Chapitre 19 - Le rêve de Clausius


La douleur implosa dans sa tête. Cette fois, Énée s'y était préparé. Il se doutait de ce qu'il se passerait au moment où ses doigts entreraient en contact avec Clausius. Le tyran n'était plus tout à fait humain. Son corps était en partie constitué d'ichor, de cendre et de céramique. Il n'était ni un homme, ni un dieu. C'était un artefact vivant. Un objet animé. Des milliers d'images se succédèrent, les unes à la suite des autres, dans l'esprit d'Énée. Il les laissa faire, sans les repousser. Longtemps, il avait lutté contre elles, mais aujourd'hui, il était prêt. Il les acceptait.

La souffrance pulsait dans sa tête, dans ses tempes, sur son front. Énée la douleur l'envelopper, comme une présence familière. Sa mère lui avait dit de nombreuses fois de ne pas lutter. Enfant, elle lui tenait la main durant ses crises de migraine, jusqu'à ce qu'elles s'apaisent. Il se demandait si sa voix avait pu contenir une touche de magie. Si sa mère était une Eklektos, tout comme lui, peut-être son don se trouvait-il dans sa voix apaisante ? Dans ses paroles réconfortantes ? Dans sa force tranquille ?

— Ne lutte pas, mon chéri, ça va passer. Tout ira bien, lui disait-elle.

Énée laissait la souffrance l'envahir. Les images devinrent des sons. Le passé de Clausius lui sautait au visage. Durant des années, l'homme était resté prisonnier des fragments éparpillés. Durant tout ce temps, il avait étoffé sa soif de vengeance et tissé sa toile. Au milieu des images et de la douleur, Énée tentait de percevoir au-delà. Clausius n'était pas seul dans ce vase. Ils étaient deux à y être enfermés. Le tyran en devenir et le dieu.

Elpis était là, tapis dans l'ombre. Il veillait sur le tyran et le surveillait. Durant des siècles, des hommes avaient recherché le vase. Des générations de croyants s'étaient lancés dans cette quête insensée. Chaque fois, Elpis avait mis l'un de ses descendants sur son chemin, préservant sa cendre, gardant les restes du vase enfoui et caché. C'était la première fois que quelqu'un parvenait à compléter la poterie. Et Énée ferait en sorte que ce soit la dernière.

L'historien resserra ses doigts sur l'artefact et aperçut deux iris bleus en train de le contempler.

— Tu dois le ramener dans le vase, chuchota la voix du dieu.

Assis sur un rocher, Elpis fixait son descendant, l'air inquiet. Ses pieds effleuraient les vagues qui léchaient ses chevilles.

— Comment ? demanda l'historien.

— Tu sais comment, répondit le dieu.

Pourquoi les divinités parlaient-elles toujours par énigme ?

— Non ! s'écria Énée. Je n'en ai aucune idée.

Le sourire du dieu s'agrandit.

— Le mythe, jeune historien. N'as-tu donc rien appris ?

À cet instant, Énée comprit. Le vœu. Elpis voulait parler du dernier vœu.

Énée n'osait pas y croire. Suffisait-il simplement de réclamer un vœu à Elpis pour qu'il soit exaucé ? Pouvait-il demander au dieu des rêves qu'il ramène Clausius dans le vase et l'enferme à tout jamais ? Ses doigts toujours serrés sur le bras du Clausius l'artefact, Énée hésitait. Les images continuaient d'affluer. Il ressentait toute la haine de Clausius. Ses envies de vengeance. Sa colère. Sa soif de pouvoir et d'ambition.

Soudain, Énée le vit, plus jeune, marchant sur la plage en compagnie de plusieurs personnes. Il y avait des femmes et des hommes. Tous portaient des toges. Deux femmes, la tête voilée, parlaient avec en train à deux autres. L'une d'elle, très jeune, désignait du doigt une cité dans le lointain. Énée aperçut l'acropole et les temples surplombant Ishtma. La vision devait remonter à plusieurs siècles. Les oliviers n'étaient pas aussi charnus, les colonnades tenaient toutes debout. Deux hommes se tenaient la main. En face, un autre les toisait, poings sur les hanches et sourcils froncés. La discussion paraissait houleuse. Énée reconnut Clausius à la barbe qu'il portait et à ses yeux violets.

