27. Collisions

Je me réveille en sursaut. Mon rêve me laisse la bouche sèche, mais je suis incapable de me souvenir à quoi il ressemblait. Je ferme les yeux et force mon esprit à y retourner, mais rien à faire. Les images ne cessent de m'échapper. Je repousse le drap d'une main et me glisse hors du lit. Le sol est froid. J'attrape des habits propres dans l'armoire et m'habille en vitesse. Mon ventre crie déjà famine.

Je croise les doigts pour ne pas voir Jasper et ouvre la porte. Heureusement, le couloir est désert. Au moment où je tourne pour descendre les escaliers, j'heurte quelqu'un. Je recule et rattrape Felix par la manche, de peur qu'il ne tombe en arrière et s'éclate la tête contre une marche. À croire que nous sommes destinés à entrer en collision. Une fois certain qu'il tient sur ses pieds, je le lâche.

— Tu as décidé de me rentrer dedans chaque fois qu'on se croise ?

Je me sens rougir.

— Désolé, j'avais faim.

Il sourit. Ou de moins c'est ainsi que j'interprète le léger plissement de ses yeux. Il ne doit pas sourire souvent.

— Dépêche-toi.

Je hoche la tête et le contourne pour dévaler les escaliers. Ce n'est certainement pas le moment d'être en retard. Je ne sais pas qu'elle heure il est, mais si j'ai croisé Felix en sens inverse, c'est qu'il est plus tard que je ne le croyais.

Lorsque j'arrive dans la salle à manger, il ne reste presque plus personne. Les Trèfles sont déjà partis, le reste de mon équipe aussi. Il ne reste plus que Liam, Emery, Néo et Friedrich. Je m'approche de la table et Néo m'adresse un signe de la main pour m'inviter à me joindre à eux. Est-ce que j'ai le droit, au moins ? J'ai toujours l'impression que m'éloigner de mon équipe pourrait être éliminatoire mais, après tout, je n'en sais rien.

Je n'ai vraiment pas envie d'être seul, surtout après les menaces de Jasper, alors je prends le risque et m'assois face à Néo et Friedrich. Au moment où je tire la chaise, je me rends compte que j'apprécie assez Néo pour accepter son invitation. J'ai bien fait de suivre Elias, finalement.

Néo pousse une assiette de pâtisseries devant moi et j'attrape un pain au chocolat.

— Alors, me demande Néo, t'as prévu quoi aujourd'hui ?

Je hausse les épaules et avale ma bouchée.

— Survivre jusqu'à ce soir, je suppose.

Il esquisse un sourire.

— Les pions meurent souvent les premiers. À toi de voir si tu en es un.

Je m'arrête de manger et le regarde fixement. Qu'est-ce qu'il veut dire par là ? Je l'ai déjà entendu dire ce genre de choses plusieurs fois, sans jamais en saisir véritablement le sens. Je suis sûr que c'est pour ça qu'Elias l'aime tant. Les phrases alambiquées et pleines de sous-entendus, c'est une des spécialités du skateur.

Je termine mon pain au chocolat en quelques bouchées pendant que Néo raconte une partie d'échecs célèbre à Friedrich. Celui-ci, comme à son habitude, ne dit rien. De mon côté, je ne comprends pas un traître mot de ce que raconte Néo, alors je le laisse monologuer.

Une fois mon petit-déjeuner terminé, je me lève et remercie les garçons de m'avoir tenu compagnie. Il faut toujours remercier les gens, même pour ce qui semble normal. C'est ce que disait mon grand-père et je suis bien d'accord avec lui.

— Où tu vas ?

Je sursaute et manque de renverser la chaise sur laquelle je m'appuie. La voix de Friedrich est super puissante. Je dirais presque ensorcelante. Heureusement qu'il ne parle jamais, en fait. Il pourrait me faire tomber amoureux rien qu'en disant bonjour.

— Je ne sais pas encore.

Il plisse les yeux.

— Je crois que si.

Pitié, faites-le taire. Je crois que je pourrais écouter sa voix pendant des heures, mais actuellement, elle me fait juste perdre mes moyens. À la fois grave et douce, parfaitement alliée à son apparence, j'en suis presque à me demander s'il n'est pas un dieu ou quelque chose comme ça. Incapable de répondre sans bégayer, je me contente de hausser les épaules et de lui adresser un sourire. Il a raison : je sais parfaitement où je vais. Ce qui ne veut pas dire que tout le monde doit le savoir aussi.

