20. Star, une énième lettre
Papa,
Cette fois, je ne chercherai pas à comprendre pourquoi tu as rejoint ce groupe. Cette secte. Je crois que j'ai compris. En fait, je le savais depuis le début. L'accepter fut difficile, mais, aujourd'hui, j'ai enfin compris.
Les Aspirants de l'Ombre. Quel drôle de nom. Tu te croyais peut-être discret, mais ton bureau est trop bien rangé pour que je n'y trouve rien. J'ai tout compris, le jour où tu t'es éloigné du monde.
J'ai besoin que tu m'expliques une chose, pourtant. Comment ont-ils pu t'avoir comme ça ? Si facilement ? La mort de maman t'aurait-elle rendu fragile à ce point ? Ou peut-être cherchais-tu à me protéger, moi, des griffes d'un monde que tes nouvelles convictions considèrent comme incapable de vous protéger, vous et vos proches.
J'ai lu des choses sur l'Ombre. Tu ne douteras pas que je suis pleine de ressources. Je dois avouer que Catherine m'a beaucoup aidée, elle aussi, quoique souvent à son insu. L'Ombre. L'obscurité, la peur, la mort. C'est donc elle, votre ennemie ? Celle qui, selon vous, n'attend que de détruire le monde, le plonger dans les ténèbres ? Je dois avouer que j'ai connu mieux de ta part, papa. Tu ne m'as pas habituée à suivre de tels clichés.
Rassure-toi, ce n'est pas ta faute. Ce sont eux, qui t'ont monté la tête avec leurs preuves. Eux, qui t'ont demandé de leur vendre MON principe, comme un gage d'appartenance à leur secte. Bientôt, toi aussi tu auras un point noir derrière l'oreille. Comme Snakelace. Ne compte pas sur moi pour arborer la même marque.
Catherine ne sait pas ce qu'elle a fait. Moi non plus, d'ailleurs. J'aurais dû renoncer à filmer cette vidéo. J'aurais dû écouter maman, qui me répétait sans cesse que je n'avais rien à prouver aux gens. Elle avait sûrement raison. Pourtant, aujourd'hui, je vais devoir prouver que je peux réparer mes erreurs.
Tu as voulu me protéger, papa, en rejoignant ce groupe qui te le promettait. Mais tu t'es trompé. Tu m'as jetée dans la gueule du loup. Quelle idée avez-vous eu de vouloir sacrifier ces 16 garçons à l'Ombre ? Ne vous est-il donc pas venu à l'esprit qu'ils pourraient être vos fils, eux aussi ? Que vous alliez les tuer pour une entité qui ne vit que dans vos esprits ?
Mais non, bien sûr. Vous êtes trop enfermés dans votre vision d'un monde idéal pour ça. Vous ne vous rendez pas compte que c'est vous qui rendez ce monde moins idéal.
J'étais là, moi. Pourquoi t'es-tu éloigné ? Pourquoi les as-tu suivis, eux, plutôt que moi ? Je suis une étoile, papa. L'aurais-tu oublié ? Moi aussi, je peux te guider dans la nuit.
Mais il est trop tard, maintenant. Tu as choisi de suivre les mauvaises personnes.
J'arrache la feuille et la déchire avec rage. Ecrire est aussi libérateur qu'épuisant. Poser ses émotions les apaise, mais les aiguise d'abord. Je tâche de reprendre mon calme et me force à respirer tranquillement. Parfois, dans ces moments-là, j'ai envie de balancer tous mes mots à mon père. Heureusement, je ne peux pas le faire ; ce qui m'évite probablement de graves problèmes. Mon sentiment de colère quelque peu apaisé, je jette les lambeaux de papier en tas et attrape une nouvelle feuille. J'ai encore des choses à dire.
Tu l'ignores peut-être, mais j'ai réussi à sauver l'un d'entre eux. L'un de vos tributs. Ce mot me fait rire, tu sais ? Sacrifier quelqu'un pour une entité qui n'existe même pas est un concept qui m'échappe complètement. Pardonne moi de rire si ouvertement de votre bêtise, papa.
Peut-être que je me trompe, mais je suppose que tu ne connais le nom d'aucun des 16 garçons que tu as envoyé dans leur piège ? Evidemment que non. Pourquoi ferais-tu l'effort d'apprendre le nom de quelqu'un qui va mourir et que tu n'as jamais connu ? Tu seras pourtant responsable de leur perte. Et moi aussi. C'est pour ça que je l'ai sauvé, lui, et que je tenterai de sauver les autres.
Tu ne me croiras peut-être pas, mais la Demeure m'a aidée. Tu te demandes sûrement comment : Comment un objet, un château fait de pierre et vieux de cent ans, a-t-il pu m'aider ? Si je le savais, je te le dirais. Peut-être. Je n'ai pas la réponse à cette question, pourtant, et la seule chose qui ressemble à une solution est celle que donnerait maman : je lui ai donné un bout de mon cœur.
