Elias a finalement accepté de m'aider. En réalité, je ne lui ai pas vraiment laissé le choix. Le fait est que je suis venu ici toute seule pour sauver tous ces garçons d'une secte étrange dont mon propre père fait partie. Or, isolée, je n'arriverai à rien. Je ne serais jamais parvenue à arracher Elias aux mains de Snakelace sans l'aide de Garfield et je ne peux pas me permettre de mettre à nouveau en danger mon seul allié ici. Alors, je dois m'en trouver un autre.

Je rature mes dernières notes et tourne la page. Mettre ses idées sur papier et décidément trop compliqué pour moi. Mes pronostics pourraient s'étendre sur des carnets entiers et rien que les infos glanées au cours d'une journée sur un seul participant me prennent trois pages. Ne peuvent-ils pas se contenter de s'asseoir et ne plus rien faire pendant quelques heures ? Les suivre tous à la trace est déjà assez compliqué pour que je n'ai pas à me farcir douze heures de retransmissions vidéo en accéléré chaque soir. Pour CHACUN des candidats.

Sérieusement, deux gars dans une même pièce c'est déjà trop, mais alors quinze dans un même château, c'est carrément n'importe quoi. En plus, ils ne me facilitent pas du tout la tâche à jouer les asociaux.

Je change de caméra et surfe sur internet pour glaner les infos que je n'aurais pas vues moi-même. C'est dingue ce que les gens peuvent partager à propos de cette émission. L'hashtag « clubdeshandsomeguys » est premier au classement sur la moitié des réseaux que je consulte.

Je clique sur la notification d'une nouvelle publication et me surprends à sourire lorsque l'image bascule sur la fresque que les garçons ont réalisée hier dans l'entrée. Je relis une nouvelle fois les mots inscrits en bas à droite : « Il est plus facile de modifier les mots que les dessins. ». Au centre, deux mains tendues l'une vers l'autre donnent le ton du tracé. On dirait qu'elles se touchent, mais en y regardant de plus près, c'est comme si un léger film transparent les éloignait. Les bras sont couverts de roses dont les tiges sont enroulées jusqu'au coude et à chaque coin, les symboles des équipes ressortent, soulignés par des traits dorés : cœur, carreau, trèfle et pique.

Cette représentation est frappante, elle a quelque chose d'hypnotisant. Peut-être parce qu'elle est majoritairement en noir et blanc. Peut-être parce que Peter est plus doué qu'il ne le laisse croire. La fresque qu'il avait peinte dans le salon des Trèfles avait déjà fait grand bruit, mais celle-ci a encore plus de succès auprès des fans de l'émission. Ceux-ci sont d'ailleurs de plus en plus nombreux et je trouve ça carrément effrayant.

Imaginer tous ces regards sans cesse braqués sur les participants me fait froid dans le dos. À tel point que j'en fais des cauchemars qui me réveillent en sursaut la nuit. Dans ceux-ci, je suis toujours poursuivie par des centaines d'yeux luisants et je suis contrainte de m'enfuir dans la forêt qui longe la rivière Pourpre. Chaque fois, inévitablement, je fini engloutie par l'obscurité et je me réveille, trempée, comme si j'avais sauté dans la rivière.

J'épluche encore quelques minutes les dernières théories qui apparaissent sur les forums les plus populaires et éteins mon portable. Il y a des choses qui ne sont visibles que de l'intérieur, je ne peux pas me permettre de passer ma journée derrière les caméras alors que je pourrais être devant elles.

Je descends de mon lit, attrape mon sweat noir et lance :

— J'y vais !

Assis par terre, Elias me répond par un grognement. Je suis bien consciente qu'il est encore loin de me faire confiance et c'est bien pour ça que je ne peux pas l'emmener avec moi. D'ailleurs, la Demeure n'a pas l'air de véritablement apprécier mon nouvel allié. Elle a catégoriquement refusé de lui aménager une petite chambre comme la mienne et l'oblige ainsi à rester au sous-sol toute la journée.

Je ne l'ai fait venir ici que pour lui montrer tous mes croquis et plans, pourtant la Demeure n'a cessé de grincer et faire trembler murs et sols toute la matinée. J'ai presque peur qu'elle ne cherche à l'écraser si j'ai le malheur de le faire entrer dans mes passages secrets.

Je m'avance vers la porte, l'entre-ouvre et vérifie le couloir. Il n'y a normalement personne ici, mais je préfère en être certaine. Alors que je m'avance pour sortir, quelque chose retient mon bras.