— Le régime politique doit changer, dit l'un des deux hommes. Si nous voulons diriger la ligue, nous devons devenir des modèles d'exemplarité pour les autres cités.

— Nous ne pouvons pas laisser le pouvoir au peuple, Isral, rétorqua Clausius. Votre idée est ridicule. Nous courons à notre perte si nous faisons cela.

— Notre perte ? répéta Isral. Ou celles de nos privilèges ?

— Les privilégiés existent pour une raison ! éructa Clausius. Le peuple n'a pas son mot à dire. Il est faible d'esprit, tel un troupeau de mouton, perdu sans ses bergers.

Énée étouffa un élan de surprise en reconnaissant les deux hommes qui se tenaient la main. Ils devaient s'agir d'Isral et Meteor, ceux dont parlait le mythe. Leurs yeux trahissaient l'amour qu'ils se portaient, chaque fois qu'ils se regardaient. Leurs mains ne se lâchaient pas. Ils faisaient bloc face à Clausius, défendant leurs idéaux démocratiques.

— Je crois, au contraire, que la démocratie est la solution, dit Meteor d'une voix grave et calme.

— Foutaise ! s'écria Clausius. Nous ne pouvons pas donner le pouvoir à n'importe qui. Le peuple n'a pas la moindre idée de comment marche la politique.

— Dans ce cas, nous lui apprendrons, répondit doucement Isral. Nous ouvrirons des écoles pour les éduquer. Des précepteurs s'efforceront d'éveiller les consciences.

— Des écoles ! s'écria Clausius. Enfin ! Vous n'y pensez pas ? Si le peuple devient intelligent, il se révoltera contre nous. Seul un petit nombre peut gouverner.

— Ouvre les yeux, Clausius, le coupa Meteor. L'oligarchie est dépassée. Nous devons créer autre chose. Un monde meilleur.

— Je refuse ! s'exclama Clausius. Ce n'est pas un monde meilleur que vous allez créer, mais une révolution.

Il frappa sur le sol, envoyant valser du sable.

— Calme toi, mon ami, sourit Meteor. Ce que tu crains n'arrivera pas.

— Fais nous confiance, ajouta Isral.

L'amour transparaissait dans leurs paroles. L'amour et l'espoir.

La vision devint floue. Elle s'effaça doucement, laissant place à une maisonnée, dans laquelle se trouvait le vase d'Elpis. Isral et Meteor se tenaient autour, accompagnés de Clausius. L'homme réclamait son vœu. Énée n'entendit pas ce qu'il demandait, mais il connaissait la suite. Comment Isral avait-il pu se laisser aveugler par ses paroles ? Comment avait-il pu croire que Clausius utiliserait son souhait pour une bonne cause ?

Le brouillard remplaça l'image. Énée se retrouva de nouveau face à Elpis. Le dieu lui souriait, dans son beau visage encadré de cheveux blonds, à la peau brillante et dorée. Ses yeux étaient faits de glace.

— Tu as fait ton choix ? chuchota le dieu.

— Oui, répondit Énée.

Un instant, le désir de demander une chose égoïste lui traversa l'esprit. Qui ne serait pas tenté d'utiliser le vœu d'un dieu pour lui-même ? Si cela n'avait tenu qu'à lui, Énée aurait imploré Elpis de lui offrir la vie qu'il désirait. Il aurait demandé la même chose qu'Isral et Meteor. Une vie simple, avec Sylvan, et un travail au musée. Mais Énée avait toujours eu des valeurs et il ne pouvait pas laisser Clausius prendre le pouvoir. Il devait faire quelque chose. Il devait empêcher une catastrophe de survenir. Il devait réparer la bêtise causée par Sylvan.

— Je sais quel est mon vœu, dit-il avec force et conviction.

— Je t'écoute, mon enfant.

— Je souhaite que le vase ne soit plus qu'un vase.

Un sourire étira les lèvres d'Elpis face à cette formulation.

Le monde explosa dans une pluie de lumière.

*

Un cri déchira l'atmosphère et le monde se mit à trembler.

