39. Capitaine Elias
Quelques jours s'étaient écoulés depuis qu'Olivia lui avait ramené le registre, il l'avait parcouru en long et en large, sans rien trouver de pertinent.
Le document était complet, chaque navire qui était arrivé ou parti du port était inscrit, le nom des bâtiments, leur capitaine, et leur second. Il y était inscrit également les denrées transportées et d'où elles provenaient. Pour certains bateaux, des sigles ou des dessins y étaient associés, dont il ne comprenait pas la signification, était noté à côté.
Mais son instinct lui disait que ce qu'il voulait était dans ce document.
Ils avaient décrété qu'ils ne trouveraient rien d'autre à Fort Gravis pour le moment, et que cela faisait trop longtemps qu'ils s'exposaient au danger en y restant. Ils préféraient prendre de la distance pour réfléchir à un autre plan. Ils avaient commencé à préparer leur départ depuis deux jours, et le bâtiment sur lequel le reste des pirates était les attendait encore au port. Pour eux aussi, cela commençait à être compliqué, ils avaient tout fait pour retarder les livraisons qu'ils avaient à bord mais les Corsaires auraient fini par se poser des questions.
Il n'était pas enchanté que Nathan les accompagne, il avait espéré qu'il aurait changé d'avis entre temps. Mais ça n'avait pas été le cas, et le jeune homme était toujours autant déterminé à les accompagner.
Il regarda par la fenêtre, la nuit était là depuis un moment. Il jeta un regard à Kitus dont les ronflements remplissaient la pièce alors que le sommeil de Lydia était comme chaque nuit agitée. Il n'arrivait pas à fermer les yeux, il savait que ce n'était pas la meilleure idée, mais il sortit sans prévenir ses compagnons.
Il marcha un moment à travers les ruelles, pour continuer son chemin vers le port. Il se trouva un endroit sur le ponton pour s'asseoir entre des cagettes, sans être exposé aux regards des autres.
Le port était calme à cette heure tardive, même si quelques marins enivrés s'y baladaient, idem que quelques Corsaires qui faisaient leur ronde.
Il pensa un moment à Olivia, qui n'avait pas été avec eux une seule nuit depuis leur arrivée. Chaque nuit était une horreur pour lui, l'angoisse de ne pas savoir si Olivia était assez prudente, si elle allait revenir, ou se faire attraper. Ils avaient tous cessé de la dissuader de quoi que ce soit, elle n'écoutait de toute façon plus personne lorsqu'il s'agissait de Nathan.
Il s'était fait à l'évidence qu'Olivia aimait beaucoup trop ce Corsaire, même s'il aurait préféré qu'elle jette son dévolu sur un pirate, au lieu de se lancer dans une romance impossible et dangereuse.
Il attarda son regard sur le bâtiment qui arrivait dans le port de Fort Gravis. Ce n'était pas un navire de Corsaire, et l'état délabré du bateau qui commençait son amarrage lui indiqua que ce n'étaient pas des marchands non plus.
Piqué par la curiosité, il quitta sa cachette pour observer de plus près les hommes qu'il voyait débarquer du navire. Il les vit décharger quelques caisses tandis que l'un d'entre eux discutait avec les Corsaires. De l'endroit où il était, il ne pouvait pas entendre leur parole, mais il pouvait voir parfaitement le Corsaire ouvrir un sac d'où il sortit une pierre qui brillait à la lueur de leur torche.
Il comprit rapidement d'où venait le navire et pourquoi les hommes sous ses yeux avaient plus l'apparence de pirates qu'autre chose. L'île de Komari, le repaire des pirates et des brigands où ils avaient fait réparer le navire et récupérer Maxence par la même occasion, était la seule dont le Roi permettait un trafic de pierres précieuses dans l'archipel.
Pourtant, il remarqua que l'un des Corsaires tenait le registre actuel du port, et écrivait dedans. Ce qu'il trouva complément stupide, et il se demanda quel était l'intérêt de garder une preuve de son commerce illégal dans un registre officiel.
« À moins que ce ne soit pas consigné de manière formelle... »
Il repensa aux sigles et aux dessins, qui n'avaient pour lui aucun sens. Et ce fut à ce moment qu'il comprit.
Il quitta discrètement le port, et se pressa pour retourner à l'auberge. Il s'en voulait de ne pas y avoir pensé plus tôt. Elias s'était tellement préoccupé des pirates et du traître, qu'il n'avait pas pensé un seul instant au fait que le Roi n'était pas quelqu'un d'irréprochable lui non plus. Pour agir comme un contrebandier, il fallait en connaître certaines techniques et astuces.
Il débarqua dans la chambre sans prendre attention à ce qu'il faisait. Il n'avait qu'une envie, c'était vérifié sa théorie. Il fouilla frénétiquement dans la chambre dont les chandelles s'étaient toutes éteintes. Le vacarme qu'il faisait finit par réveiller Lydia et Kitus.
- On peut savoir ce que tu fais ? Grommela Kitus.
- Je cherche les allumettes, j'étais sûr qu'elles étaient sur la table !
- Pourquoi tu en as besoin ? Dit Lydia en bâillant.
- Je t'expliquerai quand je les aurai trouvés... Ah ! Les voilà !
Il ralluma les chandelles et la lanterne de la chambre, prit le registre, et chercha frénétiquement la date qui l'intéressait. Il n'y avait eu qu'une page entre leur arrivée sur l'île et le jour de leur exécution où les esquisses étaient présentes.
- Tu vas le faire cramer de cette façon, s'affola Lydia lorsqu'elle le vit approcher le livre maladroitement d'une flamme.
Lydia lui attrapa le bras prestement. Elle avait raison, il tremblait tellement d'impatience qu'il allait finir par faire une bêtise.
- Si tu nous expliquais pourquoi t'as envie de faire flamber ce truc ? S'exclama Lydia. Je sais que tu te prends la tête dessus, mais si tu te mets à cramer nos dernières preuves, on est foutu !
- On n'a pas vu ce qu'il y avait à voir, parce que c'est impossible de le voir ! Répondit Elias surexcité.
- T'arrives à être plus précis ? Demanda Kitus.
- Les contrebandiers ont une technique pour transmettre leur message sans qu'ils puissent être vus par d'autres...
- De l'encre invisible... Devina Kitus.
- Qui ne se révèle qu'à la chaleur ! Finit Elias.
- D'où les bougies... dit Lydia. Donc c'est du chaud qu'il te faut ? Ça, c'est plutôt dans mes cordes!
- Hum, oui, mais le but n'est pas de tout faire disparaître en fumée, grimaça Elias.
- Ce n'est pas comme si c'était ce que tu avais failli faire avec ta flamme, fais-moi confiance.
Il acquiesça, et la laissa faire. Il continuait à fixer le document, en espérant qu'il ne s'était pas trompé.
Il poussa un cri de victoire lorsque d'autres tracés commencèrent à apparaître au même endroit que ceux déjà présents.
L'excitation du moment se transforma rapidement en une poussée de rage lorsqu'il discerna correctement le dessin qui était apparu, ne lui laissant plus l'ombre d'un doute sur l'identité du traître.
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