Je recule et leur adresse un dernier signe de la main. Ils restent assis et me regardent m'éloigner. En quelques enjambés, je suis dans le couloir et ils ne sont plus que tous les deux dans l'immense salle. Je m'éloigne et plisse les yeux pour distinguer les portes cachées dans l'obscurité. La lumière est faible par ici et il pleut tellement dehors qu'il est inutile d'espérer que le soleil éclaire ma route.

Enfin, je trouve la porte que je cherche. Doucement, en tâchant de ne pas faire de bruit, je l'entrouvre et glisse la tête à travers l'interstice. Au milieu de la pièce, vêtu d'un kimono blanc et d'une ceinture noire, Felix enchaîne les mouvements de judo. Je ne connais strictement rien à ce sport, mais il a l'air de savoir ce qu'il fait. D'ailleurs, il le fait plutôt bien. Je me penche un peu plus et la porte s'ouvre dans un grincement. Felix se retourne en un éclair et me dévisage, les lèvres plissées et comme prêt à m'attaquer si j'ose cligner des yeux.

Je me redresse et lui fait un signe de la main, gênée d'avoir été pris ainsi en flagrant délit d'observation.

— Ah, dit-il, c'est toi.

— Euh... Oui, malheureusement.

Je ne sais pas trop quoi lui dire. Qu'est-ce qu'on est censé faire lorsqu'on a été découvert en train d'observer discrètement (ou pas tant que ça) quelqu'un ? Qui plus est un de nos concurrents. Il doit sûrement me prendre pour un stalker ou quelque chose du genre...

Je me rends compte que Felix me regarde bizarrement et je ramène mes mains contre mes cuisses. Fichue manie, je vais encore avoir le front rouge. Il hoche la tête et me fais signe d'approcher. Je ferme la porte dans mon dos et avance vers lui.

Je ne sais pas trop ce que je suis censé faire, alors j'enlève mes chaussures avant de marcher sur le tatami. Felix m'observe faire sans rien dire. Lorsque nos regards se croisent, il demande :

—Ça te dit d'apprendre quelques prises de judo ?

Je hoche la tête. En fait, ça me fait surtout peur, mais je ne suis pas sûr que refuser soit une bonne idée étant donné que j'étais quand même en train de l'espionner il y a deux minutes. Je me place face à lui et remonte mes manches pour dégager mes poignets. Je regrette d'avoir mis un jean ce matin, c'est un vêtement tout sauf pratique pour un sport de combat. D'autant plus lorsque la seule bataille que vous n'ayez jamais menée vous opposait à une pâte à beignets.

J'observe Felix sans savoir quoi faire. Est-ce qu'il va me foncer dessus ? Me faire basculer sur son épaule ? M'éclater la tête contre le sol ? Au milieu de ce questionnement, je me rends compte que je ne suis pas simplement sur un tatami en attendant qu'on me donne un cours, mais que je suis debout, face à un garçon ceinture noire dans son sport, dont le but est surtout de m'éliminer de la course pour s'assurer une place supplémentaire dans la compétition.

Instinctivement, je recule d'un pas. En me voyant faire, Felix sourit. Ce qui ne me rassure pas du tout.

— Tu as enfin compris.

Je hausse les sourcils. Compris quoi ?

Felix étire ses bras.

— Tu es venu vers moi, sans te méfier. Juste parce que j'ai été sympa hier. Pourtant, t'as bien vu la ceinture que je porte. Je suis sûr que tu sais ce qu'elle veut dire. Je t'ai dit de venir et tu as obéis. Sans même penser un instant que je pourrais te briser en quelques secondes. Voilà la première leçon que je vais t'apprendre.

Il se redresse, se met bien droit et me fixe dans les yeux. Il ferait presque peur, comme ça.

— Il ne faut jamais faire confiance aux gens trop vite. Encore moins considérer qu'ils sont tes amis parce qu'ils t'ont adressé un sourire.

Il fait un pas vers moi et avant que je ne réalise ce qui est en train de se passer, il attrape mon bras, bloque sa hanche contre la mienne et me plaque au sol. Son coude sur ma poitrine, il chuchote :

— Et surtout, surtout, ne jamais sous-estimer son adversaire.

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Bonsoir chers lecteurs 🤭

Aujourd'hui, on découvre un peu plus notre petit Félix... Et sa passion 😏

Alors, vous l'aimez bien ?

Bonne semaine ❤️

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