Énée se retrouva violemment projeté sur le sol, alors que le vent s'engouffrait dans la pièce. Les derniers objets encore debout par terre tombèrent. L'historien plaqua ses mains sur sa tête pour se protéger des fracas. Dehors, le bruit devint assourdissant. On entendait des cris qui provenaient des rues. Des hurlements déchirants.

Puis, aussi vivement que les secousses avaient commencé, elles cessèrent. Énée resta sur le sol, recroquevillé. Il lui fallut un moment avant de redresser la tête, pour s'assurer que les murs et la galerie étaient stables. Quand il releva les yeux, une partie de l'annexe s'était effondrée, le plafond était éventré. Plus aucune étagère ne tenait debout, de nombreux objets étaient brisés sur le sol. Sylvan et Pénélope se tenaient l'un contre l'autre, Agnès était toujours inconsciente et Cléon gémissait à ses côtés.

— Qu'est-ce qu'il s'est passé ? s'écria Sylvan.

— Qu'est-ce que c'est ? demanda Pénélope.

Énée tourna la tête et son regard se posa sur une poterie. Elle se tenait au centre de la pièce, entourée d'un cercle de cendre noir. Le trou dans le plafond laissait filtrer un halo de lumière qui pointait droit sur elle.

Il s'agissait d'un vase.

La pièce était intacte, reconstituée et elle trônait fièrement au milieu des décombres.

Énée se redressa et s'avança vers le vase. Doucement, il tendit la main et posa son doigt à sa surface. Aucune douleur ne perça ses tempes. La poterie avait perdu toute sa magie. Clausius avait disparu, enfoui à tout jamais à l'intérieur. Ce n'était plus un artefact désormais, mais un simple vase en céramique, datant de l'époque pré-étatique. Le dernier vœu d'Elpis avait été utilisé. Le mythe était bouclé.

L'historien releva la tête et croisa le regard de Sylvan. Son ami tenait son poignet blessé contre lui et l'observait, les yeux écarquillés. Énée délaissa le vase, traversa les décombres et se laissa tomber devant Sylvan et Pénélope. Des larmes roulaient sur les joues de la princesse déchue.

— J'ai cru que tu étais mort, chuchota-t-elle.

Du sang coulait sur son front. Énée posa une main sur son épaule et l'attira contre lui. Tous les trois se serrèrent l'un contre l'autre, soulagés d'être en vie.

— Aïe ! Tu me fais mal ! s'écria Sylvan.

L'historien recula et observa son ami. La douleur transparaissait dans ses yeux. Il serrait son poignet cassé contre sa poitrine. Énée savait qu'il souffrait moins physiquement que mentalement. Cléon lui avait fait du mal et Clausius avait tué sa mère en habitant son esprit. Des larmes perlaient dans ses yeux. Énée les essuya de ses doigts ensanglantés, puis déposa ses lèvres sur les siennes. Le souffle chaud de Sylvan l'enveloppa. Il resta contre lui, le serrant contre sa poitrine et écouta son cœur battre. Il voulait qu'il le soutiendrait et qu'il ne l'abandonnerait jamais.

Autour, la galerie n'était plus qu'un amas de décombres. La cité venait sûrement de subir le plus violent tremblement de terre jamais subi. Mais au moins, Clausius n'était plus là. Il était parti. Jamais il n'instaurerait de tyrannie à Ishtma.

— Ag... Agnès...

Ils relevèrent la tête et se retournèrent. Cléon avait rampé vers sa fille, allongée sur le sol. Énée ne put s'empêcher de poser les yeux sur les moignons du citoyen. La chaire rongée ne laissait plus que des bouts de peau en lambeau. Cette vision lui donnait envie de vomir. Pénélope se redressa et alla rejoindre Cléon et sa fille. Sans un mot, elle s'agenouilla devant la citoyenne et posa un doigt sur sa carotide, avant de se pencher pour écouter son cœur.

— Elle est en vie, leur dit-elle. Elle respire.

— Agnès ! répéta Cléon d'une voix plaintive.

Il tentait de secouer sa fille avec ses bras coupés. Pénélope posa sa main sur ses épaules et le força à reculer. Énée détourna le regard pour ne pas vomir. Sylvan tenta de se relever pour rejoindre son père, mais l'historien se plaça devant lui.