— Star...

Je me retourne. Elias me fixe avec un drôle d'air.

— Oui ?

— C'est quoi cette lettre ?

Je me penche vers le carnet qu'il me tend et plisse les yeux. La seule lettre que j'évoque dans mon journal est celle qu'il a laissé aux Trèfles. Celle-là même qui a mené à la création de la magnifique fresque dans l'entrée. Pourquoi est-ce qu'il me demande ça ?

— Bah, c'est la tienne. Celle que tu as laissée dans l'Insulaire, tu te souviens ?

Il reprend le journal et regarde la page, sans vraiment la voir. Je m'accroupis à son niveau et abaisse ma capuche sur mes yeux. Il commence à me faire peur.

— Elias ?

Il relève la tête vers moi. Une myriade d'émotions passe sur son visage. Tant que je n'arrive pas à toutes les saisir : peur, incompréhension, confusion... Je pose une main sur son épaule pour le faire revenir sur Terre.

Lorsque son regard retrouve la réalité, il n'exprime plus qu'une terreur froide.

— Star... Je n'ai jamais écrit de lettre.

Cette fois, c'est à mon tour d'être stupéfaite. Je m'assois à ses pieds. Il n'a pas écrit de lettre ? C'était pourtant bien sa signature. Peut-être que j'y suis allé un peu trop fort quand je l'ai enlevé devant la voiture.

— Tu en es certain ? Tu as pourtant signé de ton nom. D'ailleurs, tout portait ta signature. Tu as même fait de l'humour !

Il pose le journal à côté de lui et me fixe, longuement, comme pour être certain que je l'écoute. Si je ne le connaissais pas, je croirais que l'éclat dans ses yeux exprime de la colère. Or, je sais que ce regard n'exprime qu'une détermination froide.

— Ce n'est pas moi, Star.

La façon qu'il a d'appuyer mon nom me fait frissonner. Le ton de sa voix aussi, d'ailleurs. Dur et froid, comme s'il avait déjà quelque chose derrière la tête. Je crois qu'il commence enfin à comprendre de quoi je l'ai sauvé. Mais si ce n'est pas lui, alors qui ?

Il n'a aucune idée du jeu qui se joue derrière cette émission. Je ne lui ai rien dit des Aspirants de l'Ombre, ni de tout ce qu'il risquait en venant ici et de tout ce que risquaient encore les autres. Je ne lui ai rien dit de la Demeure, de son passé, de son présent. Je ne lui ai rien dit de la raison de ma présence, de ma véritable identité. Il ne sait rien. Je ne regrette pas mon choix, mais cela rend tout plus difficile.

Je ne peux pas lui dire la vérité, pas encore. Pas tant que je n'aurais pas tout compris moi-même. Étrangement, il ne pose aucune question, comme s'il s'était résolu à son sort. Pourtant, je l'ai assez observé pour savoir que ce n'est qu'une image, le faux reflet d'un miroir dont il ne me montrerait pas la face cachée. Il prépare quelque chose dans l'ombre et ça m'effraie plus que je ne me l'avoue. Si je ne gagne pas sa confiance rapidement, il risque de se retourner contre moi. Et alors, tout mon plan tombera en ruine.

Elias me sort de mes pensées en formulant la seule question qui nous place dans le même camp :

— Si ce n'est pas moi qui est écrit cette lettre, alors qui est-ce ?

Cela pourrait tout aussi bien être Snakelace que Jasper, quoique le second ait moins à gagner que le présentateur. Du moins en apparence. Peut-être a-t-il une autre idée derrière la tête...

— Et si c'était Alexandre ?

Je relève les yeux.

— Alexandre ?

Elias ne répond pas. Il me laisse me faire mes propres idées. Je suis sans cesse focalisée sur Jasper et Snakelace, les deux principaux obstacles à mes yeux, mais Elias a raison. Ils ne sont pas les seuls à vouloir la victoire. Il y a encore quatorze autres candidats prêts à tout pour rester jusqu'à la fin.

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Coucou tout le monde !
J'espère que vous vous portez bien 🥰

Cette semaine, on retrouve Star et Elias 🤭 Ils vous avaient manqué ?

À votre avis, Elias n'a-t-il vraiment pas écrit cette lettre ? Ou fait marcher Star ? Et si ce n'est pas lui, qui est-ce ? 👀

J'attends vos théories 🤫

Bonne semaine 🖤