Chapitre 31 : Quand le printemps arrive

Petit mot pour vous annoncer que ce chapitre est le dernier de cette histoire (il restera juste l'épilogue). J'ai beaucoup hésité pour organiser tout ça mais si ça vous intéresse je posterais à la fin un petit récapitulatif et explications de cette histoire.
Bonne lecture ❤️

*

Quelques mois plus tard.

C'est face à la mort qu'on reprend goût a la vie.

Le bal du printemps, le fameux. Les élèves l'attendaient toute l'année avec impatience.

Lili la première. Elle avait toujours rêvé d'être élue reine du lycée pendant ce bal ; quand elle était en seconde et en première, elle avait regardé avec des yeux plein d'admiration mêlée de jalousie les heureuses élues. Mais désormais, elle était en terminale. C'était son année.

D'accord, elle avait grandi et mûri, mais cette élection serait clairement l'accomplissement de sa vie.

La blonde se préparait dans sa salle de bain avec Anna. Elle avait invité la plupart des gens de son lycée pour faire un petit before chez elle avant qu'ils ne se rendent tous au bal.

Anna prêta son rouge à lèvres rouge vif à Lili, qui s'empressa de s'en tartiner une couche généreuse. Ce soir, ce serait elle, la reine du bal. Les deux adolescentes continuèrent de se préparer silencieusement, bercée par une playlist de musique classique - leur petit plaisir coupable.

Lili prit son téléphone pour immortaliser ce moment et ne put s'empêcher de grimacer en voyant son fond d'écran. C'était une photo de Farah et elle. 

"Farah attendait avec tellement d'impatience ce dernier bal, soupira Lili."

La blonde baissa la tête mais vit Anna s'immobiliser dans le miroir. 

Ces derniers mois n'avaient pas été faciles. Après la mort et la disparition inattendue de Farah, il avait fallu réapprendre à aimer la vie. Lili avait fait son deuil plus facilement que Anna et avait beaucoup soutenu cette dernière. Mais parfois, Lili s'en voulait de pouvoir savourer des moments de vie alors que Farah n'était plus là. Elle avait l'impression de la trahir, de l'avoir oubliée.

Elle caressa du bout des doigts le collier à son cou, que Farah lui avait offert l'année dernière. Mais je ne t'oublierais jamais, Farah. Tu resteras à jamais dans mon coeur et mes pensées.

"Mais elle serait contente qu'on y aille plutôt que de se morfondre dans nos vies, ne put s'empêcher de rajouter Lili en voyant que Anna était touchée."

Anna acquiesça lentement. La brune était extrêmement lunatique, parfois, elle semblait plus heureuse que jamais, et puis il suffisait d'une pensée, d'un souvenir, d'une photo, pour qu'elle broie du noir. Lili comprenait que Anna mettrait plus de temps à faire son deuil. Elle espérait que ces up and down ne feraient pas partis de sa vie trop longtemps, Anna ne le méritait pas.

"Bon, prenons une photo, lança Anna.
- Aux deux plus belles filles du lycée ! s'écria Lili tout en portant son verre de vin à sa bouche."

Les deux adolescentes trinquèrent en s'échangeant un sourire complice. Lili prit une photo. C'était peut-être stupide, mais elle avait pris l'habitude de prendre en photo tous ses moments de vie. Parfois, ça gâchait un peu le moment, on dégainait son appareil et le naturel s'en voulait.

Mais parfois, elle regrettait de ne pas avoir plus de photos avec Farah. Rien n'était immortel, alors elle immortalisait des images, qui resteraient à jamais gravées en elle.

Marina rentra dans la salle de bain sans toquer. Lili fronça les sourcils, un peu agacée que la nouvelle petite amie de Anna gâche leur précieux moment. Marina et Anna sortaient ensemble depuis quelques semaines et Lili ne savait que penser de ce couple. Elles ressemblaient plus à des sex friends qu'à des amoureuses transies, mais bon. Anna avait sans doute raison de ne pas se priver avec des relations compliquées et de profiter de ce qui lui tombait sous le nez.

Lili sourit et laissa les deux filles ensemble. Elle rejoignit ses amis dans le salon. Ce soir serait une belle soirée. Elle se sentait apaisée.

