La fin de l'année scolaire. La fin des "années lycées". Le début d'une nouvelle vie d'adulte.

Tous les élèves du lycée Jeanne d'Arc attendaient non loin de l'établissement les résultats du baccalauréat. Un mélange de stress, d'excitation, et aussi de nostalgie.

*

Lili n'était pas vraiment stressée. Elle n'allait pas faire semblant ! La blonde était première de sa classe, elle avait toujours travaillé pour être la meilleure. Sur Parcoursup, elle avait été acceptée dans une classe préparatoire littéraire parisienne très réputée. Son dossier était excellent. Autour d'elle, tout le monde semblait au bord de l'infarctus ; pourquoi les gens doutaient-ils d'eux comme ça ?

Et soudain, l'heure fatidique fut arrivée. 9h. Tous excités, les lycéens pénétrèrent dans le lycée comme une bande de bisons sauvages. Agacée, Lili les laissa se ridiculiser et décida d'attendre un peu avant d'aller chercher son nom sur les listes. Quand même, elle n'allait pas se rabaisser à ce niveau. Son seul doute était de savoir si elle avait décroché la mention très bien ou si elle allait devoir se contenter de la mention bien ; honnêtement, la première option était davantage plausible.

Soudain, une Anna gesticulante qui s'était infiltrée dans la foule revint vers Lili en hurlant.

"J'ai eu mon bac, Lili ! J'AI EU MON PUTAIN DE BAC !

- Bravo ! la félicita Lili, profondément fière de son amie. Quelle mention ?

- Tss, qui cala la mention ? répliqua Anna. Je l'ai eu à 10 tout pile, wesh."

Lili éclata de rire.

"Bravo. Je te l'avais dit, Anna ! Tu as bossé, c'était sûr. Arrête de douter de toi.

- Tu es encore mon modèle en terme de confiance en toi. Et toi, alors ? Qu'est-ce que tu attends pour aller voir ?! Maintenant que tu n'as que de vrais amis, t'as plus de larbin pour faire le sale boulot à ta place, se moqua Anna.

- J'imagine que je vais aller devoir me mélanger au peuple, soupira Lili, mi-amusée, mi-agacée."

La démarche droite, comme si elle était filmée par des milliers de paparazzis, Lili s'avança vers les listes. Elle bouscula les quelques personnes qui entravaient son chemin et commença à chercher son nom sur les listes, un peu anxieuse tout de même.

Lili Leroy. Admis mention très bien.

Lili hocha la tête, fière d'elle. Elle l'avait bien mérité.

La vie lui souriait. Elle avait eu son bac avec la meilleure mention, et l'année prochaine, elle vivrait une nouvelle vie à Paris.

Soudain, son regard croisa celui de Sam. Elle sourit, le coeur léger.

*

"Alors, mention très bien ? demanda Sam en rejoignant Lili, tout sourire."

Sam se sentait tellement soulagé. Il avait tellement douté de lui, toute sa vie, et il voyait ses résultats de bac comme une récompense. Mention très bien. Il se sentait enfin fier de lui.

"La question ne se pose même pas, rétorqua Lili, amusée. Et toi ?

- Pareil. A 16,5 de moyenne. Qui dit mieux ?

- 17,2 ! s'écria Lili. Laisse tomber, tu m'arriveras jamais à la hauteur."

Les deux adolescents continuèrent de discuter en rigolant. Et Lili finit par poser la question fatidique.

"Alors, tu vas dans quelle ville, l'année prochaine ?

- J'ai été accepté il y a deux jours dans une prépa parisienne, super bien cotée. J'imagine que je vais dire adieu au soleil du sud, se plaignit Sam. Et toi ?

- Quoi ?! Mais Sam, moi aussi je vais à Paris !"

Sam ouvrit la bouche, étonné. Les yeux bleus de Lili brillaient de fierté. Lili et Sam, dans la même ville. Qu'est-ce que ça donnerait ?

"Eh bien, il semblerait qu'on n'ait pas fini de se battre pour avoir la meilleure note, rigola Sam, les joues rouges. C'est... C'est trop cool, Lili. Ça veut dire quoi, ça, pour nous deux ?

- Plus besoin de se prendre la tête, sourit Lili en passant ses mains autour du cou de Sam. On sera ensemble, ça veut dire qu'on a juste à se laisser porter et voir où ça nous mène."

