🥀CHAPITRE 8🥀
Cela semblait faire une éternité que la maison Galaway n'avait pas connu une telle agitation. Les domestiques s'étaient mis à l'œuvre particulièrement tôt dans la matinée tandis que Lucienne supervisait chaque petit mouvement tel un chef d'orchestre à l'affût de la moindre fausse note. Il n'y avait pas une partie de la demeure qui fut épargnée par ses grandes idées et ses folles envies, si ce n'était sa propre chambre et le salon dans lequel demeurait encore un bien étrange portrait tout juste peinturluré. Toutefois, un tel vacarme allait bien finir par attirer les foules et c'est sans surprise que Lucienne vit se garer trois voitures dans la petite cour. Qui était-ce cette fois ? Belle-maman ? Un oncle quelconque toujours à l'affût d'avoir un jour sa part du gâteau ? Un de ces horribles cousins prêts à tout, même à l'épouser s'il le fallait pour regagner cet endroit ?
– Madame, souligna Sophie, inquiète de voir ces nombreux visiteurs non attendus ni annoncés arriver aux portes.
– Je m'attendais à ce qu'ils viennent. Après tout, un tel chantier allait forcément attirer les curieux et voilà. On secoue l'arbre, les premiers babouins tombent des branches.
– Que voulez-vous faire ?
– Va donc chercher le mousquet de mon défunt mari. Il est nettoyé et chargé en principe, j'y ai passé la nuit.
– Madame ! Vous ne comptez tout de même pas leur tirer dessus, n'est-ce pas ?
– Voyons Sophie, as-tu si peu foi en moi ?
Cependant, la maîtresse de maison n'était guère une chasseuse hors pair, bien au contraire et une balle perdue entraînant un malheureux incident pouvait tout à fait se produire. Après tout, n'avait-elle pas déjà tiré sur son propre époux autrefois ?
Sophie fit donc l'aller-retour en quatrième vitesse et revint avec l'arme tandis que Lucienne eut juste le temps de se positionner en haut des escaliers, prête à tirer sur la moindre tête s'avançant sur son pallier.
– J'ai toujours rêvé de faire cela, dit-elle en se posant sur la rambarde.
Et à peine les têtes eurent-elles ouverts les portes de la maison qu'un premier coup de feu partie, frôlant de justesse l'oreille de Mathias Galaway, un des cousins de Frédérick.
– Espèce de...
– Lucienne ! As-tu perdu l'esprit ? Qu'est-ce donc que cela ?
Évidemment, ces messieurs n'auraient jamais eu le courage de venir jusqu'ici si ce n'était sur l'initiative et la demande de la mère de Frédérick. La matriarche. La preneuse de décision. La commandante.
– Eh bien, comme vous le voyez, je me permets de refaire la décoration de la demeure et je trouvais que cette partie manquait étrangement d'une aération. Qu'en pensez-vous ? Bien évidemment, je ne vous souhaite pas la bienvenue, car de toute évidence... Vous ne l'êtes pas, fit Lucienne en gardant l'arme à la main.
– Vas-tu donc descendre de ton perchoir ou faut-il t'y contraindre ? annonça Mathias.
– Prudence, cousin... Dieu seul sait quelle autre arme, je pourrais dissimuler sous mes jupons. Une dague peut-être ?
– Elle est devenue complètement folle ! Que quelqu'un intervienne !
Hélas pour eux, aucun domestique ne semblait motiver à s'interposer, car eux-mêmes ne connaissaient que trop bien les colères et coups de folies de Lucienne. En outre, il aurait fallu être dénoué de raison pour s'interposer ou se mêler d'un conflit concernant la famille Galaway. Ils ne se battaient qu'au nom de l'orgueil, de l'argent et de la renommée. Rien d'autre ne comptait.
– Vous n'avez rien à faire ici, répéta Lucienne, Et si je n'ai pas été suffisamment claire pour vous, je peux employer un autre moyen pour me faire comprendre. Je sais pertinemment pourquoi vous êtes tous venus et pour quelles raisons vous vous présentez à moi en meute. Néanmoins, vous devez savoir que je ne me laisserai pas... Je ne me laisserais plus intimider comme ce fut le cas auparavant. Cette maison est ma propriété et par conséquent, je suis en droit de vous en chasser. Profitez donc de ma clémence pour repartir comme vous êtes venus avant que je ne me tourne vers une façon plus créative pour vous faire passer la porte.