*

"Merde, Zoé, ça fait longtemps que j'avais pas autant bu, souffla Olenka, dont la tête tournait dans tous les sens.
- T'abuses. Et la semaine dernière ?
- Mon foie a eu le temps de s'en remettre, il ne tient plus l'alcool, se plaignit Olenka.
- Quelle petite nature, se moqua Zoé."

Olenka marchait aux côtés de sa meilleure amie, main dans la main. Toute la petite troupe qui était allée chez Lili se rendait au lycée pour leur dernier bal du printemps. Olenka n'aurait peut-être pas dû boire autant, elle tenait à se rappeler de cette soirée.

Quoique, non. Elle s'amusait beaucoup trop pour avoir des états d'âme.

"On y est ! s'écria Zoé, toute excitée. Bordel, ces talons sont horribles, mes pieds vont lâcher à tout moment.
- T'en as bien besoin, si tu veux atteindre le mètre soixante, la taquina Olenka.
- Ouais bah t'aurais dû t'en passer, t'es à deux doigts de frôler le ciel, grande perche."

Avec un sourire complice, elles s'avancèrent vers l'entrée, où tout le monde prenait des photos. Olenka était complètement surexcitée. Elle avait attendu cette soirée bien trop longtemps. Et puis alors qu'elles faisaient la queue, elle vit que Anna était en train de prendre des photos avec sa nouvelle copine, une certaine Marina. Elle ne put s'empêcher de jeter un coup d'oeil à Zoé. Même si c'était cette dernière qui avait rompu, il y a bien quelques mois, voir son premier amour avec quelqu'un d'autre devait lui faire quelque chose.

"Ca va ? demanda Olenka."

Zoé fronça les sourcils. Et puis elle rigola.

"Franchement, je suis plus fraîche qu'elle. T'inquiète, je savais bien qu'Anna ne resterait pas célibataire trop longtemps. Cette fille est un aimant à amour.
- Bon sang, mais va lui parler, vous étiez si belles ensemble, se plaignit Olenka.
- Pas moyen djadja. Olenka, tu comprends pas... J'en ai pas envie. Je garderai toujours quelque chose pour elle, mais je trouverais quelqu'un qui me correspondra plus. Je suis pas obstinée. L'année prochaine, j'irai faire mes études ailleurs et je rencontrerai plein de nouvelles personnes.
- Comment je suis trop fière de toi ! cria soudain Olenka sans tempérer ses émotions, dans son élan pompette."

Elle lui colla un baiser sur la joue et Zoé fit mine de s'écarter en riant.

"Ne me dis pas que tu comptais prendre des photos sans moi ?! s'indigna une voix grave."

Olenka sourit avant même de se retourner. Cet abruti de Matth. Il posa ses mains sur les hanches de Olenka et lui chuchota :

"T'es pas trop moche, ce soir."

Olenka se retourna, indignée. Elle le regarda de haut en bas et tenta, en vain, de camoufler un sourire plein d'amour.

"Tu t'es mis à mon niveau, à ce que je vois, rétorqua t-elle en faisant mine de faire la moue.
- Ooook, je vous laisse, soupira Zoé en rigolant et en allant à l'intérieur, laissant Olenka avec son Matth.
- On peut prendre plein de photos ? le supplia Olenka. C'était trop mon rêve d'aller au bal de printemps avec mon amoureux !
- T'es complètement déchirax, lui reprocha Matth. T'as pas intérêt à vomir sur ma chemise.
- Ça me rappelle notre premier date, l'année dernière, ne put s'empêcher de sourire Olenka. 
- Ouais, je préfère oublier ce moment, rigola Matth."

Ils continuèrent de se charrier et vint le tour de prendre des photos super clichées. Toujours joyeuse, Olenka tira Matth par la main et ils firent leur meilleure pose pendant quelques minutes. Même si tout le monde les regardait d'un air mi-attendri, mi-jaloux et surtout impatient, Olenka embrassa Matth sur la dernière photo.

"Je t'aime !"

