🥀CHAPITRE 15🥀

Quoi de mieux pour occuper la haute société qu'une toute nouvelle rumeur ? Mais en était-ce réellement une ? Car plusieurs témoins semblaient affirmer avec la plus grande des convictions avoir aperçu à plusieurs reprises Lucienne Galaway se rendre chez la Comtesse Norght. Qu'est-ce que deux femmes, supposées retirées de tout évènement, feraient soudainement ensemble à se côtoyer ? Cette simple question donna naissance à une multitude de théories plus farfelues les unes que les autres, mais avait néanmoins le mérite de divertir celles et ceux ayant pour seul et triste passe-temps le fait de mettre leur nez dans les affaires d'autrui.

Certaines rumeurs laissaient à penser que Lucienne avait une dette auprès de la Comtesse dont la richesse n'était plus à mentionner. D'autres voyait la jeune veuve sous l'emprise de la vieille femme. D'autres encore s'imaginaient des choses beaucoup plus folles... plus perverses.

Comme quoi, une seule relation pouvait nourrir l'esprit de bien des pauvres gens.

Toutefois, la réalité de la chose et de la relation naissante, si tentait que l'on pouvait nommer cela une "relation", était bien moins amusante que l'on ne pourrait le croire, car il n'y avait qu'entre ces femmes une relation strictement... professionnelle. Loin du partenariat d'affaires, mais plutôt proche d'une relation "maître et élève". Allez savoir, à présent, qui jouait le rôle de qui, puisqu'il serait tout à fait compréhensible de croire que Lucienne avait quelques leçons à tirer de l'expérience passée de la Comtesse. C'était hélas tout l'inverse.

Lucienne venait chez la Comtesse, réunissant toutes les femmes déjà sous sa coupe, afin d'y disposer des leçons de séduction. Grotesque et risible, cela pouvait être, mais nécessaire quand on souhaitait, comme elles, refaire le monde.

— Votre visage est bien trop fermé. Essayez de communiquer davantage avec votre regard. Le sourire peut aussi passer par les yeux, lança-t-elle en indication tout en faisant les cent pas dans la pièce qu'elle piétinait sans relâche depuis le début de la matinée.

Même si la petite voix dans sa tête se demandait encore et toujours comment elle avait fait pour accepter une telle proposition, Lucienne se tenait bel et bien au milieu du salon, scrutant chaque trait, chaque rictus, chaque mimique d'un regard inquisiteur. Aucune de ces femmes ne savait être charmante, car aucune d'entre elles n'avait eu le besoin de l'être. Souvent mariée ou au moins promise d'être l'enfance à un être généralement plus vieux qu'elle... La femme dans ce monde n'était qu'une poupée de décorations. On attendait d'elle la base en matière de savoir-vivre, sans pour autant la souhaiter trop cultivée, car Dieu seul sait ce que ferait une femme armée d'idées.

Elle pourrait souhaiter avoir une place dans la société. Pire encore ! Elle pourrait l'obtenir. Rien que cette simple pensée en faisait frémir plus d'un en secret.

Une femme n'existait que pour être une épouse, une maîtresse de maison et enfin, si les cieux le permettaient : une mère. Un enfant était l'élément essentiel, la base même, d'une famille. Non pas pour sa stabilité ou pour son épanouissement, mais plutôt pour assurer sa pérennité. Un enfant n'existait que pour faire perdurer un nom, rien de plus.

Il n'existait, en ce monde, que peu de foyers sincèrement amoureux et follement aimants. Il existait cependant suffisamment de parents pour les deux ou trois générations à venir, car tout le monde, auparavant, savait parfaitement ce que l'on attendait d'elle ou de lui. Tout le monde savait parfaitement où était sa place... Et puis les choses ont commencé à changer. À évoluer.

Et maintenant, certaines femmes veulent faire entendre leurs voix si longtemps éteintes. Si longtemps étouffées par leurs pères, leurs frères, leurs oncles, leurs maris... Par les Hommes avec un grand H.

À présent, certaines femmes veulent, elles aussi, leur part du gâteau.

Être un objet de décoration, de désir, ou bien même de fierté ne suffit plus... Elles veulent être reconnues pour ce qu'elles sont en réalité et rien de moins que cela : des êtres humains à part entière ayant, elles aussi, le droit au chapitre.

Alors si pour cela, elles devaient prendre les armes en commençant par apprendre à manier celles qu'elles possédaient toutes déjà, alors soit ! Ainsi soit-il.

Lucienne ne serait et n'était rien de moins que l'étincelle que l'on venait frictionner sur la poudre déjà disposée à même le sol. Sans même le savoir ou sans même en avoir conscience, elle serait celle par qui tout commencerait et le premier pas dans tout cela est d'apprendre à crier avant même d'apprendre à aimer.

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