Chapitre 29 : Quand tout s'effondre
"Tu as vu Farah ? demanda Olenka à Lili."
Olenka avait dit bonjour à Farah mais elle avait ensuite passé sa soirée avec Matth. Elle avait beau chercher depuis une bonne dizaine de minutes, impossible de mettre la main sur la brune.
Lili fronça les sourcils.
"Non, je l'ai pas vue. J'étais avec les filles. T'es sûre qu'elle est pas avec Léo ?
- Je l'ai vu tout à l'heure, il était pas avec elle. Attends, Matth m'a dit qu'il allait rejoindre Léo à la piscine. Il doit être là-bas.
- Bon, tu m'inquiètes, avoua Lili. Je viens avec toi. J'ai jamais un bon pressentiment en ce qui concerne Farah et Léo."
Olenka se retrouva donc à cheminer avec celle qui avait été sa pire ennemie. Mais elle était l'une des plus proches amies de Farah, Olenka n'avait pas le choix. Elle était prête à mettre ses rancœurs de côté.
Elles se rendirent donc à la piscine et Olenka se dirigea aussitôt vers Léo, qui était en train de parler à Alban et Matth. Farah n'était pas là. La blonde remarqua vite que Léo - surprise - était bourré et elle le frappa derrière la tête pour attirer son attention.
"Où est Farah ? cria t-elle.
- Farah ? répéta Léo, perdu."
Soudain, son visage se déforma par l'inquiétude. Olenka avait la furieuse envie de claquer cet abruti de Léo. Il était l'être humain le plus insupportable du monde, avec sa tête faussement innocente et terriblement agaçante. En plus, il rendait Farah malheureuse. Fumier.
"On t'a posé une question, abruti, s'énerva Lili, plus impatiente que jamais.
- Je l'ai vue, dans le salon, il y a une heure...
- Et après, il a embrassé Carole ! s'écria un de ses potes en riant.
- Quoi ?!"
Le cri de Lili, Olenka et Matth fut unanime. Lili attrapa la tête de Léo et cria :
"Tu as fait quoi, fils de pute ? Cette fille pourrait crever pour toi et tu vas embrasser d'autres gens ? Mais qu'est-ce qui va pas dans ton putain de crâne ?!
- Calme-toi, se défendit Léo. C'était un jeu. Carole a quitté son copain il y a deux jours donc elle demande à tout le monde de l'embrasser, un truc comme ça.
- Farah t'a vu ? l'interrompit Olenka, plus inquiète que énervée.
- Je... J'en sais rien. Peut-être, j'ai pas fait gaffe, c'était un jeu... Elle est où, merde ?"
*
Lili se retint de l'insulter de tous les noms et échangea un regard inquiet avec Olenka. Elles avaient un terrible pressentiment. Lili lui prit la main pour sortir de la pièce.
"Et si Farah les avait vus, sans savoir que c'était un jeu ? Je lui ai parlé il y a deux jours, elle est fragile, psychologiquement, je veux dire. Elle m'a limite embrouillée parce que je lui disais de se méfier de Léo. J'ai peur qu'elle fasse une connerie. Oh, putain, pourquoi je suis pas restée à côté d'elle...
- Calme-toi, on va la trouver, la rassura Olenka, alors que son coeur semblait à deux doigts de lâcher."
Olenka alla voir Matth et lui chuchota quelque chose. Le brun hocha la tête. Olenka se dépêcha de revenir et elle expliqua :
"J'ai dit à Matth de surveiller cet abruti de Léo. Viens, on va chercher Farah. Je vais aller prévenir Zoé.
- Et moi Anna. On se retrouve dans 2 minutes à l'entrée, on sera plus nombreuses. Si elle est pas là, elle a dû se barrer de la maison."
Lili trouva rapidement Anna, qui rigolait avec ses amis. Elle la prit à part et lui expliqua rapidement la situation. Anna écarquilla les yeux avec horreur. Farah était son amie d'enfance.
Olenka les rejoignit, Zoé à ses côtés. Heureusement, il n'y eut aucune tension entre les deux ex Anna et Zoé. Elles mirent leurs sentiments de leur côté et se dépêchèrent de partir dehors. L'ancienne bande était de retour.
"Bon, fit Lili. On est dans un cul-de-sac, on va juste tout droit puis on va se séparer. Avec un peu de chance, elle est pas loin, sur un banc ou un truc du genre, peut-être. Merde, j'ai peur."