Matth secoua la tête en rigolant, pas très prêt à supporter une Olenka pompette pendant toute la soirée. Main dans la main, plus liés que jamais, ils pénétrèrent dans le gymnase. Olenka passa devant Nathan, ce fumier qui avait essayé de l'enfoncer plus bas que terre. Il était avec ses potes et les regardait d'un air froid et méprisant. Toute guillerette, Olenka lui souffla un baiser volant avec un sourire malicieux. Être heureux est la meilleure des vengeances. 

La soirée se déroula magnifiquement bien, Olenka s'éclatait avec Matth et tous leurs amis. Et puis vint le moment de "l'élection" de la reine et du roi du bal. Olenka trouvait honnêtement ce moment très gênant et cliché, surtout que tout le monde savait très bien qui serait la reine.

Sans surprise, Lili fut appelée et elle monta sur la pseudo estrade. Elle était sublime. Elle portait une longue robe noire avec un beau décolleté en dentelle et qui s'évasait à partir des hanches. La robe semblait tout simplement avoir été créée pour elle. Olenka la fixa un long moment.

A sa grande surprise, Matth fut désigné comme "roi du bal".

"Wesh ! s'écria t-il en éclatant de rire, surpris. Enfin reconnu à ma juste valeur !"

Matth se précipita vers l'estrade, où il était censé prendre la main de Lili. Aussitôt, il jeta un coup d'oeil à Olenka, comme pour lui demander la permission. 

Olenka lui fit un oui de la tête. 

Olenka les fixa encore.

Et elle ne ressentit aucune jalousie. La blonde souffla, le coeur léger. Elle était enfin en paix avec elle-même, avec les autres, avec ce qu'il s'était passé. Elle était enfin heureuse. A ce moment, elle ne put s'empêcher d'avoir une pensée pour sa chère Farah. Je ne t'oublierais jamais. Tu vivras toujours dans mon coeur. Merci de m'avoir tant appris.

*

Sam regardait Lili perchée sur l'estrade avec un sourire amusé. La blonde avait toujours voulu être sacrée reine du bal en terminale, elle lui en avait tant parlé. Elle aurait probablement été capable de quitter le bal si elle n'avait pas été élue. Là, elle balayait du regard la salle.

Elle était rayonnante. Pas juste grâce à son sublime physique. Elle rayonnait, littéralement. Autrefois, Lili avait ce côté terni par son côté méchant et aigri. Elle avait ce besoin de rabaisser les autres pour se sentir supérieure. Maintenant, c'était différent. Lili n'était plus en compétition avec les autres, mais seulement avec elle-même. Elle semblait enfin apaisée. 

Sam était heureux pour elle. Malgré tout le mal qu'ils s'étaient faits mutuellement, il avait toujours voulu la voir profondément heureuse. Enfin, elle respirait la joie de vivre.

Et c'était maintenant le moment de son discours.

"Je vais pas faire semblant d'être surprise ; entre nous, c'est moi la plus fraîche du lycée ! commença Lili en toute modestie."

Sam ne put s'empêcher de sourire. Un mélange de confiance et de narcissisme, mais terriblement attachant quand on savait ce que Lili avait traversé.

"Enfin, bref, assez parlé de moi. J'avais toujours préparé ce discours mais j'ai oublié ce que j'avais prévu de dire. Déjà, je vous souhaite à tous d'être heureux et d'être en paix avec vous-mêmes."

Lili fit une pause. 

"Évidemment, j'adresse mes paroles à Farah ce soir. Vous le savez, elle est décédée il y a quelques mois. Sa vie s'est arrêtée et elle a laissé un grand vide derrière elle. Je ne vous apprends rien, c'était une fille exceptionnelle. Et le vide qu'elle a laissé derrière elle, c'est à nous de le combler. S'il-vous-plaît, profitez de chaque instant de votre vie. On ne sait jamais de quoi demain est fait. Aujourd'hui, la terre est ronde, le ciel est bleu. Peut-être que demain ce ne sera plus le cas. Mais aujourd'hui, la vie est belle, et on doit la savourer."

Tout le monde acquiesça. Le moment était solennel, mais sans cette atmosphère abattue ; seul l'espoir scintillait, ce soir.

