Cole recule vivement et me fixe comme s'il venait de voir un fantôme. Merde. Je détourne les yeux. Qu'est-ce que j'ai fait ? Je me repasse la scène en boucle, en version accélérée. Je ne comprends pas ce qui m'a pris. Disons qu'au moins, Thomas sera content que je l'ai écouté.

Cette pensée me fait revenir à la réalité. J'entends encore les pas de Thomas qui s'éloignent, mais il est toujours dans la bibliothèque. Lorsque je relève les yeux, Cole me fixe toujours. Je parviens à peine à soutenir son regard avant de me frotter le front et de rougir.

— Pardon. Je suis désolé. Je ne sais pas ce que...

Je n'ai pas le temps de terminer que Cole m'embrasse à son tour. Je retiens un hoquet de surprise et ferme les yeux. Des dizaines de questions m'effleurent mais la chaleur des lèvres de Cole contre les miennes les chasse. Il pose ses mains sur mon cou et je lui rends son baiser.

Je n'avais jamais embrassé personne avant lui, je serai donc bien incapable de dire s'il embrasse bien ou pas. En tout cas, c'est agréable. J'entrouvre lentement les lèvres. Qu'est-ce que je suis censé faire de mes mains ?

Avant que j'aie le temps de trouver une réponse à cette question, Cole se recule et reprends son souffle. J'ouvre les paupières. Il sourit. Moi aussi.

— Tu me plais.

J'ai l'impression d'avoir dit ça par automatisme, comme si quelqu'un d'autre que moi avait guidé mes sentiments pour les transformer en mots. Quelqu'un de bien moins timide que moi. Il faudra que je pense à remercier Thomas.

Cole sourit un peu plus, comme s'il se retenait de rire. Lorsque la bibliothèque sous nos jambes tremble et que la porte claque, nous indiquant que Thomas est parti, Cole éclate franchement de rire.

— J'avais cru comprendre, oui.

Je rougis à nouveau et laisse ma main se porter machinalement à mon front. Est-ce je lui plais, moi aussi ? S'il m'a embrassé, je suppose que oui, mais...

— Tu me plais aussi.

Je redresse la tête. Cole s'est penché vers moi pour me souffler ces mots presque au creux de l'oreille. J'ai envie de l'embrasser à nouveau, de vérifier le goût de ses lèvres et de sentir encore la chaleur de ses paumes contre ma peau. Je me retiens. À la place, je dis la chose la plus stupide qui me vienne à l'esprit :

— Ah bon ?

Cole éclate de rire. J'adore le voir rire. Les plis aux coins de ses yeux ressortent encore plus et ses lèvres... Je secoue la tête. Il faut que j'arrête de penser à ses lèvres. Cole se rassoit, éloignant en même temps mes pensées de sa bouche.

— Bien-sûr. À ton avis, pourquoi c'est toi que je suis venu chercher en premier pour la lettre d'Elias ? Et pourquoi je te laisse monter ici et me couper dans ma lecture ?

Je souris.

— Il ne faut jamais couper un lecteur au milieu d'un chapitre.

Son sourire s'agrandit.

— Jamais.

J'ai l'impression que l'embrasser m'a doté d'une terrible malédiction : celle de mourir d'envie de l'embrasser à nouveau, encore et encore, jusqu'à ce que je n'aie plus de souffle. Je dois me forcer à penser à autre chose et à détourner les yeux de son visage pour parvenir à retrouver un minimum de pensées logiques.

— Alors, demande Cole, on fait quoi maintenant ?

Sa question me prend par surprise. On fait quoi de quoi ? De ce baiser ? De cette attirance réciproque ? Si c'était moi, on en ferait un nouveau baiser mais je ne suis pas certain que ce soit la réponse qu'il attend. À la place, je lui demande :

— Ils feraient quoi, les personnages de tes romans ?

Il sourit et tend ses jambes, qui viennent frôler les miennes.

— Ils s'embrasseraient à nouveau et réfléchiraient à cette question plus tard.

En disant ça, il penche un peu la tête sur le côté et me lance un regard entendu. Je sens mes joues s'empourprer. Il faut absolument qu'il cesse de faire ça ou je vais le prendre au mot. C'est peut-être ce qu'il veut, d'ailleurs.

Finalement, voyant que je n'ose pas bouger, il se rapproche et me souffle :

— Peut-être qu'on devrait s'embrasser devant les autres... Comme ça, tout le monde serait au courant en même temps. Même les spectateurs.