Les adolescentes acquiesçèrent et se mirent à courir en criant le nom de Farah. L'alcool que Lili avait bu la poussait à espérer qu'elle n'était pas allée loin, voire même qu'elle s'était cachée dans un endroit incongru dans la maison.
Les filles se séparèrent, et leurs cris continuèrent de raisonner. Lili était à deux doigts d'appeler la police mais elle se retenait, elle se laissait une heure pour retrouver son amie. Elle arriva à une intersection avec un stop. Alors qu'elle continuait de courir, elle vit une masse sombre sur le sol à la route à sa gauche.
Lili s'approcha.
Non, non. Réveille-toi, putain de merde. C'est un cauchemar.
Elle avança de deux pas pour mieux distinguer.
Et puis elle s'entendit hurler.
*
Sam fut réveillé par un appel en pleine nuit, et il se maudit d'avoir oublié de mettre son téléphone en mode avion. Alors qu'il s'apprêtait à éteindre l'objet parasite, le nom qui s'afficha à l'écran le fit tilter. Olenka. Il inspira un bon coup. Il avait retrouvé son amitié avec la blonde il y avait peu, il ne pouvait pas l'ignorer, il devait être là pour elle. Elle ne l'appelait pas en pleine nuit pour parler de la pluie et du beau temps ; et même si c'était le cas, il se devait d'être là pour elle. Tout groggy, il décrocha en bâillant.
"Allô ?
- Sam, s'il-te-plaît, viens à l'hôpital... C'est Farah, elle a eu un accident... Je suis avec les filles elles sont en train de péter un plomb, j'ai besoin de toi..."
Sam fronça les sourcils. Il ne comprenait rien. Comment ça, hôpital, accident, Farah ? Qu'est-ce qu'il lui était arrivé de si important pour que Olenka lui demande de venir ? Si la blonde n'avait pas été en train de sangloter derrière l'appel, Sam aurait trouvé une excuse pour rester dans son lit. Mais il ressentit au plus profond de lui qu'il devait absolument rejoindre son amie.
Sam raccrocha et s'habilla rapidement. Il sortit silencieusement de la maison et prit la voiture de sa mère, le coeur battant. Quelque chose de très grave était en train de se passer, il le sentait.
Il arriva à l'hôpital. Alors qu'il se dépêchait de rejoindre l'entrée, il vit que Olenka était postée à l'entrée. Elle était en train de pleurer, grelottant de froid. Sam se précipita vers elle et la prit dans ses bras. Ni une ni deux, il retira son manteau et couvrit son amie avec. Olenka avait le visage ruisselant de larmes.
"Qu'est-ce qu'il s'est passé ? demanda Sam.
- Je comprends pas, ça peut pas être réel... On était en soirée et Farah s'est barrée, parce qu'elle a vu ce sale chien de Léo embrasser une autre fille pour rire. On est parties la chercher... Elle s'est faite renverser par une voiture."
Olenka recommença à pleurer et Sam ne put que la serrer encore plus dans ses bras, alors que son cerveau accumulait ces informations. Farah était-elle... Morte ?
"Ça va aller. C'est une guerrière, elle va s'en remettre, tenta de la rassurer Sam, alors qu'il n'avait aucune idée de l'état dans lequel se trouvait.
- Tu comprends pas... Elle était seule et pas bien ces derniers temps, on n'a pas su être là pour elle. Elle... Comme si son âme était déjà morte...
- N'importe quoi, Olenka, et ne commence pas à t'en vouloir. Tout va bien se passer, Farah va se réveiller et vous allez être là pour elle, ok ?"
Olenka se tut, et Sam comprit à son visage qu'elle n'avait plus espoir. La blonde finit par souffler :
"Lili est à l'intérieur, si tu veux aller la voir. J'ai besoin de rester un peu seule."
Sam acquiesça lentement. Il devait aller voir Lili, il le savait. La blonde était une amie très proche de Farah, elle avait besoin de soutien. Même s'ils s'étaient mis d'accord pour avancer chacun séparément, Sam lui devait au moins ça. Il caressa l'épaule d'Olenka et la laissa tranquille, avant de pénétrer dans l'hôpital.