"Bon, j'en ai fini avec ce discours larmoyant, reprit Lili avec un petit sourire, avant le passer le micro à Matth."

Sam n'écouta même pas ce que dit le brun. Il garda les yeux vissés sur Lili, qui descendait de l'estrade et se dirigeait vers les toilettes. Le rouquin rejoignit la blonde, qui se servait un verre.

"Tu as bien parlé. Je suis fier de toi."

Lili tourna la tête vers lui, étonnée. Elle eut un petit sourire.

"Merci, Samuel."

Sam frissonna. Depuis la mort de Farah, il était enfin en paix avec Lili. Mais il s'interdisait de trop lui parler, il avait peur de retomber sous son charme. Pourtant, ils se l'étaient dit ; eux deux, c'était une histoire sans fin. 

C'était le soir où tous les interdits devaient être bravés. Sam prit la main de Lili dans la sienne. Lili leva vers lui des yeux brûlants. Sam regarda ses lèvres et il se retint de l'embrasser. Alors qu'il s'apprêtait à se jeter à l'eau, Lili le repoussa doucement.

"Ce n'est pas une bonne idée, Sam. Et tu le sais. 
- Mais Lili...
- Arrête, Sam. L'année prochaine, on sera sans doute séparés. Je veux pas retourner dans un amour impossible. Mais... Si tu es prêt à ne pas réfléchir à demain."

Lili fronça les sourcils en observant sa réaction. Sam hocha la tête. Et Lili l'embrassa. Sam répondit doucement à son étreinte, le coeur léger. Il ne savait pas trop dans quoi il s'embarquait encore, si c'était l'histoire d'une nuit ou d'une vie. Mais il le savait, désormais ; il était en paix avec lui-même et devait écouter son coeur à chaque instant, tant qu'il battait encore.

Lili finit par reculer. Elle avait un petit sourire timide aux lèvres. Sam passa une mèche de ses cheveux bouclés derrière ses oreilles, le coeur battant. Peut-être qu'il ne serait jamais débarrassé de son amour pour Lili. Mais il était prêt à vivre avec le coeur doucement endolori plutôt que lourd de regrets.

Lili partit rejoindre ses amis et Sam soupira en s'asseyant sur une chaise. Perdu dans ses pensées, il ne vit pas une grande brune s'asseoir à côté de lui.

"Toi et Lili, ça ne s'arrêtera jamais, pas vrai ? lui demanda Thylane."

Sam releva la tête vers son amie. Depuis le décès de Farah, ils étaient devenus des amis très proches et avaient décidé de balayer les fantômes du passé qui empoisonnaient leur présent. Thylane était une de ses amies les plus chères, Sam s'était juré de veiller sur elle pour toujours, et il comptait bien tenir sa promesse.

"On avance de deux pas, et on recule de trois, répondit Sam avec un petit sourire.
- Avant, j'aurais trouvé ça très toxique, déclara Thylane on sirotant son cocktail. Mais j'ai bien l'impression que c'est votre façon de vous aimer. 
- Je ne sais pas si on s'aime. On est juste liés."

Thylane le regarda en rigolant.

"Tu as un sourire de niais, rouquin. Pas besoin d'être timide sur les termes. Je sais bien que j'ai servi de relation pansement. T'inquiètes, t'as été mon pansement aussi.
- Mais je suis heureux de t'avoir pour amie, maintenant."

Sam lui tendit les bras et après avoir levé les yeux au ciel face à tant de niaiserie, Thylane alla se blottir contre lui. Alors qu'ils continuaient d'échanger, un mouvement général attira leur attention.

Des murmures résonnaient étrangement dans la salle. Sam échangea un regard perplexe avec Thylane et ils se levèrent ensemble. 

Léo venait d'entrer dans la salle.

*

Thylane fixait Léo. Ses potes l'avaient tous rejoints. Du coin de l'oeil, elle vit que toutes les amies de Farah le regardait avec des yeux brûlants de haine.

