26. Elias, obscurité

— Elias ?

J'ouvre les paupières en grognant. Elle me tend une assiette de lasagnes et s'assois en tailleur devant moi. Je me demande si elle mange aussi, ou si elle me donne tout ce qu'elle parvient à voler. Je lui propose un bout de mon plat, elle refuse en secouant la tête. Peut-être tente-elle d'appliquer ma technique : le silence. Pourtant, je ne crois pas que ce soit ça. C'est la première fois qu'elle s'arrête devant moi. D'habitude, elle se contente de me nourrir.

Je ne peux pas distinguer ses émotions sur son visage, qu'elle garde baissé, mais je sens que quelque chose ne va pas. Néanmoins, je ne vais pas faire l'effort de lui demander. Déjà qu'elle me séquestre ici, je ne vais pas non plus faire preuve de politesse. Au moins, elle m'a laissé mon skate.

— J'ai besoin de toi.

Je relève la tête, surpris, et manque de m'étouffer avec une bouchée de lasagnes. Ils sont super bons. Je ne sais pas si elle attend une réponse de ma part. Apparemment pas, puisqu'elle continue.

— Je ne peux pas t'expliquer, pas maintenant.

Ça m'aurait étonné, tient. Elle n'allait pas non plus me donner son adresse et son numéro de téléphone, puis me relâcher pour que j'appelle la police. Elle m'a pris pour un imbécile ? Elle secoue la tête. Attend, elle lit dans les pensées ?

— Je sais ce que tu penses : cette fille est une tueuse en série et elle m'a choisi pour être le prochain terreau dans son potager, mais...

— Alors là, tu as tout faux. Je pensais plutôt que...

Je plaque une main sur ma bouche quand je me rends compte de ce que je suis en train de faire. Aussi surprise que moi, elle relève la tête quelques secondes, mais pas assez longtemps pour que je distingue son visage dans l'obscurité alentour. Je me demande bien à quoi sert la vieille ampoule qui clignote au-dessus de nos têtes si elle ne me laisse même pas voir le visage de ma ravisseuse.

— Rassure-toi, dit-elle. Je n'ai pas de potager.

Est-ce que j'ai le droit de parler vu que j'ai brisé mon pacte de silence ? J'enfourne une nouvelle bouchée de lasagnes. Ça me laisse un peu de temps et une excuse pour réfléchir. La fille bouge et cherche une meilleure position avant de continuer à parler. Je suis d'accord avec elle, ce sol est très inconfortable.

— Je m'appelle Star.

Elle croit vraiment que j'en ai quelque chose à foutre ? Si oui, elle a totalement raison.

— Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans cette émission.

Non, sans blague ? Je n'aurais pas deviné tout seul. Mais quel génie ! Bon, j'avoue, elle commence à m'agacer un tout petit peu. Ne pas voir son visage est terriblement frustrant. Comment est-ce que je peux juger ses intentions sans la voir ?

— Si je t'ai « kidnappé » (elle crache ce mot comme un vieux pépin de pomme), c'est pour te sauver.

Cette fois je ne peux retenir un ricanement. Elle se fout de moi, c'est ça ? Depuis quand on sauve des gens en les enfermant dans un sous-sol lugubre, avec pour seule lumière une ampoule plus vieille que Jules César et pour seule compagnie son skate (même s'il est d'une excellente compagnie, par ailleurs) ?

— Je sais, je sais.

Elle se prend la tête entre les mains. Ou du moins, elle pose ses mains sur sa capuche. Peut-être que je devrais l'appeler Miss Sweat, en fait.

— Ce que je dis n'a aucun sens.

Elle lâche un long soupire. Mon assiette terminée, je la pose entre nous et décide de l'aider un peu :

— Si je résume, tu m'as kidnappé pour me sauver. En d'autres termes, tu m'as enfermé dans une prison lugubre où j'ai à peine assez d'espace pour faire un flip avec mon skate, que tu m'as gentiment laissé. Tout ça pour quoi ? Pour me protéger de je ne sais quel truc, personne, animal, dieu ou je ne sais quoi qui voudrait ma peau.

Je l'imagine grimacer sous son accoutrement noir.

— Ouais, fait-elle. C'est à peu près ça.

J'éclate de rire. Cette fille est dingue. Le pire, c'est qu'elle supporte mes sarcasmes sans broncher. Quel genre de sociopathe écoute les blagues de ses victimes avant de les tuer ? Franchement, si ça avait été moi, je me serais poignardé depuis longtemps.

— Etant donné que tu ne m'as pas encore tué et que tu supportes mes remarques sans rien dire, j'imagine que tu n'es pas si méchante que ça, au fond.

— Oh si, lâche-t-elle. Tu n'imagines pas à quel point.