Un frisson me parcourt à cette idée. Je revois Jasper, son poing, ses paroles. Cole fronce les sourcils. Je n'aime pas quand il fait ça. Ses yeux s'assombrissent et j'ai l'impression qu'il m'en veut. Je déteste ce sentiment.

— Quoi ? Tu ne veux pas te montrer avec moi ?

La pointe de déception dans ses mots me fait baisser la tête. J'ai toujours été incapable d'affronter les sentiments de quelqu'un de face. Je secoue la tête dans sa direction.

— Pas du tout. C'est juste que...

— Que quoi ?

J'entreprends de lui faire un rapide résumé de mon altercation avec Jasper. Je laisse les mots franchir mes lèvres sans y prendre garde, l'esprit focalisé sur la question de Cole. Si on se montre ensemble, nul besoin de se cacher, mais on s'expose à la malveillance de Jasper, d'éventuels autres participants homophobes et de certains spectateurs. Au contraire, si on reste caché, on devra sans cesse chercher un endroit discret pour se voir et surveiller chacun de nos actes face aux autres.

Aucune des deux solutions ne m'attire particulièrement. D'ailleurs, qu'est-ce qu'on leur dirait ? Qu'on est en couple ?

Face à moi, Cole affiche une drôle de moue. L'histoire avec Jasper n'a pas l'air de beaucoup lui plaire. Ce qui est assez logique, d'ailleurs.

— Cole ?

Il lève son regard vers moi. Purée, ses yeux sont magnifiques.

— Est-ce qu'on est en couple ?

Ma question le fait sourire. Il se rapproche et appuie son épaule contre la mienne.

— Je ne sais pas. Comment font les autres gens ?

J'observe sa main près de la mienne et glisse mes doigts entre les siens. J'ai toujours été un peu perplexe face aux livres qui mettent en avant le désir de sentir la peau de l'autre contre la sienne. Finalement, je dois bien avouer qu'ils avaient raison. Les sentiments ne viennent peut-être pas tous du cœur, en fin de compte.

— Aucune idée, je fini par répondre. Comment on fait, nous ? On n'a pas besoin de suivre les règles des autres quand on peut inventer les nôtres.

Il sourit et serre ma main dans la sienne.

— On dirait une des citations de Néo.

J'esquisse un sourire à mon tour.

— Sauf qu'aux échecs, les deux rois sont opposés.

— Effectivement, mais il n'y a pas de reine dans notre jeu.

— Exact.

Nous restons silencieux. Je crois comprendre pourquoi Néo aime tant comparer cette émission à un jeu d'échec. Cela remet tout en perspective.

— Cole, veux-tu être mon roi, même si on doit finir dans des camps ennemis ?

Il se penche vers moi et m'embrasse, puis, comme si c'était évident, déclare :

— Bien-sûr.

Je l'embrasse à mon tour.

— Alors on va sortir d'ici, main dans la main, et traverser chaque couloir, passer sous chaque caméra, jusqu'au Salon. On va traverser le plateau de ce jeu case après case, quitte à tomber au milieu et à perdre la partie.

— Pourquoi est-ce qu'on perdrait ?

— Parce que... Je ne sais pas. Personne ne sait quand ni comment la partie va se terminer. Autant la jouer à fond dès maintenant.

Cole sourit et se lève, sans lâcher ma main.

— Alors jouons. Fais juste attention, je crois que tu passes trop de temps avec Néo. Je pourrais être jaloux.

J'éclate de rire. Il n'a pas tout à fait tort. Pourtant, je suis vraiment nul aux échecs. Je perds toujours.

On abandonne les hauteurs des étagères pour rejoindre le sol et, main dans la main, nous nous dirigeons vers la sortie. L'instant passé, je me demande si j'ai vraiment eu raison de dire ça. Peut-être que je nous précipite vers la fin de notre participation à l'émission. Tant pis, j'aurais au moins eu le cran d'embrasser enfin le garçon qui me plaît.

— Au fait, demande Cole, tu as des nouvelles d'Elias ? C'est marrant, mais il n'a rien posté sur les réseaux depuis son départ. Il ne nous a même pas envoyé de message. Ce n'est pas son genre. Si ça se trouve il est parti dans une villa au fin fond d'une pays sublime mais sans réseau et il ne nous a même pas invités !

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Bonjour bonjour !
Pas de blabla cette fois, juste une affirmation : ce chapitre me fait hurler chaque fois que je le relis.

Cole et Lucas... Ahhhh 😭😭😭
Et les prochains chapitres ne laissent pas plus de répis... J'espère que vous les aimerez autant que moi 😏😌

Bisous ✨