Sam la regardait avec des yeux débordant d'émotion. Et soudain, le rouquin se baissa vers elle et l'embrassa. Un peu éberluée, Lili eut un mouvement de recul. Sam s'excusa, toujours plus rougissant.

"Oups, je me suis laissé porter."

Lili secoua la tête en rigolant. Et puis elle l'embrassa à nouveau.

Eux deux, c'était une histoire sans fin. Ils avaient beau réussir à s'oublier, dès qu'il se retrouvait dans la même pièce, le lien qui les unissait finissait toujours par réapparaître.

Leur relation était enfin pure. Ils avaient réussi à se reconstruire et à s'épanouir de leur côté. Maintenant qu'ils se retrouvaient, tout était plus simple et plus beau. Si demain ils se quittaient, ils ne seraient pas malheureux. Et si demain ils se retrouvaient, leur vie serait embellie.

*

Thylane cherchait son nom, le cœur serré. Elle n'était pas trop sereine, son année avait été très compliquée. Ses problèmes personnels l'avaient empêchés de se concentrer sur les cours, et elle n'était pas sûre que son dernier mois de révision suffise à lui faire obtenir son bac.

Elle finit par se trouver et comme elle le craignait, elle constata qu'elle devait aller aux rattrapages. Disappointed but not surprised.

Son cœur se serra. C'était dur, autour d'elle, tout le monde criait et se sautait dans les bras en pleurant de joie. Et elle, se retrouvait seule face à son échec. Sam était en train de bécoter Lili, ce n'était pas le moment de le déranger.

Thylane se força à inspirer un bon coup pour ne pas laisser les larmes couler. Quand même, elle n'allait pas pleurer pour un examen de merde ! Elle avait vécu l'enfer et elle se retrouvait désemparée face à des rattrapages. Reprends-toi, merde.

Elle remarqua ses profs, au loin, qui discutaient avec les autres déçus de sa classe. Le cœur lourd, Thylane alla chercher sa feuille de notes avant de se diriger vers son prof d'histoire-géo.

"Bonjour, je n'ai pas eu le bac, annonça t-elle, des larmes dans les yeux.

- Mais vous êtes aux rattrapages, ce qui vous laisse une seconde chance ! On va regarder vos notes et voir quelles matières seraient plus avantageuses à choisir pour vous."

Thylane tendit sa feuille de note, toujours tremblante. Son prof regarda ses résultats - et la félicita pour son 15 en histoire -, et il lui recommanda de repasser la littérature et surtout la philosophie, ses plus gros coefficients. Thylane acquiesça. Tous ses professeurs vinrent l'encourager et elle commença à se remotiver.

Soudain, une énorme masse lui fit un câlin dans le dos.

"Aïe ! se plaignit-elle.

- Thylane ! s'écria Matth. On est aux rattrapages ma sœur ! On est trop cons, c'est trop drôle.

- C'est pas drôle... rétorqua Thylane en fronçant les sourcils."

Et pourtant, Matth rayonnait, comme s'il ce bac était le cadet de ses soucis. Thylane se surprit à l'admirer. Il avait raison. C'était comme ça qu'il fallait prendre les mauvaises choses, une occasion de faire mieux et de se dépasser. En le voyant, tout sourire, Thylane sentit un regain de détermination en elle.

Elle n'avait pas beaucoup de points à rattraper. Et elle allait s'assurer d'avoir son bac. A nous deux. L'année prochaine, elle s'était inscrite pour faire un service civique dans une école défavorisée en Roumanie. Hors de question qu'elle quitte la France sans ce maudit bac !

Toute ragaillardie, elle continua de discuter avec Matth et un cercle finit par se former autour d'eux. Elle se sentait entourée, elle se sentait heureuse.

*

Olenka cherchait Matth, à la fois agacée et inquiète. Pour elle, tout s'était bien passé. Sans trop avoir révisé, elle avait eu son bac mention assez bien et allait en licence de sociologie l'an prochain. Zoé, de son côté, avait eu mention bien et faisait des études d'anglais. Mais Matth n'avait pas eu son bac, à peu de points près.

Olenka finit par l'apercevoir, dans un grand cercle, aux côtés de Thylane. Elle les rejoignit, soulagée.

