🥀CHAPITRE 12🥀
— Les hommes, ma chère. Les hommes sont à blâmer.
Voilà une réponse à laquelle Lucienne ne s'attendait pas. Encore moins provenant de la bouche d'une dame comme la Comtesse Norght chez qui on admirait aisément son tempérament alors qu'elle n'était qu'autoritarisme et sévérité vis-à-vis de ses pairs. Toutefois, la réplique eut au moins le mérite, faute d'impressionner la jeune femme, de la faire sourire, car il fallait bien admettre qu'elle s'attendait à tout sauf à cela.
— Les hommes, vraiment ? Une dame dans votre position peut-elle réellement se permettre d'émettre une opinion si tranchée ? questionna Lucienne.
— Vous et moi... Vous comme moi, très chère, avons été instrumentalisés et utilisés bien au-delà de ce qui aurait dû être permis. Si certaines se contentent de se satisfaire de ce genre de position, je pense que vous, Lucienne Galaway, êtes à même de comprendre mon point de vue. Après tout, votre défunt époux avait lui-même une petite réputation au sein de la société... N'en avez-vous jamais souffert ?
— Il n'y a pas un jour qui ne me fut pas difficile, mais aujourd'hui, je peux me permettre de jouir de tous mes privilèges, car j'ai su tenir bon.
— Est-ce que c'est cela que vous vous dites tous les soirs pour vous rassurer alors que vous vous endormez dans un lit froid ? Seule, dans votre grande maison.
— La solitude est une vieille amie que j'aime côtoyer, rétorqua Lucienne.
— La solitude n'est rien d'autre qu'un prétexte. Une excuse. Une fable que l'on se raconte afin de se rassurer quant aux choix désastreux que nous faisons. Vous vous gâchez, vous et votre vie, en restant enfermée, cloîtrée, ici même entre ces murs. Vous pourriez être plus, faire plus et aider tellement d'autres jeunes femmes dans votre situation. N'avez-vous pas envie d'épargner ce funeste sort à d'autres personnes ? Vous savez ô combien ceci n'est pas une vie enviable. Les paillettes et les belles choses ne servent qu'à masquer une triste vérité, raconta la Comtesse convaincue qu'elle pourrait faire en sorte que Lucienne se joigne à sa cause.
— Dans ce cas, laissez-moi vous poser une question, Madame.
— Je suis tout ouïe.
Lucienne prit une grande inspiration, comme si une infime partie d'elle s'en allait chercher cette question demeurée enfermée au plus profond d'elle-même. Combien de fois se l'était-elle posée sans jamais y trouver de réponse ? Combien de fois s'était-elle demandée si les choses, les événements, n'avaient-ils pas pu être différents ?
— Pourquoi, moi, au nom de cette cause que vous me plaidez avec tant d'ardeur, devrais-je aider ces jeunes femmes ? Pourquoi devrais-je venir en aide et en soutien à des gens m'ayant tourné le dos et ignoré la grande majorité de ma vie ?
La Comtesse resta sans voix, mais eut cette mine contrariée.
— Donc parce que personne ne vous a tendu la main quand vous étiez dans le besoin, vous vous apprêtez à adopter le même comportement ? C'est une vengeance bien décevante que vous me contez, soupira la grande dame.
— Vengeance ou bien juste rétribution des choses, appelez cela comme vous le souhaitez, je n'ai que faire de votre opinion sur le sujet.
Visiblement et devant le constat qu'en tirait chacune des deux dames en présence, aucune d'elle ne souhaitait perdre davantage de temps en tergiversation. La discussion tournait en rond et il était grand temps pour Lucienne de chasser son invitée indésirable de son canapé préféré, mais avant qu'elle n'eût le temps de rajouter quoique ce soit, la Comtesse Norght se leva d'elle-même.
— Je vous laisse tout de même réfléchir à ma proposition. Après tout, un de mes maris, je ne sais plus lequel, disait qu'il n'y a que les idiots qui ne changent jamais d'avis, conclura-t-elle.
— Vous savez d'ores et déjà que je ne vous aiderai pas à refaire le monde, Madame.
— Oh, mais ce n'est pas ce que je vous demande, très chère. N'avez-vous donc pas été attentive à ce que je vous ai dit ? Je vous ai demandé de tendre une main vers vos pairs. Rien de plus, rien de moins. Réfléchissez-y à tête reposée et venez me trouver quand vous y aurez pensé.
— Vous dites me connaître et connaître ma réputation, vous savez donc que quand j'ai une idée en tête ou bien même une opinion certaine, il m'est difficile de changer d'avis ou de revenir sur la question.
— C'est bien pour cela que je suis venue vous trouver avant... Ne connaissez-vous donc pas l'adage : Battre le fer tant qu'il est encore chaud ?
Sur ces derniers mots, elle s'en alla, laissant Lucienne à ses réflexions tandis que le calme revenu s'installer sur la propriété Galaway.
Mais là aussi n'était-ce pas un adage dès plus célèbre ? Ne faut-il pas se méfier du calme avant la tempête ?
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