— Non, reste ici, l'enjoignit-il.

— Je dois aider ma sœur, lança son ami. Et mon père...

— Tu es blessé toi aussi. Laisse-moi aller chercher un guérisseur.

— Tu crois qu'il a dit la vérité ? s'affola Sylvan. Tu crois que ma mère est ...

— Chut ! le coupa Énée en déposant un doigt sur ses lèvres. N'y pense pas.

Ce n'était pas l'heure de pleurer. Ils auraient tout le temps pour le faire plus tard. L'urgence, c'était de soigner Agnès, Sylvan et Cléon. Énée n'était pas blessé – si on exceptait sa dent brisée -, il sentait seulement la fatigue proche de s'abattre. S'il se laissait aller, il s'écroulerait, paniquerait et partirait sur le forum à la recherche de ses sœurs. Pour l'instant, il préférait ne pas penser à Alcmène et Euripide. Ni même à Thétis et Cléanthe qui avaient dû subir le tremblement de terrer. Une chose après l'autre.

— Pénélope, tu peux rester ici ? Je vais au temple d'Asclios.

Énée se redressa. L'adrénaline pulsait encore dans ses veines. Il traversa la galerie détruite et sortit à l'extérieur. Partout, on entendait des hurlements. Il remonta la rue, s'engouffra dans une alcôve et grimpa jusqu'au forum. Tout était sens dessus dessous. Le tremblement de terre avait touché toute la cité. Les décorations et autres éléments mis en place pour les festivités des Isthmathénée reposaient sur le sol, à moitié détruits. Énée remonta la rue en direction du temple. Sans pouvoir s'en empêcher, il chercha Alcibiade et ses sœurs du regard. Avec un peu de chance, ils n'étaient plus sur le forum quand la terre avait tremblé. Les habitants appelaient des noms dans les rues. On courait partout. On criait. Certains s'étaient mis à l'abri pour échapper aux tremblements. De nombreuses maisons étaient éventrées, la plupart des étals des maraîchers étaient renversés. Énée traversa le forum le plus rapidement possible. Il courut pour rejoindre le temple d'Asclios.

Plusieurs prêtresses, le visage recouvert d'un voile, se tenaient sur le perron du temple quand il arrive. Elles tenaient des sacs dans les bras, avec de quoi soigner les éventuels blessés. Énée se plaça devant deux d'entre elles et les interpella.

— S'il vous plait, j'ai besoin d'aide ! implora-t-il.

— Toute la cité a besoin d'aide ! rétorqua l'une des prêtresses.

— Mes amis sont blessés.

— Il y a de nombreux blessés. Nous devons d'abord nous organiser.

— Je vous en prie, aidez-moi, les supplia-t-il.

Sa voix commençait à trembler. L'adrénaline redescendait. La panique le gagnait. Ils avaient failli mourir. Cléon avait failli tous les tuer en versant la cendre du dieu dans le vase. C'était à cause d'eux que tout cela arrivait et qu'il y avait autant de blessés. Énée avait appris et vécu trop de choses en l'espace de quelques heures. Il avait besoin d'aide. Son regard paniqué dut convaincre les prêtresses. Elles échangèrent quelques paroles, puis annoncèrent aux autres qu'elle le suivait. Énée partit en courant et leur fit signe de le suivre. Il traversa le forum et regagna la galerie. Quand ils arrivèrent, Sylvan était penché sur sa sœur. Agnès avait les yeux ouverts et fixait le plafond, des larmes sur les joues. Elle respirait avec difficulté, tandis que Cléon sanglotait à ses côtés.

— Poussez-vous, ordonna l'une des prêtresses.

— Monsieur, venez par ici, appela l'autre.

— Par Asclios ! s'écria la première en voyant l'état des bras de Cléon. Comment une telle chose a-t-elle pu arriver ?

Aussitôt, les prêtresses prirent les choses en main. Pendant ce temps, Énée se laissa tomber sur le sol, contre le mur. L'angoisse le gagnait. Son ventre était noué, ses mains tremblaient, il voyait flou. Il se mit à penser à ses sœurs, à Cléanthe, à Thétis, à sa maison au village. Et s'ils étaient morts. Et si les jumelles paniquaient. Et s'il n'était pas là pour les consoler, si elles pleuraient.