Depuis la mort de Farah, Léo avait changé. Thylane s'en était rendue compte alors qu'elle n'était même pas son amie. Parce qu'elle ressentait les gens brisés, les gens bouffés par eux-mêmes. Léo allait mal, et en même temps, il semblait rayonnant. Il passait son temps à sortir, à boire, à fumer - genre, plus qu'avant. Alors ses amis étaient fiers de lui, se réjouissaient qu'il aille mieux. Comme si se détruire à petit feu, sans même s'en rendre compte, était positif.

Thylane se rapprocha, en gardant un oeil sur les amies de Farah qui voulaient aller l'embrouiller, retenues par d'autres.

Lorsqu'elle fut à quelques mètres de lui, elle constata avec horreur que ses yeux étaient rougis, injectés de sang. Il avait l'air complètement bourré et drogué. Et, alors qu'elle le contemplait, il vomit d'un coup dans la salle.

Aussitôt, un surveillant intervint. 

"Léo, sors d'ici !"

Deux profs firent sortir Léo, et aucun de ses "amis" ne le suivit. Sur son passage, des lycéens marmonnèrent "Quel déchet", "il s'est perdu". Thylane ferma les yeux, elle ne parvenait pas à croire ce qu'elle allait faire.

Elle prit son sac et sa veste et sortit du gymnase en frissonnant. Les profs avaient accompagné Léo jusqu'à la sortie, en l'assommant de réprimandes. 

"Léo, qu'est-ce qui te prend ? C'est le bal du printemps, tu n'as pas besoin de te mettre dans un tel état, tenta un prof, un peu inquiet tout de même. 

- On va appeler tes parents, on reste avec toi jusqu'à ce que tu partes, déclara l'autre.

- Attendez, je m'occupe de lui, intervint Thylane en se mettant à découvert. Je suis sa meilleure amie, je sais ce dont il a besoin. Allez ailleurs, je vous rappelle si besoin.

- Tu es sûr ? fit un prof, les sourcils froncés.

- Oui, il a besoin de moi. S'il-vous-plaît, laissez-nous tranquilles."

Les deux profs échangèrent un regard hésitant et peu convaincu, mais finirent par céder.

"On est à l'intérieur, si besoin."

Thyalne acquiesça d'un air grave et dès qu'ils furent hors de portée, elle s'accroupit aux côtés de Léo. Elle ne savait pas quoi dire. Il était complètement déchiré, à l'ouest. Il sortit une nouvelle clope et Thylane inspira un bon coup. Ses gestes étaient désordonnés, alors elle prit le paquet et le mit dans son sac.

"Arrête, Léo. T'as pas besoin de ça.

- Donne-moi ça, lui ordonna t-il, pris d'une soudaine force. Je te connais même pas, qu'est-ce que tu fous là ? Casse-toi.

- Calme-toi."

Léo se tourna brusquement vers elle et lui jeta un regard plein de haine. Thylane frissonna. Il était complètement hors de lui, qui savait ce qu'il était capable de lui faire ? Elle s'efforça de ne pas fuir, même si tous les démons de son passé menaçaient de resurgir et de la paralyser. La nuit, ce regard mauvais, la peur...

"Ça ne ramènera pas Farah, murmura Thylane.
- Ne me parle pas d'elle, lui ordonna t-il."

Thylane inspira un bon coup. Elle cherchait désespérément ses mots, mais elle était elle-même paralysée par la peur. Alors elle ferma les yeux et visualisa Farah.

Ca faisait mal au coeur.

"Je sais que tu t'en veux, commença t-elle. T'as raison de t'en vouloir, car tu lui as brisé le coeur. Tu l'as détruite. Mais Léo, ce qui appartient au passé appartient au passé. Elle est partie. La pleurer et te détruire ne la fera pas revenir, même si c'est dur à accepter. Tu ne dois pas ressasser le passé, sers-toi des leçons que Farah t'a faites pour devenir quelqu'un de meilleur. Je te connais pas, ok ; mais t'es pas quelqu'un de mauvais. Tu mérites pas de te détruire à petit feu pour un souvenir.

- J'ai le coeur brisé, avoua Léo après un long silence. Je ne pense pas que je passerais un jour à autre chose."

Thylane hocha doucement la tête. Alors que sa tête lui criait de fuir, elle balaya ses plus terribles peurs et prit la main de Léo dans la sienne. La brune inspira.

