🥀CHAPITRE 10🥀
Si la propriété des Galaway avait gagné en tranquillité ces derniers mois, voilà que celle-ci fut brusquement rompue quand le vacarme causé par les travaux fut parsemé de divers coups de feu qui eurent au moins le mérite de rappeler aux employés de maison de ne pas trop s'approcher des fenêtres.
— Tu es beaucoup trop lâche sur les bras et tu manques clairement d'équilibre, ce qui fait qu'à chaque recul, tu manques de trébucher. Il faut revoir aussi bien ta position que ton maintien, souligna Louis en soupirant, je suis étonné que tu n'aies encore tué personne.
— Justement, je m'en veux de rater à chaque fois. Si je faisais mouche, tu ne serais pas là.
— Pour l'instant, tu as plus de chance d'abattre un pigeon en tirant en l'air que moi, alors que je me tiens à dix mètres de toi. Je pensais que tu avais acquis les bases ?
— Peut-on accuser le manque de pratique ? Il faut dire que contrairement à ces messieurs, les femmes ne sont ni invitées, ni autorisées durant les parties de chasse, donc ce n'est pas comme si nous avions l'occasion de pratiquer et ainsi de garder la main, bougonna Lucienne.
— Aux dernières nouvelles, tu as quand même essayé d'abattre un gros gibier me semble-t-il.
— Et je l'ai raté à mon grand désespoir ! Plus le porc est gros, plus je tire à côté, comme c'est malheureux.
— Très bien, dans ce cas, nous allons reprendre depuis les bases. Tâche d'éviter de me tirer dessus par erreur. Je t'en serai fort reconnaissant.
Ce n'était pourtant pas l'envie qui lui en manquait. Si Lucienne tolérait la présence de Louis à ses côtés, ce n'était pas pour autant qu'elle l'acceptât, car celle-ci la ramenait bien trop en arrière, à des souvenirs qu'elle préférait oublier.
Que se serait-il passé si Louis n'était pas parti ? Que se serait-il passé, s'il n'y avait pas eu la guerre ? Que se serait-il passé si, lors de cette soirée, il lui avait tenu un discours complètement différent ?
Parmi toutes ces interrogations que Lucienne gardait enfouies au plus profond d'elle-même, elle n'était certaine que d'une chose : elle l'aurait suivi. Un mot, un seul mot aurait suffi pour que cela se fasse, mais alors qu'elle n'attendait qu'une chose... Louis décida de se séparer d'elle, comme on se sépare alors d'un bagage bien encombrant. C'était tout ce qu'elle était pour lui, une valise. Un objet. Un objet que l'on reprend et jette à sa guise.
— Il fut un temps, je crois que j'aurai volontiers signé un pacte avec le diable si cela me permettait de t'abattre, finit-elle par avouer, mais à présent, mes sentiments sont plus... reposés. Je me suis rendu compte d'énormément de choses en ton absence, et notamment du fait que je ne te devais rien, que je m'étais construite toute seule et que plus jamais je n'aurai besoin qu'un homme me dise qui je suis ou bien même que faire. Vous avez tous cette fâcheuse tendance à penser que sans vous, nous ne sommes rien d'autre que de délicates petites choses, alors qu'en réalité...
Soudainement, Lucienne tira et fit mouche, laissant s'effondrer au sol l'oiseau qu'elle venait d'abattre dans le ciel.
— Concrètement, je vaux tellement plus que cela.
Cela cloua Louis sur place qui ne dit pas un mot de plus. Effectivement, la maîtresse de maison avait changé et il n'avait pas la moindre d'idées jusqu'où le changement l'avait affectée.
— Si tu en es si persuadée, pourquoi doutes-tu ? lui demanda-t-il alors.
— Je ne doute pas.
— Je ne serai pas ici si cela était le cas, Lucienne. Nous avons connu notre lot de malheurs, de mésaventures et d'épreuves. Suffisamment pour que cela nous change en si peu de temps et quelque part, je trouve cela normal que nous changions, mais jamais, je ne t'ai connue avec une lueur d'hésitation dans les yeux. Tu as toujours su ce que tu voulais faire, où tu voulais aller et surtout, ce que tu voulais devenir et maintenant que tu as tout ceci...
— Je sais où je vais et je l'ai toujours su, c'est véridique, même encore aujourd'hui, c'est juste que... La vie me paraît soudainement plus fade et moins amusante qu'elle ne l'était auparavant. Je m'ennuie et je trouve cela très triste, car effectivement, j'ai tout pour être heureuse.
Et qui ne rêverait pas d'une position comme la sienne ? D'un confort comme le sien ? En quelques années à peine, Lucienne était sortie de la rue pour devenir cette femme, cette veuve fortunée qu'elle était à présent. Elle pouvait s'offrir ce qui lui chantait et faire, entre ces murs, tout ce qui lui plaisait. Elle pouvait également succomber à n'importe lequel de ses caprices, de ses désirs, mais étrangement et sans être en mesure de l'expliquer, elle ne le fit pas.
Lucienne ne profitait de rien de plus.
Elle vivait ici, recluse et satisfaite de sa vie sans en vouloir davantage. Elle ne cherchait ni la compagnie, ni le plaisir de la chair et à dire vrai, elle fuyait même un petit peu tout cela. Elle fuyait en demeurant immobile dans cette maison.
— C'est pour cela que tu as entrepris... tout ceci ? continua de questionner Louis en pointant du doigt les travaux en arrière-plan.
— Tu sais que je ne répondrais pas à ta question ? le nargua-t-elle alors.
— Pourquoi pas ? Nous échangeons comme deux personnes civilisées, non ?
— Parce que j'impose une limite stricte à notre relation qui se définit uniquement par son but professionnel. Nous ne sommes pas... plus amis, Louis. Jadis, j'aurais conversé avec toi avec plaisir, mais à présent...
— Je l'entends. Je respecte tes limites et si nous devons nous en tenir aux conversations autour de la pluie et du beau temps alors cela me convient.
Louis se montra particulièrement étonnant, lui qui avait toujours eu une fâcheuse tendance pour se montrer particulièrement curieux à propos de tout. Peut-être, qu'en effet, il avait aussi changé.
Peut-être que la guerre l'avait changé ou peut-être bien était-ce le travail de ces dernières années, qui sait ?
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