Il plaça sa tête dans ses paumes et ferma les yeux. L'historien prit de fortes inspirations, comme sa mère lui indiquait enfant.

— Respire, Énée, respire. C'est bien, mon chéri.

Son cœur battait trop fort. Il avait du mal à respirer. Dans sa tête, il se repassait la voix douce de sa mère. Ce souvenir était le seul à pouvoir l'apaiser. Quand il se sentit mieux, il rouvrit les yeux. Du coin de l'œil, il vit une prêtresse se pencher sur Sylvan et prendre son poignet dans sa main. Une douce lueur l'illumina, réparant les os brisés par son père. Il entendait à peine les chuchotements que les prêtresses échangeaient entre elles. La seconde s'occupa de soigner Agnès, avant de se tourner vers Cléon.

Énée vit une ombre s'approcher. Il releva la tête, au moment où Pénélope s'asseyait à ses côtés.

— Ça va aller ? lui demanda-t-elle.

— Non.

Il jeta un regard devant lui. L'une des prêtresses examinait les bras coupés de Cléon en secouant la tête. Énée riva son regard sur Sylvan. Il avait posé ses mains sur les tempes de sa sœur et lui murmurait des paroles inaudibles, l'air inquiet. Énée sentait la fatigue l'envelopper. La douleur affluait dans sa tête. Il avait tellement envie de dormir.

— Et toi ? interrogea-t-il en se tournant vers Pénélope.

— Ça ira mieux demain.

Ils échangèrent un sourire. Pénélope tendit son épaule et Énée déposa sa tête contre elle. La jeune femme avait raison. Demain serait un nouveau jour. Le premier d'une longue série. Il faudrait sans doute des mois pour reconstruire ce qui avait été détruit. Mais, de la même façon qu''ils avaient passé ces dernières semaines à courir après un vase pour le reconstituer, cela devait être possible de réparer ce qui avait été brisé.

Énée ferma les yeux. La douleur pulsait dans sa tête. Il la laissa faire, comme une vieille amie, habituée à le tourmenter. Il rouvrit les paupières en sentant une main sur son épaule gauche et croisa le regard de Sylvan, penché sur lui. Le citoyen repoussa une mèche de ses cheveux et s'assit. Il récupéra sa main et déposa un baiser sur sa paume blessée. Les marques de ses ongles y étaient toujours ancrées.

— Finalement, je crois que ce sont tes mains que je préfère, susurra Sylvan.

— Tais-toi, souffla Énée.

— Vraiment, Énée, tu ne te rends pas compte ! Tu as de l'or entre les doigts.

— Ferme-là.

— Je suis sérieux ! Tu as vu ce geste ? Cette maîtrise du lancer d'assiettes. Qu'est-ce que tu en penses Pénélope. C'est admirable non ?

La jeune femme esquissa un sourire. Sylvan tentait de faire de l'humour pour contrebalancer l'atmosphère lourde et tragique. Sans doute une façon de mettre sa douleur de côté et de ne pas penser à sa mère. En général, Énée aurait ri. Mais là, il n'avait qu'une seule envie : dormir contre l'épaule de la princesse.

— C'est vrai qu'il est doué, reconnut Pénélope.

— Ah ! Tu vois ! s'exclama Sylvan. Je vais l'inscrire aux prochains jeux olympiques. J'ai toujours voulu y assister. Énée portera les couleurs de notre cité.

— Il faut être citoyen pour participer, bougonna l'historien. Et cette discipline n'existe pas.

— Nous n'aurons qu'à l'inventer.

— Sylvan. Tais-toi, s'il te plait.

Ne pouvait-il pas cesser de jacasser ? Sa migraine amplifiait. Il avait besoin de silence.

— Tu es sûr que tu veux travailler au musée ? reprit Sylvan. Parce que tu serais beaucoup plus utile comme garde du corps.

— Arrête de parler, j'ai mal à la tête.

Sylvan déposa un baiser sur sa joue. Énée ferma les yeux. Il se sentait bien contre Pénélope, la main de son meilleur ami dans la sienne. Il voulait seulement se reposer quelques instants. Juste quelques instants. 

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