Chapitre 11 : Lili

Lili s'observa dans le miroir avec fierté, éternelle routine avant qu'elle ne sorte de chez elle. Un trait de liner pour rehausser ses yeux bleus, un gloss pêche, des boucles blondes volumineuses et un crop top qui mettait en valeur son corps de folie ; elle était parfaite. Du moins, elle tenta de se le répéter pour que son cerveau l'imprime. Un jour, cette pensée reviendrait naturellement, comme avant. Comme avant.

Une voiture klaxonna à l'extérieur et elle soupira. Comme d'habitude, elle était en retard et Léo, beaucoup trop en avance. Elle jeta un coup d'œil par la fenêtre et vit que la voiture était déjà quasiment pleine ; tout le monde l'attendait. Le meilleur pour la fin, se dit-elle pour se sentir mieux. Elle fourra son starter pack de soirée dans un sac noir en faux cuir et sortit de chez elle sans prévenir ses parents. Ils ne faisaient plus attention à ses sorties, et cela convenait très bien à Lili.

Elle n'avait jamais été proche de ses parents. Pourtant, ils étaient loin d'être horribles, elle le savait très bien et ne pouvait donc pas s'en plaindre. Mais simplement... Il y avait comme une étrange gêne entre eux. Il n'y avait jamais eu ce lien si fusionnel de parenté. Lili avait l'impression de faire face à des inconnus. Ses parents étaient depuis toujours installés dans leur petite routine et ne cherchaient pas vraiment à créer de lien spécial avec Lili. Qu'est-ce que j'en ai à faire, de toute façon ? Je n'ai jamais besoin de personne.

La gorge de Lili s'assécha. Comme à chaque fois que ce genre de pensées la traversaient. Parce que tout la ramenait à ça. Elle se mentait à elle-même ; quelques mois auparavant, elle avait eu besoin d'eux. Elle aurait eu besoin d'une épaule pour la soutenir et lui rappeler qu'elle était forte. Lili avait sombré seule et avait bien cru qu'elle ne s'en sortirait jamais.

C'est du passé. Avec un regain de détermination, elle sortit de chez elle. Elle était bien décidée à profiter de cette soirée à fond. Une petite cuite ne pourrait pas lui faire de mal. Tout sourire, elle rentra dans la voiture de Léo, qui klaxonnait d'un air enjoué.

« C'est pas trop tôt ! râla Anna, assise à côté de Lili. »

Ils étaient littéralement assises à quatre sur des places de trois. Farah n'habitait pas loin, il y avait peu de chances de croiser les flics, de toute façon. Mais Lili ne put s'empêcher de demander :

« T'es sobre, Léo ? T'as l'air tout excité, là.
- J'ai bu quelques bières, mais c'est rien, mon organisme ne ressent même plus les effets, rit-il.
- T'es inconscient, lui reprocha Matth.
- Arrête de pleurer, si t'as peur, casse-toi, pesta Léo, qui ne mâchait pas ses mots quand il était éméché. »

Matth leva les yeux au ciel et Lili remarqua qu'il avait une bière à la main. Qu'en fait, tous les passagers avaient une bière.

« C'était dans la voiture le before ou quoi ? Sans attendre de réponse, Lili clama : Je veux une bière aussi !
- J'en connais une qui veut se mettre une grosse mine, rigola Léo. »

A ce moment, Matth se tourna vers Lili et la fixa de son regard brûlant. Alors que l'atmosphère devenait électrique, il lâcha avec dédain :

« Tu n'apprendras jamais, hein ? »

Lili se pinça les lèvres. Il faisait référence au fait qu'ils avaient couché ensemble alors qu'ils étaient déjà en couple en étant bourrés. Il n'en a pas marre de ressasser le putain de passé ? Lili porta la bière à sa bouche, avant de répondre d'un ton mielleux :

« De quoi ? Que les gens bourrés trompent leurs copines et couchent avec n'importe qui ? »

Et Il y eut un lourd silence pesant qui s'installa dans la voiture. Anna et les deux autres amis de Léo échangèrent un regard terriblement gêné alors que Léo parut soudain très concentré sur la route. Matth se contenta de secoua la tête en l'ignorant.