Aucun ne releva, mais tous dévisagèrent la maîtresse de maison avec sévérité et animosité. Lucienne venait d'humilier cinq membres de la famille Galaway et aucun n'en resterait là, c'en était certain. Pour cet affront, la jeune femme allait devoir payer le prix fort, mais il n'était plus question pour elle de se laisser faire et de se laisser dicter sa conduite.
"Une femme suit les ordres et la conduite donnée, et ordonnée par son époux. C'est là tout ce que l'on attend d'elle d'ailleurs", Frédérick disait. Oh qu'il aurait aimé avoir une épouse docile, mais il y avait un animal sauvage en Lucienne, quelque chose qui était là bien avant qu'elle ne le rencontre et qu'il tente de la dompter sans succès. Cependant, pour des raisons lui échappant, ce dernier ne semblait se montrer que maintenant. Maintenant qu'elle était seule. Maintenant qu'elle était faible. Sans soutien. Sans allié. Sans ami quelconque. Maintenant que tous les rapaces de la haute société lui tournaient autour en attendant que son heure ne vienne.
Hélas, Lucienne Galaway était particulièrement robuste et campait parfaitement sur ses deux jambes.
– Tu n'as aucune idée de ce que tu viens de faire, petite fille, souligna la matriarche en la dévisageant.
– N'essayez pas de me menacer, Madame. Cela pourrait vous porter préjudice, à vous et à toute votre famille.
– Cette demeure est notre depuis des générations et nous ferons tout pour la récupérer, même si pour cela, nous devons traîner ton cadavre à travers les couloirs.
– Je vous souhaite bien du courage pour cela. Je vous hanterai, et ce, jusqu'aux derniers. Essayez donc de disposer de moi si cela vous tente, mais sachez que je rendrai chaque coup reçu. Je rendrai tout au centuple et sans retenue. Soyez en convaincue et avertie.
Il y eut bien quelques jurons qui volèrent, mais le claquement brutal de la porte fit un tel vacarme que très vite ceux-ci furent perdus dans l'air. Soudainement, un calme étrange vint planer sur la maisonnée tandis que les employés, n'en ayant pas raté une miette, restèrent figés. Il était certain que cette petite réunion de famille allait faire parler d'elle et que tout le village et les alentours allaient en entendre parler. Tant mieux ! Qu'ils parlent, qu'ils jacassent ! N'importe quoi tant qu'il était mention de la famille Galaway et du fait qu'ils venaient, tout bêtement, de ternir eux-mêmes leur image.
– Est-ce que vous allez bien, Madame ? s'inquiéta Sophie en voyant l'exaspération marquée sur le visage de Lucienne.
– Mon seul regret est d'avoir raté cet imbécile de Mathias. La prochaine fois, je viserai un peu plus bas. Peut-être devrais-je m'entraîner au tir ?
– Souhaitez-vous que je fasse venir un professeur ?
Si Lucienne ne faisait qu'énumérer à haute voix des probabilités, quand Sophie mentionna la venue d'un professeur, elle s'arrêta brusquement en la dévisageant, pensant très certainement que celle-ci plaisantait. Visiblement, non. Sophie avait pris sa remarque au premier degré, alors Lucienne ria.
– Tu sais quoi ? Cela n'est certainement pas une si mauvaise idée. Je compte donc sur toi pour me trouver quelqu'un et puis en attendant que la peinture sèche et que les travaux avancent, ça me donnera une excuse parfaite pour pratiquer une activité extérieure.
– Je tâcherai de trouver quelqu'un de convenable.
– Non... Je veux le meilleur. Si je dois tirer sur un dindon, je veux le faire correctement, souligna Lucienne.
Dans tous les cas, il était certain que le coup d'aujourd'hui n'allait pas être le dernier coup de feu qui retentirait entre ces murs.
Cependant, quelle ne fut pas la surprise de la jeune femme quand elle découvrit que ce n'était non pas une professeure que Sophie avait trouvé, mais bel et bien un professeur. Décidément, le monde pouvait encore être surprenant.
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