Elle dégage ses jambes et se mets à genoux, dans cette position, nos visages se retrouvent à la même hauteur, même si je ne distingue toujours pas le sien. Je trouve sa voix apaisante. C'est peut-être le fait d'être enfermé qui me fait délirer. De toute façon, je n'ai rien d'autre à faire que l'écouter, alors je la laisse parler.

— Je n'ai pas le temps et surtout pas l'envie de tout t'expliquer. Peut-être qu'un jour je le ferai. Si je ne suis pas morte d'ici là...

Elle a dit ça dans un murmure à peine audible. Malheureusement pour elle, j'ai une très bonne ouïe. Et ça ne me rassure pas du tout.

— J'ai besoin de ton aide, reprend-t-elle plus fort. Il faut qu'on sauve les autres. Ils sont aussi en danger.

Je l'arrête d'un geste de la main.

— On ? Qu'est-ce qui t'as fait croire que j'allais t'aider ?

— Toi. Tu ne peux t'empêcher de me couper, alors que tu t'étais promis de ne pas prononcer un mot en ma présence. Ensuite, tu es très attaché à ton skate. Il n'y a que les personnes avec un grand cœur qui s'attachent autant à des objets. D'ailleurs, tu as été le premier à suivre l'idée de Liam pour vous présenter. Tu cherches toujours à cerner ceux qui t'entourent avant de te lancer et c'est ce que tu fais en me coupant. Tu tentes de me déstabiliser, même inconsciemment, pour me tester.

Elle s'arrête quelques secondes et reprends son souffle. Je décide de la laisser continuer. Cette fille m'intéresse. Pas parce qu'elle a raison, mais surtout parce qu'elle a observé et qu'elle se souvient. Elle a bien réfléchi à son coup. J'ai besoin d'en savoir plus sur ce qu'elle a remarqué, notamment à propos de Snakelace. Je suis certain qu'elle en sait bien plus que moi et que ce qu'elle n'accepte de dévoiler...

— Mais le plus important, c'est que tu as été l'élément le plus important de ce début d'émission : celui qui a joué le rôle de colle, ou d'aimant si tu préfères, entre les participants. C'est pour ça que Jasper t'a éliminé en premier. Te laisser dans la course lui aurait valu une trop grande entente entre ses ennemis. Et quoi de plus dangereux que des adolescents soudés qui crient vengeance ?

Je souris.

— Rien.

Elle hoche la tête.

— Rien. Exactement.

Elle se relève et tape son pantalon pour enlever la poussière qui le recouvre.

— C'est sale ici.

— C'est là que tu m'as enfermé.

Je reste assis, sans rien faire. Est-ce qu'elle attend que je me lève aussi ? Peut-être bien. Dans le doute, je reste sur mon matelas. Je crois un instant qu'elle va partir, mais elle se rassoit par terre. La raison de sa présence me revient tout à coup.

— Tu as besoin de mon aide pour quoi ? je demande.

Je sens son sourire dans sa réponse.

— Pour sauver les autres participants.

Elle dit ça avec détachement, comme si elle ne sous entendait pas qu'ils risquent tous de mourir. Enfin, on meurt tous un jour de toute façon. Est-ce pour autant que je suis censé la croire ?

— J'ai besoin que tu m'aides à trouver qui va être le prochain éliminé. Je ne peux plus agir les yeux fermés comme je l'ai fait pour toi, poursuit-elle. Il faut que je sois mieux préparée, sinon je tomberai avec vous.

Je hoche la tête. Dans tous les cas, elle reste ma seule chance de sortir d'ici. Vivant, qui plus est. En fait, bizarrement, je n'ai aucun mal à la croire. Après tout, j'ai été le premier à trouver Snakelace et cette émission vraiment étranges, non ?

Elle se lève et me tend la main.

— Ça te dit de prendre une douche ?

Sa proposition pourrait paraître étrange dans un autre contexte, mais vu la saleté qui règne, je ne vais pas refuser. C'est presque aussi poussiéreux que dans notre salon d'équipe avant qu'on ne fasse le ménage, c'est dire ! J'attrape la main de Star, puisque c'est son nom, et elle m'aide à me lever à mon tour.

— D'accord, je dis. Mais d'abord, dis-moi comment vont les Trèfles.

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Bonjour à tous 🌹
C'est les vacances pour certains d'entre vous aujourd'hui ! J'espère que vous allez en profiter à fond !

Je sais que beaucoup d'entre vous l'attendait avec impatience, alors le revoici... La fabuleux... Le magnifique... Les pimpant... ✨ PRINCE ELIAS

Son humour nous avait manqué, n'est-ce pas ? 🥺
J'espère que vous avez apprécié de le retrouver ainsi, n'hésitez pas à me laisser votre avis en commentaire ❤️

Bonne semaine 💕

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