11. S'il-vous-plaît, dessine-moi un Elias.

Nous avons envahi les vieux canapés bleus et Maximilien mène la discussion. Ce mec est un bavard comme j'en ai rarement vu. Il n'est jamais à court de sujet de discussion, c'est dingue. Avec son grand sourire, c'est comme s'il pouvait soutirer toutes les informations qu'il voulait à n'importe qui. J'en ai la preuve en direct. Même Cole sort de sa timidité habituelle : sa voix se fait plus assurée.

Peter griffonne à côté de moi sur un carnet qu'il a sorti de je ne sais où. De temps en temps, il m'observe avant de se remettre à crayonner, mais il refuse de me laisser regarder. En attendant, j'écoute d'une oreille les discussions menées par le rire de Max et fait défiler les vidéos de skate de mes amis. J'ai l'impression que ça fait des années que je n'ai pas dévalé une pente avec ma planche, alors que ça fait à peine trois jours. Je devrais peut-être essayer de glisser sur les rambardes des escaliers...

— Terminé ! s'exclame Peter.

Il sourit et me met son carnet sous le nez. Je ne vois plus qu'un amas de carbone et de fibre. J'attrape le calepin, l'éloigne de mon visage et détaille le dessin.

Un long muret en pierres occupe toute la largeur de la feuille. En arrière-plan, un arbre fleuri se détache sur un ciel bleu sans nuage. Assis sur le muret, à droite, un personnage qui me ressemble étonnamment bien observe ses trois acolytes avec un sourire, son skate à la main. À ses pieds, un sosie de Cole est assis en tailleur, tête plongée dans un roman.

Sur la gauche, Lysandre est adossé à l'arbre et disparaît à moitié derrière le parapet. Bras croisés, il semble juger d'un œil critique Peter, debout sur le muret entre Cole et lui, qui expose au spectateur un trèfle peint sur une petite toile.

— C'est génial ! je m'exclame. On dirait que t'as capté ce qui faisait toute notre personnalité et que tu l'as reproduit de façon presque parfaite... C'est dingue ! T'es un génie, en fait !

Il me lance un grand sourire et se lève.

— T'en doutais encore ? Je vais reproduire ça sur le mur qu'on a nettoyé, en face de la cheminée. Ne rentrez pas dans la pièce avant que j'aie fini !

Il part en courant du Salon et tout le monde se tourne vers moi, comme si j'allais leur donner la réponse de l'énigme du Sphinx. Je me contente de hausser les épaules.

— C'est lui l'artiste de la bande. Si j'étais vous, je me tiendrais à l'écart de cette pièce jusqu'à ce qu'il revienne. Je ne vais pas prendre le risque de finir en œuvre d'art.

Un sourire machiavélique étire les lèvres de Lysandre.

— Nous, on ne peut pas rentrer ; mais les caméras sont déjà dedans, elles.

La moitié de la salle attrape son portable, Cole se penche au-dessus de Lysandre qui se connecte sur le site de l'émission.

— C'est dingue, chuchote Cole. Ce site est hyper bien organisé. Et toutes ces caméras... Je ne pensais pas qu'il y en avait autant.

Un soupçon de peur ponctue ses derniers mots. Je me lève et lance un dernier regard à la ronde. Je me demande où sont les Cœurs. J'abandonne la petite bande et monte les escaliers sur les traces de Peter.

Au premier étage, je jette un coup d'œil de chaque côté du couloir mais aucun bruit ne résonne. Je continue mon ascension et récupère mon skate dans ma chambre avant de redescendre. Seuls quelques éclats de voix venant du Salon me parviennent, le reste de la Demeure est plongé dans le silence. Je sursaute presque, de peur de réveiller un monstre, lorsque je pousse l'immense porte de l'entrée et qu'elle se met à grincer abominablement.

Une volée de marche plus tard, je retrouve l'agréable sensation de l'herbe sous mes baskets. Entre toutes ces pierres, j'avais presque oublié que la verdure existait. Plus bas, j'entends les remous de la rivière qui s'active. À côté d'elle, la forêt s'étend, sombre et serrée. La plaine est étrangement silencieuse. Aucun oiseau, pas même de grillon, sauterelle ou autre insecte bruyant. Pas une seule ombre mouvante ne laisse son empreinte dans la verdure. Seule celle de la Demeure commence à s'étendre et rattrape mes talons.

