L'enfant et le soldat

Elvis Wilson était un militaire.

Un homme d'action qui parcouru terres et mers.

Pourtant, jamais il ne pût s'habituer aux cris de peur ou de colère, aux pleurs, au sang, aux bruits des fusillades, à l'odeur de la poudre, à la violence des combats.

Elvis Wilson était un militaire qui avait la guerre en horreur.

Mais malgré tout, le voilà, une fois de plus, fusil en main. Cette fois-ci, il foule de ses bottes la terre ensanglanté du Vietnam. 

Perdu dans la poussière, dans un petit village comme tant d'autre, il slalome entre les maisons, esquive du mieux qu'il peut les balles, fait tout son possible pour ne pas poser les yeux sur les cadavres des civils. Il fait tout pour survivre.

Mais, malgré lui, son regard balaye les corps des innocents. Des parents qui tentent de protéger leurs enfants, de jeunes adultes, ayant essayé de se défendre, des vieillards, des femmes enceintes, des nouveaux nés, des adolescents.

Elvis ferme les yeux, sachant pertinemment que leurs fantômes viendront le hanter cette nuit.

Quand il ose enfin soulever ses paupières, il se fige.

A quelques pas devant lui, sur le seuil d'une maison, se tient un enfant, une petite fille. En vie.

Immobile, les yeux écarquillés, elle serre contre son coeur la main sans vie d'un jeune garçon, sans doute son grand frère. Trop choquée pour faire quoi que ce soit, elle reste simplement là, murmurant dans sa langue une prière compréhensible d'elle seule.

Un bon soldat, un soldat obéissant, aurait ignoré cette fillette.

Il lui aurait tourné le dos et aurait continué à se battre, sans imaginer une seule seconde qu'elle survivrait.

Mais Elvis Wilson n'était pas un bon soldat.

Son regard d'un bleu pâle croise celui d'un noir sans fond de la petite fille. 

Jour contre nuit. Vie contre mort. Un choix. Un seul.

Le corps du soldat bouge sans qu'il lui ai demandé quoi que ce soit. Il ne se soucie plus des balles qui sifflent au-dessus de sa tête ou du sang qui coule de son épaule. Seule compte cette fillette, perdue, sans famille, sur le champ de bataille.

Cette course pour sauver une vie lui semble durer toute une existence.

Enfin, il atteint la petite fille et la tire à l'intérieur de la maison. Il la détache de son frère et tente de lui parler mais en vain, elle est toujours sous le choc. Elvis est un militaire, il ne sait pas comment réconforter un enfant ou lui faire reprendre ses esprits sous l'effet de la peur, alors, il opte pour l'efficacité : une claque.

La fillette reprend aussitôt conscience et se met à parler, très vite, en vietnamien.

Quand elle voit l'uniforme d'Elvis, elle recule et se plaque contre le mur de la pièce où le militaire l'a entraînée. Il s'approche doucement d'elle. Il ne comprend pas un mot de sa langue et ne veut pas l'effrayer alors, délicatement, il retire sa ceinture contenant son pistolet, et pose toutes ces armes sur le sol. Pour finir, il ôte son casque et le pose doucement sur la tête de la fillette. 

Elle le regarde faire en silence puis, quand il s'écarte, elle tripote nerveusement la lanière du casque trop grand pour elle.

Le soldat entend des voix approcher, des voix familières.

Ce sont ses camarades mais il sait qu'il sera arrêter, voir tué, pour insubordination si ils découvrent la petite fille et il ne sait pas si cette dernière sera épargnée.

Au bord de la panique, il attache sa ceinture à la taille de la fillette et lui resserre son casque avant de la pousser vers ce qu'il suppose être la porte arrière. Fouillant dans ses poches, il en tire un petit dictionnaire de vietnamien et lui crie après avoir tourné quelques pages :

-Rời bỏ! *

Un éclair de compréhension traverse le regard de la petite fille et, après un dernier regard pour son sauveur, elle se met à courir, le casque rebondissant sur sa tête à chacun de ses pas.

Elle ne voit pas Elvis Wilson faire barrage de son corps désarmé après avoir refermé la porte , ni les soldats piétiner les cadavres de sa famille. Elle ne pense qu'à courir, le plus vite, le plus loin possible.

Et elle continuera à courir, à fuir jusqu'à ce que son corps refuse d'avancer, jusqu'à ce qu'elle soit en sécurité. Elle survivra.

Dans la petit maison du village, un militaire, un de plus, est tombé au combat, et il ne se relèvera pas.



*"pars" en vietnamien

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top