Léo brisa tout de meme le silence ;

« Sérieux, on dirait deux vieux qui ressassent sans arrêt le passé, arrêtez de faire avec une histoire qui date comme ça. Vous avez couché ensemble, vous vous êtes fait largués, point.
- Moi, je m'en bas les couilles, affirma Lili. C'est Matth qui je s'en remet pas. Pauvre chou, il a perdu sa belle princesse Olenka. Oh mais d'ailleurs, elle veut ce soir non ? »

En pleine lancée, Lili s'approcha de Matth pour ajouter dans un air cruel :

« Tu feras gaffe de ne pas la faire fuir, cette fois. Vu que c'est tout ce que t'as réussi à faire.
- Lili, y'a gueule, l'arrêta Léo d'un air simple mais sérieux.
- Je dis juste la vérité, se renfrogna Lili en s'enfonçant dans son siège avec un petit sourire triomphal. »

Avec du recul, c'était terrible, ce nouveau besoin d'écraser les autres pour se sentir supérieure. Mais en l'occurrence, en ce moment, c'était tout ce qui fonctionnait. La bande de potes recommença à discuter comme si de rien n'était et étonnamment, ils arrivèrent sains et saufs chez Farah.

Plusieurs heures plus tard, la soirée battait son plein. Comme à son habitude, Lili enchaînait les verres, persuadée d'en avoir besoin pour se sentir mieux. Elle se déhanchait sur la piste avec ses potes, vivant littéralement sa meilleure vie. Elle chantait à tue-tête les musiques des années 2000 et sa tête tournait tant qu'elle sentait à peine son corps bouger. Elle sentait bien des gens lui parler, d'autres l'approcher, mais c'était à peine si elle leur prêtait attention. Elle avait retrouvé sa bulle d'inconscience et de plénitude. Parce que, c'était triste à dire, mais elle avait désormais besoin d'alcool dans le sang pour se sentir bien. Oublier ses problèmes, ce mal-être grandissant qui commençait à la bouffer.

Cette simple pensée valait bien un verre de plus.

Complètement arrachée, Lili se fraya un passage dans la cohorte. Les gens la bousculèrent et elle se retint de les insulter, outrée. Qui osait déranger princesse Lili ? Déjà qu'ils n'avaient pas déplier de tapis rouge à son effigie...

Lili parcourut de son regard vague les buffet sur lequel trônait les bouteilles vides. Elle remarqua avec satisfaction un petit reste de vodka et le descendit d'une traite, sans même le diluer. Ce verre lui dit tourner la tête encore un peu plus mais lui donna surtout envie de boire encore un peu. Lili attrapa une nouvelle bouteille et l'ouvrit de ses mains maladroites, un sourire gaga aux lèvres. Elle vivait sa meilleure vie. Je vis ma meilleure vie. Je vis ma meilleure vie. Encore un peu d'alcool...

Elle se resservit et sentit qu'elle commençait à être vraiment bourrée. Bourrée du genre où elle ne contrôlait plus ses actes. Et soudain, quelqu'un eut le malheur de lui arracher la bouteille des mains.

Enragée, Lili se retourna, prête à taper une crise d'hystérie. Elle avait besoin de cet alcool. Et puis elle remarqua celui qui avait pris la bouteille. Son cerveau se vida d'une traite et elle se retrouva à assister à une propre scène à laquelle elle n'appartenait plus.

Sam. Sam, Sam. Qu'est-ce qu'il faisait là, putain de merde ? Est-ce que c'était une hallucination ? Est-ce qu'elle était en train de délirer total ? Quelqu'un l'avait droguée ?

Sam l'observait de ses yeux émeraudes qui avaient ce maudit don de la faire frémir de tout son être. L'espace d'un moment, Lili eut l'impression de se retrouver de nouveau seule avec Sam, sans plus personne autour pour leur polluer l'air. Et puis un détail lui sauta aux yeux.

Thylane. Thylane, cette maudite Thylane, postée derrière Sam, observant la scène de son regard placide, presque agacé. Elle avait posé la main sur l'épaule de Sam. Elle avait un contact avec Sam, et ce, sous les yeux de Lili.

