Chapitre 13 : Une soirée avec Ambre

Le psy m'avait demandé de bousculer mes habitudes. Voilà pourquoi je suis en train de lire Captive de Sarah Rivens plutôt que de relire Marche ou crève de Stephen King. C'est un petit pas pour les autres, mais un grand pas pour Elsa ! 

Ma mère me disputerait sûrement, elle ne comprend pas comment on peut lire de la dark romance. Aussi, plutôt que d'acheter un exemplaire sur Amazon, je l'ai directement sur mon portable. Je dois avouer que je suis du même avis que ma mère. Le style d'écriture est hyper simple, et les scènes... Euh... X disons me donnent l'impression que le livre est une comédie. Dire que j'ai renoncé à travailler pour lire un peu.

Ça fait deux heures que je suis échouée dans mon lit à lire, et il faudra bientôt que je recharge mon portable. J'ai dû envoyer un message à ma mère pour confirmer que c'était bien mon père qui me récupérait pour les vacances, me valant une réflexion acerbe sur le fait que mon père "n'est qu'un abruti". Ce à quoi je n'ai pas su répondre. Au moins, il a eu sa confirmation et n'a pas daigné renvoyer de message ensuite. 

Alors qu'une nouvelle scène spicy commençait, la porte s'est rouverte sur Ambre. Elle a l'air vraiment mal à l'aise, tout comme je me sens assez énervée contre elle et son amie.

- Je suis désolée pour tout à l'heure. Sam a vraiment abusé. J'ai essayé de l'en empêcher, mais elle est vraiment têtue...

- T-Tu ne l'as pas vraiment empêché de prendre mon ordinateur.

Je sais que je suis injuste, c'est juste la honte que j'ai ressentie devant le psy que j'ai du mal à digérer, mais cette fille indigeste qui a osé demandé qui était mon interlocuteur... Je repose les yeux sur mon portable.

- Désolée. Je sais pas quoi dire d'autre. Je sais que c'est privé, et... Dis, j'y pensais tout à l'heure, ça te dit qu'on se fasse une soirée, juste toutes les deux ? Je me rends compte qu'on se connait pratiquement pas. On pourrait se faire un film sur Netflix sur nos ordis. Ou discuter, comme tu veux.

Je finis par abandonner mon portable et le pose sur la table de chevet, un peu surprise par sa proposition et toute trace de colère envolée, laissant place à du stress à cette idée.

- T'es sûre ? Tu es toujours avec tes amis, et...

- Ils vont en soirée, mais j'avais pas trop envie d'y aller. Enfin, en soi, si, mais... Est-ce que tu veux bien ?

J'avais prévu de lire l'écrit de Suzanne ce soir, mais si ça me permettait de changer un peu... Et je dois "changer mes habitudes".

- D'accord.

- Super ! Faudra juste qu'on mange, mais tu peux me rejoindre avec mes potes si tu veux au réfectoire. Ah non, j'imagine que tu voudras manger avec Henry et sa copine.

- Je... Je ne sais pas trop.

Elle n'insiste pas.

...

Finalement, et comme je le pensais, j'ai mangé seule. Le fait de ne plus parler à Henry - et à Ash, par extension - me fait mal. J'aurais aimé parler de cette soirée avec eux, leur dire que ça me stresse un peu, que je me demande ce qui se passera, ou reparler de manga et rigoler. Je ne les ai pas vu dans le réfectoire, d'ailleurs. Il faisait particulièrement chaud dedans, je m'en souviens avoir senti un filet de sueur me couler dans le dos. J'avais l'impression qu'on me dévisageait, aussi Anxy s'était amusée à me chuchoter à l'oreille que tout le monde me jugeait sur le fait d'être seule.

Au moins, ça a été l'occasion parfaite pour prendre une douche tranquillement et me coucher sur le lit pour commencer à lire l'histoire de Suzanne. Si j'ai bien compris, c'est surtout un récit sur l'écologie. Seulement, j'ai à peine eu le temps de finir la première phrase que Ambre entre. 

- Bon alors... Ça te dit un film ?

- D'accord, mais j-je ne sais pas ce que tu regardes d'habitude.

- Ce que tu veux.

Elle semble un peu essoufflée, mais ne fait pas d'autre commentaire. Elle enlève son manteau et part dans la salle de bain pendant que je sors mon PC de la veille. Finalement, après plusieurs recherches, nous tombons d'accord pour The Kissing Booth, que je n'avais jamais vu. Nous nous sommes mises sur mon lit et j'ai lancé le film. C'est assez perturbant d'avoir une autre personne à côté de soi, j'ai toujours dormi seule, et quand on se voyait avec Henry et Ash, c'était souvent dehors. 