Il entendit un cri et le suivit ; il était quasiment sûr d'avoir reconnu Anna. Soudain, il aperçut Anna, Zoé et Lili qui étaient assises en train d'attendre. Il ne réalisait toujours pas ce qui s'était passé et il rejoignit les filles. Zoé était en train de caresser le dos d'Anna qui ne s'arrêtait pas de pleurer, elle avait l'air bien bourrée. En face, Lili observait la scène avec des yeux vides, totalement inexpressifs.
Et puis elle remarqua Sam. Son visage se déforma alors sous l'inquiétude, comme si face à lui, elle s'autorisait à ressentir. Sam n'hésita pas un instant et prit Lili dans ses bras.
"Ça va aller, chuchota Sam.
- Et si elle meurt ? souffla Lili."
Sam sentit son coeur se briser en voyant les yeux bleus de Lili se remplir de larmes. Lili était forte et pétillante, Sam n'arrivait pas à la voir triste et abattue. Il prit le visage de Lili entre ses mains et murmura :
"Je suis là. Tout va s'arranger. Je t'aime, Lili, je suis avec toi."
Lili ne répondit rien et posa sa tête contre l'épaule de Sam. Le rouquin soupira. C'était un cauchemar.
Peut-être quelques minutes ou quelques heures plus tard, un médecin s'approcha vers eux. C'était l'heure. Sam serra la main de Lili de toutes ses forces.
*
Léo se réveilla avec une horrible migraine. Bonjour, gueule de bois. Il se refusa à ouvrir les yeux e voulut se rendormir. Il n'avait que de très vagues souvenirs de la soirée qu'il avait passée.
"Léo, réveille-toi."
Léo fronça les sourcils et ouvrit les yeux. Matth était assis sur le bord du lit dans lequel il dormait. Le blond était en train d'immerger mais il remarqua bien vite l'air sombre de Matth. Soudain, il se rappela. Les filles paniquées qui cherchaient Farah, les potes qui rigolaient en confirmant qu'ils avaient vu Farah voir Léo embrasser Carole, Léo qui commençait à s'inquiéter et recommençait à boire, puis Matth qui le forçait à aller se coucher car il était en train de péter un câble mais qu'il n'arrivait même pas à tenir de bout.
Comment j'en suis arrivé à ce stade ?
"Viens, l'intima Matth en lui faisant signe de le suivre.
- Je peux pas me lever, grogna Léo.
- Ramène-toi maintenant, Léo, c'est sérieux."
Léo grommela des mots inaudibles et se força à se lever pour suivre Matth. Sa tête lui faisait horriblement mal, sans parler de son foie qui avait clairement besoin d'une bonne désintox. Matth s'était posé au balcon, il était en train de fumer une clope. Ce qui était beaucoup trop inhabituel pour que la situation soit clean. Léo, qui commençait réellement à se réveiller, eut un frisson d'inquiétude.
"Qu'est-ce qu'il y a ? demanda t-il en maudissant sa voix tremblante, il n'était plus sûr de vouloir savoir."
Matth tira sur sa clope quelques fois avant de répondre. Léo n'en pouvait plus, il s'était couché avec les idées en vrac et en avait marre de tourner autour du pot.
"Je te parle, merde. Y'a quoi ?"
Matth tourna vers lui un visage tiraillé, à la fois plein de mépris mais plein de tristesse. Et puis il lâcha :
"Farah s'est faite renverser par une voiture cette nuit."
Léo fixa Matth pendant plusieurs secondes. Son cerveau refusait d'entendre l'information. Soit il hallucinait, soit Matth plaisantait. Et puis le brun l'acheva.
"Elle est morte."
Léo ouvrit la bouche. Ses yeux clignaient, ses sourcils se fronçaient, son coeur battait.
"Non, c'est pas possible, murmura t-il en fermant les yeux."
Matth le regardait désormais avec un air plein de pitié. Léo sentit tous ses sentiments remonter d'un coup et il se mit à hurler.
"C'est pas possible, putain de merde ! Matth, dis quelque chose ! C'est pas possible !"
Matth avait détourné le regard.
Léo sentit qu'il perdait le contrôle et il s'assit brutalement contre le mur. Il prit sa tête qui menaçait d'exploser entre ses mains et se força à se calmer. Ce n'était pas possible, ça n'arrivait qu'aux autres, que dans lesfilms. Farah était trop belle, trop forte, elle ne pouvait pas partir comme ça, sans lui dire au revoir, elle ne pouvait pas partir si jeune alors qu'elle avait encore tant à accomplir et à apporter. Il avait besoin d'elle, il avait besoin de sa présence, de ses crises, de son sourire, de son parfum, de sa chaleur, de son amour, de son intelligence, de sa douceur.