Il n'en fallut pas plus à la blonde pour vriller.

« Passe-moi ça ! Tu veux quoi, putain ? »

Sa voix était déformée et lente, mais transpirait la haine, voire une certaine tristesse. Lili avait des flashs du passé. Ceux où elle se revoyait avec Sam, heureuse comme elle ne l'avait jamais été.

Et puis les autres. Les plus sombres. Ceux où elle était seule et au fond du gouffre. Abandonnée par ce putain de rouquin qui lui faisait désormais face.

Lili tenta de rattraper la bouteille mais Sam l'en empêcha encore.

« Qu'est-ce qui t'arrives ? demanda t-il, comme perturbé.
- Passe cette putain de bouteille. »

L'air hagard, Lili fixait Sam d'un air impassible, soudain dénué de toute émotion. Elle passait d'un sentiment à l'autre, se sentait complètement vidée. Qu'est ce qu'il m'arrive ?

« Lili, calme-toi, souffla Sam à travers la musique retentissante. Viens, on va prendre l'air. »

Sam lui saisit doucement le poignet et l'emmena dehors, sous le regard éberlué de Lili, mais aussi de Thylane. La blonde se contenta de suivre le rouquin, complémente retournée par cette situation improbable. Sam ? Lui parlait ? Prenait la main ? Après ces mois d'ignorance ? Qu'est-ce qu'il se passait ?!

« Qu'est ce que tu fais la ? ne put-elle s'empêcher de demander.
- On passait juste ici avec... commença t-il avant de s'arrêter, hésitant. »

Thylane. Lili s'efforça de ne pas se concentrer sur ce détail. Elle se retrouvait enfin face à face avec Sam, et même si une partie d'elle le haïssait du plus profond de son être, l'autre frétillait d'une excitation nouvelle. Comme si une flamme s'était rallumée en elle. Ça doit être à cause de l'alcool. Voilà, ça décuple les émotions.

« Mais bref, reprit Sam. Lili, qu'est-ce qui t'arrives ? T'as l'air... »

Il fit une pause.

« Différente.
- Ça t'intéresse ? cracha t-elle. »

Elle ne pouvait s'en empêcher. Elle en avait, du venin à cracher, de sa colère refoulée. Même si ce n'était pas le moment.

« Ok, ok... Lili, à ce sujet, je veux que tu saches... Je sais que c'est tard, mais désolé pour la façon dont ça s'est fini. Je me suis barré, et même si c'est juste que je me suis écouté et que j'en avais besoin, j'ai pas pensé à toi. »

Lili cligna des yeux. Il s'excusait ? Que...

« Merci, articula t-elle.
- C'est Farah qui m'a fait prendre conscience. Sérieux, j'avais jamais réalisé que j'avais pu te blesser. Je pensais que tu t'en foutais de moi et que t'allais vite trouver du réconfort ailleurs... Bref, désolé de pas avoir été là, même si j'imagine que t'as vécu ta meilleure vie ces derniers mois. Lili se retint d'éclater de rire. Mais je resterai toujours attaché à toi, tu sais. Et te voir dans cet état, ça m'inquiète. Tu bois trop, t'as l'air complètement ailleurs. »

Lili aurait préféré avoir cette discussion dans d'autres circonstances ; en état de sobriété, par exemple. Maintenant, deux choix s'offraient à elle. Elle pouvait renvoyer bouler Sam, comme la Lili haineuse le souhaitait profondément depuis tout ce temps. Mais elle pouvait aussi accepter ces excuses, qui apaisaient ne serait-ce qu'un peu son cœur endolori. Est-ce que ce serait faire preuve de faiblesse ?

Et puis merde.

Sans réfléchir, Lili se laissa tirer par son cœur et se jeta à corps perdu dans les bras de Sam. A peine l'eut-elle effleurée qu'elle sentit cette douce sensation d'apaisement en elle. C'était fou, ce pouvoir qu'il maintenant sur elle. C'était beau.

« Merci de t'excuser, murmura Lili. »

Et puis, elle ne sût pas vraiment ce qu'il se passa en elle. Comme si tous ces sentiments refoulés resurgissaient brusquement. Et elle chuchota :

« Je t'aime. »

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