de Pénélope et par son sermon. Énée ne savait pas quoi répondre à cela. Une part de lui savait qu'elle disait vraie. Depuis toujours, il était prisonnier de son passé et de ses aspirations. Quant à Sylvan, derrière ses sourires, son air sûr de lui et détaché, il cachait quelque chose. Énée le savait. Mais il n'était pas sûr que le citoyen soit prêt à le lui révéler.
Ils ne dirent plus rien et se laissèrent envelopper par le bruit des vagues, avant de s'endormir sur la plage.
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