Joshua

Antoine avait passé le week end à réfléchir aux verres. Il avait fouillé sur le site de la marque à la recherche d'un éventuel jeu concours, demandé à son moteur de recherche si un canular liés aux verres de cantine avait déjà été fait mais non, rien.

Le mystère restait entier et le week-end n'avait pas vraiment été reposant pour Antoine à force de chercher une solution à un problème qui n'aurait pas dû exister. Il n'arriva pas dans une forme olympique le lundi suivant au lycée, il était un peu fiévreux et plus pâle que d'habitude. Sa tignasse brune mal peignée et l'air hagard qu'il traînait ce matin-là commencèrent à lever des questions dans son entourage. Arthur lui demanda si tout allait bien et Estelle lui trouva l'air malade, elle ne souhaita d'ailleurs pas l'approcher de trop près.
  La fatigue était telle qu'Antoine manqua de s'endormir à plusieurs reprises pendant la première heure de cours. Lors de l'interclasse Arthur le secoua un peu.
-Mais enfin qu'est ce que tu as ? T'as mangé ce matin au moins ?
-Pas vraiment non.
-Ben c'est ça ! Tu me dis que t'as pas dormi du week-end mais si en plus t'as pas mangé tu veux t'en sortir comment ? Forcément que t'as une tête de rat écrasé, mec!

Antoine se rendit à l'évidence : il avait besoin de manger un peu et de se reprendre, il demanda à son ami de le couvrir tant qu'il pourrait pendant le début du cours de math. Il courut aussi vite qu'il put au rez de chaussée pour s'acheter une barre de céréales et certainement une boisson sucrée.

Le distributeur du lycée était une machine sinistre et capricieuse. Elle n'était pas toujours disposée à donner la friandise souhaitée et si vous tombiez dans un de ses mauvais jours il se pouvait qu'elle décide de garder la monnaie. Ses montants de métal rouillé et sa façade taguée de part en part achevaient de parfaire sa mauvaise réputation. Pourtant elle demeurait en cet instant le dernier recourt d'Antoine.
  Il la supplia en son for intérieur, lui rendit hommage et l'implora silencieusement avant de glisser la pièce dans la fente et de presser le bouton correspondant à une sucrerie avec du chocolat, des cacahuètes et du caramel.
  Un grincement rauque et métallique s'échappa du bandit manchot et il recracha la pièce. Pas bonne. Le brun au teint blafard réitéra l'opération une seconde fois mais la machine ne voulut rien savoir et rendit la pièce à nouveau. Le distributeur vomit l'argent d'Antoine une dernière fois et celui-ci perdit patience.

  Usé, fatigué et exaspéré il donna trois coups de pieds dans le container à bonbecs et se mit à la secouer avec les maigres forces qu'il lui restait.

-Hahahaha ! Non mais sérieux la Mauviette !? Tu te bats avec la boîte de conserve maintenant ? Tu devrais te trouver un adversaire à ta taille un de ces quatre, lui tu l'auras jamais. Pov' naze !

À peine Antoine eût-il entendu ces mots qu'il reçut une grosse claque à l'arrière du crâne qui projeta son front contre la machine. Il n'avait pas besoin de se retourner pour voir Joshua se moquer de lui : il l'imaginait parfaitement.

Joshua avait pourri sa première année de maternelle parce qu'il était plus grand et plus fort que lui. Les choses avaient empiré lorsque Joshua avait redoublé sa quatrième puis sa seconde, se retrouvant dans la même classe qu'Antoine pour mieux le martyriser chaque année scolaire en le traitant de Mauviette, de Lopette, de Pov'Naze ou encore de Tête de Groin. Joshua comptait deux ans et deux têtes de plus que lui et avait des épaules et des mains qui faisaient quatre fois les siennes, il était aussi grand que blond et son assurance en toute circonstance n'avait d'égal que son échec scolaire. Son dernier redoublement avait été une prise de conscience suffisante pour qu'il arrive à répondre aux professeurs avec autant de finesse et d'intelligence que dans les devoirs qu'il rendait.
Antoine ne détestait pas Joshua : il le haïssait de façon très honnête et ne comprenait pas l'acharnement sadique avec lequel le blond le persécutait.

Lorsque sa tête percuta le distributeur la machine émit un son inattendu et clignota. Sur son écran on lisait le mot "CODE" qui s'affichait par intermittence.
Antoine eut un haut le coeur.

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