Matth était en train de parler de ses vacances d'été prévues avec Olenka. Les deux avaient beaucoup travaillé cette année et avaient décidé de partir une semaine en Espagne ensemble avec leur argent économisé.

"Bon, Matth, intervint-elle en lui tapotant le dos. Et si on parlait plutôt de ton bac ? Quelles matières tu veux repasser ?

- SES et histoire, répondit-il avant de l'embrasser. Mais parlons d'autre chose ! On part dans deux semaines ! Ce sera la première fois que je vais en vacances.

- Je sais, je sais. Mais pas question qu'on parte sans ton bac. Viens, on va t'inscrire. Et après, on commence à réviser ! On a une semaine pour tout changer.

- "On" ? fit Matth, étonné et ravi.

- Si je te surveille pas, tu vas passer tes aprèms à la piscine, le tança Olenka, amusée. Bien sûr que je vais t'aider, tocard."

Matth l'embrassa.

"J'ai la meilleure des copines..

- Assure-toi de me garder près de toi, alors."

Main dans la main, ils se rendirent à l'accueil. Rien ne les séparerait plus jamais.

*

Léo arriva au lycée deux heures après la guerre. Il espérait qu'il n'y aurait plus personne dans les locaux, il n'avait pas envie de croiser ses amis pour qu'ils lui racontent leurs exploits. Léo ne se leurrait pas. Il n'allait pas avoir son bac.

Ces derniers mois, il avait tout juste commencé à se relever du décès de Farah. Alors se plonger dans les révisions avait été très difficile, même avec le soutien sans faille de Thylane, qui était devenue en si peu de temps une des personnes les plus importantes de son entourage. C'était d'ailleurs elle qui l'avait forcé à venir, ce matin. Léo savait très bien qu'il avait échoué.

Sans surprise, son nom ne figurait pas sur la liste des admis. Pas même sur celles des rattrapages. Il avait eu moins de 8 de moyenne.

Alors qu'il s'apprêtait à faire demi-tour, ses professeurs vinrent le rejoindre. De philosophie, de littérature, d'histoire et même d'anglais. Il se sentit un peu gêné et presque honteux de son échec.

"Ça va aller, Léo, fit son professeur principal. Etant donné les circonstances de cette année, vous êtes accepté en redoublement ici. Considérez cela comme une seconde chance, une opportunité. Si vous revenez, vous allez pouvoir tout reprendre à zéro et avoir un meilleur dossier pour les recrutements Parcoursup."

Léo hésita. Ce serait dur, de redoubler. Tout le monde allait filer vers les études supérieures alors qu'il pataugerait encore en terminale. Est-ce qu'il se sentait vraiment de faire ça ?

En réalité, il le savait très bien. Il avait beaucoup discuté avec Thylane de son orientation et il avait très envie de faire du droit. Pour ça, il avait besoin du bac. Il était prêt à retaper une année, pour son avenir. Alors il accepta la proposition avant de saluer ses profs et de les remercier pour leur soutien.

Léo finit donc par quitter le lycée, le cœur un peu plus léger. Il n'était pas seul, ses profs l'avaient soutenu. Il sortit son paquet de clope quand soudain, une Thylane sauvage surgit.

"Range-moi ce cancer en papier ! ordonna t-elle. Mec, je t'attends depuis deux heures, tu te fais désiré.

- Tout ça pour être recalé, en plus, rigola Léo."

Ils échangèrent un sourire et décidèrent d'aller en boire un verre dans leur bar préféré.

C'était fou, la vie. Parfois, des personnes inattendues tombaient sur notre chemin et changeaient notre vie.

Certaines nous laissaient des souvenirs et des leçons de vie inoubliables.

Certaines nous aidaient à remonter la pente.

Certaines nous accompagnaient dans nos rires et nos pleurs.

Et puis un jour on se retrouvait seul, parfois hanté, parfois le cœur apaisé. Léo n'était pas sûr de réussir à faire un jour partie des personnes en paix avec elles-mêmes. Il savait que ses démons seraient toujours en lui et reviendraient dans les moments difficiles.

Alors il était reconnaissant de toutes ces personnes qui lui permettaient de passer des bons moments et d'égayer ses journées. Et on remercie le ciel de placer de jolies personnes sur notre chemin.