Je me mets en tête de faire le tour pour rejoindre les terrains de sports, j'espère y trouver plus de monde. Au moment où je commence à m'éloigner, une silhouette se détache du mur où elle était adossée.

— Elias, le prince du skate.

Je tourne vivement la tête et manque de me tordre le cou. L'individu s'avance vers moi, ses cheveux mordorés soufflés par le vent. Il arbore un sweat à la gloire du hip-hop. Si je me souviens bien, ce doit être Alexandre. Il se poste à quelques centimètres de moi et me fixe sans ciller, les bras croisés. Je le détaille à mon tour, tâchant de rentrer dans son jeu.

— Tu comptais aller au terrain, de l'autre côté ?

Je ne réponds pas. Il soupire. Son regard se fait plus perçant, comme s'il cherchait à m'effrayer.

— Il n'y a rien pour faire du skate là-bas, ils se sont peut-être dit que tu serais éliminé en premier.

— Qu'est-ce que tu veux ?

— Te mettre en garde. La plupart d'entre vous ont l'air d'avoir oublié qu'il s'agit d'une compétition. Vous voir faire ami-ami, comme ça, ça me fait mal au cœur pour vous. Peut-être que pour le moment, tout le monde est sympa avec tout le monde ; mais, tôt ou tard, ça va se transformer en champ de bataille là-dedans.

Il désigne la demeure du menton.

— Certains ont l'air de penser que c'est un camp de vacances, ici. Et qu'on est là pour devenir les meilleurs amis du monde. Peut-être que ce sera le cas les premiers temps, mais avec un candidat éliminé par semaine, ça va vite devenir un enfer. Franchement, je crois que les premiers à partir seront les plus à envier.

— Pourquoi tu participes, alors ?

— On a tous nos raisons, non ? Ça me tue de l'avouer, mais je ne crois pas que Snakelace ne nous veuille que du bien.

Je ne peux m'empêcher de lâcher un ricanement. Je ne sais pas ce que cherche ce gars, mais je ne vais pas le lui offrir si facilement.

— Tout le monde sait qu'il faut se méfier de lui. On n'est pas stupide.

— Non. Pas sur ce point-là. Mais, aucun de vous ne sait ce qu'il prépare vraiment.

— Parce que, toi, tu le sais, peut-être ?

— Pas encore. Ça ne devrait pas tarder. En attendant, si lui n'est pas encore entré sur le ring, d'autres l'ont déjà fait... Le combat a commencé dès le moment où on a posé le pied ici, Elias. Et si tu ne sais pas te battre, tu risques d'être mis au tapis assez rapidement.

Je lui lance le même regard que celui qu'on utilise pour chasser les squatteurs à notre skate-park. Celui qui signifie « ici, c'est chez moi. Maintenant, tu dégages ou c'est moi qui te dégage. ».

— C'est tout ? je demande.

— Ouais. Je voulais juste m'assurer que tu saches que j'étais ton ennemi. Comme tous ceux ici.

— Et pourquoi tu fais ça ?

— Parce que je t'aime bien. On aurait peut-être pu être amis dans une autre vie. Malheureusement, ici, c'est au premier qui tuera l'autre. Et, désolé, mais je compte bien en ressortir vivant.

Il s'éloigne en souriant et commence à monter les marches en sens inverse, pour rentrer dans la Demeure.

— Ah ! Et tant que j'y pense, n'oublie pas : tu es entré sur le ring dès l'instant où tu as craché tes mots à la figure de Jasper. On peut dire que tu sais choisir tes premiers combats...

Il ouvre l'imposante porte d'entrée et disparaît de l'autre côté avant que je ne puisse ouvrir la bouche. C'est dingue la capacité que les gens d'ici ont à paraître dingues.

Pourquoi tout le monde semble décidé à me rappeler que c'est une compétition et qu'il ne faut se fier à personne ? Et pourquoi à moi ?

— Elias !

Je relève les yeux. La porte s'est rouverte sur le visage de Peter.

— Viens, il faut que tu voies ça. C'est important.

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Bonjour 🎉
Comment se passent vos vacances ? (J'espère que vous en avez)

Que pensez-vous d'Alexandre ? 👀
Vous imaginez bien le dessin de Peter ? 🥰

Je vous souhaite une bonne journée et à la semaine prochaine ✨

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