Pourquoi avait-il mis autant de temps à se rendre compte ?
Léo l'aimait, il le savait, maintenant. Il n'avait jamais connu l'amour, alors il s'était persuadé qu'elle n'était qu'une relation de plus, pour se protéger. Mais il l'aimait, il l'aimait...
Matth quitta la balcon et le laissa seul. Léo se mit à pleurer.
*
Thylane était dans le train. Les écouteurs vissés dans les oreilles, elle regardait le paysage défiler. Elle se rendait à Lyon, prête à affronter tous ses démons. Cela faisait une semaine qu'elle avait préparé son plan.
Le soutien de sa mère lui avait redonné une rage de vaincre et de confrontation. Elle avait donc décidé de retourner à Lyon et de confronter Antoine, son bourreau, son violeur. Elle ne savait pas encore à quelle sauce elle allait agrémenter sa vengeance, mais elle s'assurerait qu'il souffre. Elle se sentait plus forte que jamais, rien ne pourrait l'arrêter.
Elle n'avait pas eu de mal à retrouver sa trace. Elle avait d'abord recontacté Leila et Suzanne, car les deux le connaissait. Elle ne savait pas à quoi s'attendre en reparlant à ces deux filles qui l'avaient abandonnée. Elles semblaient avoir évolué, car au téléphone, elles s'étaient excusées d'avoir disparu et avaient dit qu'elles s'en voulaient énormément. Honnêtement, Thylane ne s'était pas trop préoccupée de savoir si elles étaient sincères. Elle leur avait souhaité le meilleur, car elle n'avait plus de rancoeur envers les deux, et leur avait demandé l'adresse de Antoine. Leila avait un ami proche qui connaissait bien Antoine et la lui avait donc transmise, en lui demandant tout de même ce qu'elle allait faire. Mais Thylane ne savait pas elle-même.
Tout ce qu'elle savait, c'était qu'elle avait besoin de cette confrontation. Elle se sentait empoisonnée par le poids d'avoir toujours fui son agresseur. Si elle le confrontait une bonne fois pour toutes, elle était persuadée qu'elle réussirait à aller mieux. Peut-être qu'elle irait à la police, après, elle n'en savait rien. Il fallait juste qu'elle affronte la vérité. Chaque personne vivait différemment un traumatisme, elle cherchait juste à apprendre à vaincre le sien.
Thylane arriva à Lyon dans la matinée. Elle ne savait pas trop comment tout cela allait se dérouler. Au cas où, Leila avait dit qu'elle pourrait l'héberger si elle comptait rester plusieurs jours. Thylane avait aussi pris pas mal d'argent, elle ne savait pas trop ce qui allait se passer. Dans l'idéal, elle confrontait Loup dans la journée, adviendrait ce qui adviendrait, puis elle retournerait à Toulouse en laissant pour de bon Lyon derrière elle. Cette ville ne lui rappelait plus aucun bon souvenir.
Elle connaissait bien le quartier où vivait Antoine. Elle irait manger dans le Macdo du coin puis elle se poserait à l'arrêt de bus à côté de chez lui. Dans l'idée, il passerait forcément par là. Sinon, elle aviserait.
Thylane prit le bus. Il était bondé. Elle ne put s'empêcher de se sentir en danger. Lyon ne lui inspirait que de la peur. Est-ce qu'elle était condamnée à cette vie ? Être terrifiée par les espaces publiques, grouillant de personnes qui pouvaient s'avérer être les pires criminelles ? Elle inspira un bon coup pour se calmer et sortit son téléphone. Le lycée avait envoyé un mail pour dire qu'il n'y aurait pas cours durant les deux prochains jours. Thylane ne lut pas le mail en entier, elle s'en foutait, elle s'occuperait de ça plus tard.
Une fois arrivée dans le quartier, elle alla chercher à manger et puis elle attendit. Elle n'allait pas mentir, elle ressentait une boule d'angoisse. Elle n'était pas sûre de ce qu'elle s'apprêtait à faire, tout ce qu'elle savait, c'était qu'elle en avait besoin pour tourner la page.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top