🥀CHAPITRE 7🥀

Après avoir longuement discuté avec Monsieur Frith, Lucienne sortie plus que satisfaite de son entrevue et Dieu qu'elle était devenue difficile à satisfaire avec le temps passant ! Néanmoins, ils avaient tous deux trouvé un compromis plus qu'arrangeant et Lucienne savait que désormais, rien ne la séparait de son entreprise. Elle pouvait lancer les travaux de la maison en ayant l'esprit tranquille, sachant qu'elle aurait les fonds nécessaires pour le faire et ensuite, elle n'aurait plus qu'à ouvrir les portes afin que Mère Débauche vienne prendre possession des lieux. C'était là son dernier pied de nez à la famille Galaway et à l'esprit de Frédérick qu'elle jugeait encore bien trop présent et ancré entre des murs qui étaient censés lui appartenir depuis ces cinq dernières années. Sans doute que de son vivant, il aurait sauté au plafond et aurait hurlé, lui qui était si... prude. Si ennuyeux. Rien qu'un bout de chair suffisait pour l'émoustiller. Rien que la vision d'une bretelle d'une des robes d'été de son épouse déclenchait la plus vive des réactions chez Frédérick Galaway, ce qui avait le mérite d'exaspérer Lucienne, car autant elle devait se montrer à l'extérieur, autant l'intérieur de sa propre maison avait des airs de couvent.

– Ne serait-ce pas là, Madame Galaway ? Quelle surprise que de vous croiser par ici. Les rumeurs vous portaient pâle, Madame, mais voilà une vision qui me réjouit.

Parmi les nombreux visiteurs qu'avait pu connaître le domaine ces derniers mois, il y avait un rat plus persistant que les autres et celui-ci portrait un nom : le Vicomte Cassius Porter. Éminent célibataire, connu pour ses nombreuses conquêtes et pour leur étrange point commun à perdre leur fortune peu de temps après avoir été vu en son aimable compagnie. Pourtant, jamais le Vicomte ne fut inquiété de quoi que ce soit, oh que non. Il ne savait que trop bien à qui faire un don ou qui arrangeait pour s'arranger lui-même et se sortir de tous les mauvais pas qu'il pourrait rencontrer.

Cependant, celui-ci semblait avoir jeté son dévolu sur Lucienne depuis quelques mois sans aucune raison apparente, mais la jeune femme n'était malheureusement pas née de la dernière nuit et ne connaissait que trop bien la déception masculine.

– Je partagerai bien votre joie, mais je crains que celle-ci ne soit contagieuse, répliqua Lucienne sans cacher son mépris.

– Vous êtes toujours aussi plaisante que dans mon souvenir, tenta-t-il de la flatter.

– Comme il est étrange que je n'ai alors aucun souvenir de vous, Monsieur. Du moins, aucun qui soit suffisamment mémorable.

– Sans doute puis-je remédier à cela en vous invitant à déjeuner ? Je suis certain que vous et moi avons beaucoup de points communs.

– Et pendant que vous me chatouillerez l'oreille avec votre langue de vipère, vous me ferez les poches par la même occasion ? Je vais devoir décliner, fit Lucienne avec son mordant habituel.

Elle s'attendait à l'avoir vexé, mais par sa réputation et toutes les rumeurs qu'elle eut pu entendre à son sujet, Lucienne savait qu'il lui en faudrait certainement beaucoup plus pour froisser son égo. Ce fut donc sans surprise, qu'elle le vit rire aux éclats, et ce, jusqu'à aller s'essuyer une larme naissante dans le coin de son œil.

– Décidément, vous êtes telle que l'on m'a décrite et telle que l'image que je me suis faite de vous, avoua le Vicomte, Mais je m'avoue vaincu pour cette fois et il serait mal avisé de ma part d'insister. Cependant, sachez que l'invitation est intemporelle et que si l'envie, vous prenez de sortir de vos murs, je serai heureux d'être votre compagnon d'aventure.

– Fort heureusement pour moi, je suis le genre de femme à n'aimer que les compagnes. D'ailleurs, connaissez-vous celle que je préfère parmi toutes ? Elle se nomme Solitude. Sur ce, Monsieur, je ne vous retiens pas.

Poursuivant sa route en direction de sa voiture, Lucienne ne prit même pas quelques secondes pour se retourner vers le Vicomte, mais elle était certaine qu'il était resté planté là et qu'il était fort probable qu'il la regardait à cet instant même. Il serait alors inutile de lui donner satisfaction en se retournant. Lui, comme tous les autres hommes de son espèce, Lucienne les évitait plus qu'elle ne les fuyait, lassée d'être un jouet, un pantin, une marionnette entre leurs mains. Lassée de n'avoir que ce rôle-là alors qu'elle se savait capable de plus. De mieux.

Toute sa vie durant, une tierce personne avait pris les décisions pour elle et aujourd'hui enfin, elle arrivait à prendre sa vie en main. Sa vie et tout ce qui lui revenait justement après tant d'années d'efforts et de service.

– Vous paraissez étrangement heureuse, Madame, fit Sophie en voyant sa maîtresse arriver tandis que celle-ci lui tend ses affaires.

– Heureuse ? Non, mais je dirai bien satisfaite.

– Votre rendez-vous s'est-il bien passé ?

– Cet imbécile ridicule a encore essayé de me prendre pour un lapin de six semaines, mais mise à part cela, j'ai fait un constat, répondit Lucienne en s'avançant vers l'escalier.

– Puis-je vous demander lequel ?

– Je pensais que le monde changerait quand j'y retournerai, mais je m'aperçois qu'il est toujours le même. Ma pauvre Sophie, si tu savais comme le monde est idiot.

Effectivement, pauvre Sophie, elle n'eut pas l'air de comprendre de quoi parlait Lucienne, mais elle hocha de la tête. Sophie savait qu'un hochement de tête était tout ce qui lui permettait de garder sa place, car après tant de temps passé enfermée entre ces murs, la femme de chambre éprouva parfois des doutes quant à sa propre raison. L'avait-elle encore ? Ça n'en était pas certain. D'autant plus que Sophie peinait de plus en plus à comprendre Lucienne, comme si celle-ci se perdait occasionnellement dans ses propres pensées. Comme si celle-ci se perdait de temps en temps elle-même, mais qu'est-ce qui pouvait bien retenir une femme ayant tout perdu ? Absolument rien, si ce n'était un éventail de choix à faire.

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