La rencontre
"You said you'd never leave me all alone.
My heart is barely beating,
Like a ghost, you haunt me everyday
That you're gone."
The Cab - Lovesick Fool.
Alec, de nos jours...
Silencieux, je la scrute un long moment. Elle semble paralysée par l'image de Brandon dans ce lit d'hôpital, bouleversée. Ses yeux rouges sont noyés de larmes qui ravagent son visage tout entier. Ses longs cheveux bruns et emmêlés tremblent au rythme de ses sanglots, alors que son souffle se saccade. L'une de ses mains se crispe sur le bas de son ventre. L'autre recouvre sa bouche, mais ne parvient pas à dissimuler la culpabilité qui la ronge de l'intérieur. Dans un état second, elle passe devant moi sans me voir. Elle contourne le lit médicalisé, s'effondre sur une chaise semblable à la mienne puis attrape la main de Brandon. Ses lèvres fines se déposent sur la peau pâle du garçon que j'ai cru connaître, et elle fronce les sourcils douloureusement.
Je me suis toujours dit que si un jour je rencontrais cette nana, je l'accablerais. Je lui balancerais toute la rage que je retiens depuis des semaines à la figure, mais maintenant que je l'ai devant moi, je sens quelque chose se briser dans ma poitrine. Comme si la souffrance qui émanait d'elle et de ses gestes, submergés par cette passion que je n'ai vue que dans ses yeux à lui, me faisait comprendre tout ce que je refusais de voir.
L'intensité de leur amour m'explose en pleine face, et ça me serre le cœur. Ça me fracasse de l'intérieur, pourtant je crois que c'est tout ce que je mérite. J'aurais dû écouter Brandon quand il me dépeignait la magie de leurs sourires communs. Si je l'avais cru sur parole, j'aurais su qu'elle l'aimait vraiment. Cette fille, je l'ai haïe avant de la connaître, trop focalisé sur les larmes qui déchiraient la vie de mon pote. Des larmes dont elle était responsable. Des larmes qui nous ont tous conduits ici aujourd'hui. Mais peut-être que j'étais le seul de nous trois à ne pas avoir compris, à ne pas avoir vu que le même sentiment d'impuissance coulait dans leurs veines, les reliait. Parce que cette femme, aussi détestable soit-elle à mes yeux, semble être animée par la même étincelle incontrôlable que lui, comme si ce qui les aimantait était plus fort que tout. Plus fort que leur propre volonté.
— Alors c'est toi, lancé-je d'une intonation à la fois traînante et rocailleuse.
La fille sursaute, lève le nez vers moi et essuie ses joues humides. Ses doigts passent dans ses cheveux pour les attacher en un chignon, mais je la soupçonne de s'occuper les mains pour tenter de se ressaisir avant de me répondre. Elle se racle la gorge, déglutit avec difficulté puis plante enfin son regard sombre dans le mien.
— Excusez-moi, est-ce qu'on se connaît ? s'étonne-t-elle d'une voix enrouée par toutes les larmes qu'elle retient encore.
— Toi non, tu me connais pas. Mais moi je te connais bien.
Son expression interloquée m'arrache un sourire cynique. En temps normal, je prendrais un malin plaisir à la faire languir, à la pousser dans ses retranchements, mais la puissance de ses prunelles et des émotions qui s'en dégagent me retourne trop l'estomac pour que je la torture avec mes conneries.
— J'ai beaucoup entendu parler de toi. De toi et de ton sourire, il paraît qu'il est magnifique.
Elle baisse les yeux vers Brandon, et je hoche la tête sans réfléchir, répondant presque à une question qu'elle ne m'a pas posée. De nouvelles perles salées recouvrent les cernes qui fragilisent son visage éreinté, et elle serre davantage la main du garçon qu'elle aime bien plus que le monde ne le saura jamais.
— Il ne parlait que de toi. Il parlait souvent de la magie qui émanait de toi, de ce bonheur que tu savais lui apporter, de ce talent et de la force qu'il admirait tant chez toi. Trop en fait. J'en avais marre des fois, qu'il me parle de toi. Mais ses yeux brillaient tellement quand ses mots voguaient vers ton souvenir que je le laissais toujours faire. D'ailleurs, au début, j'enviais cette relation que vous aviez. Parce que personne ne m'a jamais aimé aussi fort que ça, personne ne s'est jamais accroché à moi comme si sa vie en dépendait. Personne. Et puis j'ai vite compris qu'il y avait rien d'enviable à sa situation.
Sa mâchoire se crispe. La brune fixe un point invisible derrière moi, mais je ne m'arrête pas. Je ne peux pas m'arrêter, il faut que je lui raconte. Il faut qu'elle sache. Il faut que je décharge ce poids que j'ai sur les épaules. Il faut que je parle à quelqu'un qui peut me répondre. J'ai besoin de tout lâcher, sinon je risque de lui exploser à la figure un jour ou l'autre. Je ne supporte plus de cracher ma peine au corps sans vie de Brandon, et de me bouffer son silence comme seul retour.
— J'ai vite compris qu'il t'aimait bien plus qu'il aurait dû et que l'incertitude le rongeait de l'intérieur. Parce que même si je trouvais sa façon de te décrire magnifique, je te détestais. Je te haïssais du plus profond de mon âme parce que c'était toi qui faisais couler ses larmes tous les soirs. C'était toi qui le poussais à monter sur ce putain de toit et c'est toi qui l'as poussé à sauter. Simplement parce que t'as pas su lui dire que tu l'aimais autant que lui, simplement parce que t'as pas été foutue de lui filer au moins cette certitude-là, simplement parce que t'as eu la trouille.
— Raconte-moi ce qu'il t'a dit. Raconte-moi votre rencontre. Parle-moi de lui, ordonne-t-elle d'un ton sobre.
Je hausse un sourcil, presque choqué par son ton glacial avant de me rendre compte qu'elle a abandonné la main de Brandon pour prendre la mienne et qu'elle sourit tristement. Sans comprendre, je cligne plusieurs fois des yeux alors que deux ruisseaux humides s'éclatent sur mes joues en feu.
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Et voilà, c'est la fin du chapitre 2, encore un chapitre un peu court, mais j'espère qu'il ne l'est pas trop et qu'il vous plait quand même.
Alors, dites-moi un peu ce que vous pensez de la situation et des réactions de chacun maintenant que vous en savez un peu plus. J'ai envie de vous poser plein de questions, mais j'attends que vous connaissiez un peu mieux Alec, Kira et Brandon... j'ai un peu hâte d'avoir vos réactions, en fait, mais je me dis que je dois être patient, moi aussi.
J'espère que celleux qui ont écouté la musique l'ont aimée.
J'espère que l'histoire vous intrigue toujours et que vous serez là pour la suite !
A mercredi les ami·e·s et merci pour votre temps, vos commentaires et vos pluies d'étoiles.
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