Au bout de quinze minutes, je me surprends à penser à autre chose. Autant, regarder des romances ne me dérange pas, autant quand c'est cliché, j'ai du mal. Je jette un coup d'œil à Ambre, mais elle est concentrée dedans. J'essaie donc de faire de même. Elle et Lee, deux meilleurs amis, montent un "stand à bisous", et elle participe. Elle embrasse alors Noah, le frère de Lee, et font tout pour ne pas qu'il sache, parce que Elle et Lee ont une règle dessus. Mais Noah est le garçon bad boy, et Elle, la fille extravertie et maladroite. Je dois tout de même avouer que je souris une ou deux fois face à la maladresse de Elle, mais c'est tout. 

À la fin du film, j'éteins mon ordinateur en silence. Ambre me fixe.

- Tu n'as pas aimé, hein ?

- C-ce n'est pas trop mon truc.

- Tu bégayes souvent. Tu as un trouble du langage ? C'est pour ça que tu vois un psy ?

Je baisse la tête. J'ai senti dans sa voix que c'était une sincère curiosité, mais je ne sais pas si je vais réussir à lui répondre. Surtout, Anxy est collée à moi et attends le moment où je vais dire une bêtise. 

Je prends mon temps pour ranger mon ordinateur, réfléchissant à ma réponse. Je peux éluder, changer de sujet ou mentir, mais ça ne me semble pas honnête, et je déteste inventer. Je la connais à peine, et si c'est pour le raconter à Sam, je préfère encore ne rien dire.

- Tu n'es pas obligée de me répondre. Je sais que c'est personnel, et moi-même je ne sais pas si je te le dirai, à ta place. Moi aussi, je vois une psy, tu sais. 

Je relève les yeux vers elle, mais elle ne développe pas, et je comprends qu'elle ne le fera pas. J'inspire, décidant de me confier à mon tour.

- C-c'est juste que... Quand je le dis, j-j'ai l'impression que les autres ne comprennent pas.

- Même en leur expliquant ?

- E-en général, quand je vois que la personne en face n'est pas r-réceptive, je ne d-développe pas.

- Mais comment tu veux qu'ils comprennent, dans ce cas ? demande-t-elle doucement, comme si elle a peur de m'effrayer.

Je finis par m'adosser contre le mur. Ma colocataire fait de même, et nous nous retrouvons épaule contre épaule. Ce n'est pas forcément désagréable. Je regarde devant moi, un pan de mur à côté de la salle de bain. Il faudrait vraiment que je trouve des affiches à accrocher au mur.

- Je s-souffre d'anxiété généralisée et d'anxiété sociale. Plus précisément, j'ai un trouble anxieux généralisé.

- Oh. Tu stresses pour tout, quoi. 

- O-oui. Je fais des insomnies parce que je pense à ce qu'il se passera le lendemain. Je stresse pour une éval, je stresse parce que j'ai peur d'être en retard. Même pour une sortie entre amis ou pour aller acheter de quoi manger accompagnée, je stresse. Et ça s'étend aux personnes. Le fait de parler aux autres, que ça soit devant un public ou une seule personne que je connais peu, je stresse. Et à cause de tout ça, je suis toujours fatiguée. Au début, je devais voir un psychiatre pour avoir des médicaments, mais j'ai refusé. J-je ne veux pas en prendre.

- Et tu en connais l'origine ?

- Oui. 

- Bon, au moins ça. Eh, ça te dit qu'on mange ensemble une fois ? Avec mes potes. Tu verras, Samantha n'est pas méchante... Elle est juste... Ce qu'elle est, quoi. 

- Je... Je ne sais pas...

- Je te force pas. Mais hésite pas, surtout que tu as mon numéro.

Je suis vraiment touchée. Elle m'a écouté jusqu'au bout, sans me juger, ni m'interrompre. C'est donc ça, avoir une amie ? Quelqu'un qui te pose des questions, qui t'écoute, qui te donne son numéro ? Qui ne te laisse pas à l'écart à cause d'une blague que tu n'as pas ? Qui t'invite à manger avec son groupe d'amies alors que vous vous connaissez à peine ? Je repense à Alexis. J'aimerais bien manger une nouvelle fois avec lui. Et en savoir davantage sur lui. Les paroles que l'on avait échangées la dernière fois me reviennent à l'esprit, me ramenant à son histoire avec la lycéenne qui l'avait ignoré. Des pestes pareilles, il en existe tellement aujourd'hui, malheureusement...

- Merci.

Surprise, elle se retourne vers moi.

- Pour quoi ?

Je souris.

- Pour m'avoir c-comprise.

- ... Non, merci à toi. Tu m'as fait confiance pour en parler, alors que je vois bien que ce n'est pas facile pour toi.


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