"Je sais, que tu as le coeur brisé, que tu te sens brisé. Je le vois quand je te regarde. Et ça me fait mal, parce que même si Farah était une amie incroyable, je ne souhaite à personne de se sentir aussi brisé que je l'ai moi-même été. On est tous des gens brisés, Léo. Mais on n'est pas détruits. Il faut se reconstruire, même si c'est long et que c'est plus facile de tout lâcher et de sombrer. Mais je vais être là pour toi. Je ne peux pas, je ne peux pas laisser quelqu'un se détruire sous mes yeux comme je l'ai été.

- J'ai pas besoin de ton aide, la repoussa Léo, mais sans conviction.

- T'as pas besoin de faire semblant, tenta de le rassurer Thylane.

- Je sais pas ce qui t'est arrivé, mais arrête de penser que parce que t'as été blessée, tu peux cerner tout le monde. Tu... T'as aucune idée de ce que je ressens. Elle est morte, et par ma faute."

Thylane ouvrit la bouche pour le contredire mais elle se tut. Ce serait mentir de dire que Léo n'était pas en grande partie responsable de la descende aux enfers de Farah. Mais aujourd'hui, il avait besoin d'être rassuré. Peu importe ce qu'il disait, Thylane pouvait ressentir sa douleur juste en le regardant.

"Ca me tue de dire ça, mais ce n'est pas la fin du monde."

Léo ne l'écoutait même plus. Complètement défoncé, il avait un regard vide. Thylane fronça les sourcils, elle commençait à s'énerver malgré elle. Léo avait besoin qu'on lui parle dans un langage qu'il connaissait bien.

"Putain, Léo, mais réveille-toi ! Qu'est-ce que t'es en train de foutre de ta vie ? T'es jamais en cours, t'es toujours défoncé, personne ne sait trop ce que tu deviens, t'es devenu un putain de fantôme. Tu comptes aller où comme ça ? Tu vas finir dans un centre de désintox, si on te retrouve pas ivre mort d'ici là. Ouvre les yeux ! C'est pas comme ça que tu te sentiras mieux, même si t'as l'impression de planer et de tout oublier pendant quelques heures. Tu dis que tu fais le deuil de Farah ? Mais tu crois que Farah serait contente de voir que t'es devenu un mort-vivant ? T'as pas pu la rendre fière quand elle était là. Alors putain, honore sa mémoire, bouge-toi ! Fais quelque chose, va en cours, ou travaille, ou travaille sur toi, mais arrête de broyer son souvenir. Si elle était à ta place, elle se serait déjà relevée plus forte des leçons qu'elle aurait apprise."

Léo l'écoutait enfin, même s'il avait toujours cet air perdu. Thylane s'efforça de peser ses mots.

"La vie est précieuse, Léo. Je pense que chacun de nous l'a compris en voyant ce qui est arrivé à Farah. Si on se laisse porter par ce qui va mal, notre vie va nous filer sous les doigts. Et on peut pas se permettre de la gâcher. Pas alors qu'on est seulement à un cinquième de notre vie et qu'il nous reste encore tellement de trucs à accomplir."

Thylane prit le visage de Léo entre ses mains. Son regard avait changé. Toujours embrumé, mais moins sombre.

"Désolée d'être brutale. Je crois que...

- C'est ce que j'ai besoin d'entendre, la coupa t-il. Je... Bah, merci."

Thylane hocha la tête puis elle prit le portable de Léo pour composer le numéro de ses parents. Ils ne répondirent pas, alors Thylane conceva.

"Bon, tu vas dormir chez moi. On a une chambre d'amis. Demain, tout sera plus clair; on en reparlera."

Léo hocha la tête. Il avait soudain l'air tellement fragile, comme si un claquement de doigts trop fort était susceptible de le briser. Mais Thylane trouvait cette position de faiblesse pus rassurante que celle du vide. Léo acceptait sa situation. Et elle se jura de rester à ses côtés pour l'aider.

Il y avait eu trop de souffrances. Chacun d'eux méritait d'être en paix.

Elle prit la main de Léo.

"Je reste avec toi, et je vais veiller sur toi. Tu n'est plus seul. On est ensemble."

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top