J'ai souvent pensé que j'étais différente des autres, vois-tu. Plus vivante, plus vive, plus... forte sans doute. J'ai vu la mort de près, me diras-tu. Tu n'as pas tort. Pourtant, ce sentiment était déjà là avant, seulement étouffé par quelques pensées contraires. Elles ont disparu avec ma mère. Peut-être était-ce elle qui les portait, m'empêchant dans le même temps d'être moi-même.
Dis-moi, papa, crois-tu que je sois réellement une étoile ? Ou, comme la lune, est-ce que je me contente de briller grâce à une autre personne ? J'imagine que tu n'aurais pas de réponse à m'apporter. Tu as toujours trouvé futiles mes questionnements sur le monde. Tes pensées ne dérivent-elles donc jamais ?
Tu sais, je t'ai souvent vu comme un super-héros. Aujourd'hui, tu n'es plus pour moi que l'homme qui a envoyé 16 ados au bagne. Au bagne, oui. Crois-tu vraiment qu'ils sourient, ici ? Crois-tu qu'ils s'amusent, rient, se font des amis ? Elias avait réussi, tu sais. C'est pourtant le premier à avoir été éliminé. Ne t'inquiète pas, je m'occupe de lui, maintenant. Je t'ai dit que tu pouvais me faire confiance, je ne t'ai pas menti.
Lyra.
Les derniers mots posés, l'encre à peine sèche, je détruis la feuille en copeaux avant de ramasser les débris des précédentes et de tout fourrer dans la poche de mon sweat. Je saute de mon lit et pousse la fenêtre. Le vent s'engouffre violemment et ramène mes cheveux devant mes yeux. Je les écarte d'un coup de main et me hisse sur le toit. La fraîcheur a au moins le mérite de calmer mon cœur qui s'est mis à battre bien trop rapidement depuis que j'ai commencé à écrire.
Installée sur la toiture, j'examine les alentours, comme chaque soir. Rien ne change vraiment, mais l'idée de pouvoir m'apercevoir du moindre changement s'il arrivait quelque chose me rassure. Un peu. Le vent souffle fort ce soir, le froid s'infiltre jusque sous mon sweat et mon T-shirt, effleurant ma peau nue cachée dessous. Je remonte ma capuche sur ma tête et sors les morceaux de papier de ma poche.
Je tiens un instant mes mains fermées, mes mots entre les mains, attendant la rafale parfaite pour les offrir à la nuit. Je fais confiance au vent pour éloigner mes pensées de ce lieu. Enfin, une bourrasque particulièrement virulente me frappe et j'ouvre mes mains. À la faveur du scintillement de la lune, j'observe les minuscules papillons blancs disparaître. Je laisse mes épaules retomber, soulagée d'un poids.
Je commence à avoir sérieusement froid, mais je n'ai pas envie de rentrer dans ma chambre tout de suite. Un sentiment oppresse ma poitrine et semble décider à appuyer dessus jusqu'à me faire manquer d'air : la solitude. Alors, je me force à respirer l'oxygène nocturne qui bouillonne autour de moi, je tente d'imaginer tous ces atomes, ces molécules, ces minuscules constituants du monde. Un frottement, un cheveux qui s'envole, et ce sont des milliers de petits atomes qui entrent en collision, comme dans un guerre qui ne finira jamais. Peut-être aspirent-ils à la paix, eux aussi. On ne pourra jamais la leur donner.
Je m'allonge sur le toit, remonte mes jambes l'une contre l'autre, genoux vers le ciel. C'est là qu'iront mes pas, un jour. Vers le ciel. Enfin, si j'ai droit au paradis. Et que celui-ci existe.
Je glisse mes mains dans la poche de mon sweat. Vide, cette fois. Du moins, c'est ce que je croyais. Sous mes doigts, un dernier papier lutte pour s'échapper. Je me redresse et plisse les yeux. Sur la minuscule feuille blanche, un mot se détache : « Lyra ».
J'ouvre les doigts. Le mot s'envole. Mon ancienne identité avec lui. Ce soir, je cesse d'être Lyra. Désormais, je serai Star. Pour le meilleur... et pour le pire.
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Hey !
Comme vous avez pu le voir, aujourd'hui, on retrouve Star et ses mots 🤭
Il y a pas mal d'informations essentielles dans ce chapitre (on apprend même le vrai prénom de Star 👀) alors j'espère que je ne vous ai pas trop perdu 🤞
Comme d'habitude, je vous invite à voter et commenter, chacune de vos actions m'apporte un peu plus de visibilité ❤️
Et je vous souhaite à tous une très belle semaine ✨
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