Une branche craqua sous le passage d'un félin. La souris qu'il traquait leva la truffe, et s'enfuit, remuant la queue comme pour se moquer du guerrier maladroit.

Un feulement rageur retentit dans les hautes herbes, et un petit chat crème donna un coup de patte rageur dans l'herbe.

- Ce n'est pas juste ! Je l'aurais attrapée, cette souris stupide !

- Oui, mais tu t'es déconcentré trop vite.

Une forme sortit de l'ombre, patte après patte. Il s'agissait d'un imposant chat noir comme la nuit, au museau et aux pattes aussi blancs que la première des neiges. Ses yeux verts luisirent dans la pénombre.

- Nuage de Hêtre, soupira-t-il. Après une lune d'apprentissage, tu n'as toujours pas appris à te concentrer ?

Le petit chat se tapit au sol.

- Je suis vraiment désolé, Patte de Félin miaula-t-il. Je ferais mieux la prochaine fois.

- Je te crois. Dis-moi, que sens-tu ?

Le novice leva la truffe, aux aguets, et s'écria aussitôt :

- Ça sent comme un renard mort depuis une lune ! C'est le Clan de l'Ombre, forcément !

- En effet. Nous sommes juste à côté de la frontière.

Nuage de Hêtre ouvrit les mâchoires, et continua :

- Attends... je sens autre chose !

Patte de Félin, qui avait fait demi-tour, s'immobilisa.

- Quoi donc ?

- C'est encore pire que le Clan de l'Ombre... marmonna l'apprenti. Je n'avais jamais senti ça auparavant !

Le cœur de Patte de Félin se mit à battre la chamade. Nuage de Hêtre connaissait toutes les odeurs de la forêt ! Apprenti depuis à peine une lune, il possédait un des meilleurs odorats du Clan ! Comment pouvait-il ne pas reconnaître un parfum ?

" À moins... que ce ne soit le parfum d'un prédateur ! Un prédateur qu'il n'aie jamais eu à combattre !"

Patte de Félin haleta de terreur. Il n'y avait qu'un seul prédateur que Nuage de Hêtre n'avait jamais vu, et c'était...

- UN BLAIREAU ! hurla Nuage de Hêtre, ses grands yeux ambrés écarquillés par la terreur, devant une immense créature blanche aux rayures noires qui se frayait un passage à travers la végétation. Ses petits yeux noirs luisirent de fureur quand il aperçut les deux chats.

- Sauve-toi ! cracha Patte de Félin, dont le poil noir avait doublé de volume.

- Je ne peux pas te laisser seul ! gémit le jeune félin.

- Si tu ne pars pas maintenant, il te tuera, et moi aussi ! Va chercher de l'aide IMMÉDIATEMENT !

L'apprenti opina, et fila à travers bois, tache mouvante parmi les arbres.

Patte de Félin déglutit péniblement en se retournant pour faire face au blaireau. Les larges épaules de l'animal roulaient sous son pelage rayé, et ses longues griffes labouraient le sol avidement, comme impatientes de les plonger dans la fourrure du guerrier.

Patte de Félin poussa un feulement guerrier, et se jeta sur la créature, crocs découverts. Ses griffes écorchèrent à peine le pelage épais du blaireau tandis qu'il le mordait à la nuque, la puanteur du blaireau le prenant à la gorge.

L'animal rugit de rage, et secoua la tête en tous sens pour se débarrasser du matou, pourtant, malgré les secousses, le guerrier aux pattes blanches tint bon, accroché au cou du blaireau, comme les serres d'un aigle à sa proie.

Soudain, une vive douleur traversa Patte de Félin de part en part : fourbe qu'il était, le blaireau lui avait fait heurter un arbre de plein fouet.

Sous le choc, le jeune guerrier lâcha prise et s'effondra à terre. Le blaireau vint se placer au dessus de lui ; Patte de Félin lui laboura le ventre à grands coups de griffes : il ouvrit des zébrures écarlates sur le pelage du prédateur.

Et la terreur le prit lorsque le blaireau le cloua au sol d'une patte, lui interdisant de bouger d'une longueur de queue de souris.

Patte de Félin cracha furieusement, en vain : le blaireau le tenait parfaitement.

Frissonnant, le jeune guerrier vit descendre vers lui une gueule pleine de crocs acérés, promesses de mort subite.

"Oh, Clan des Étoiles, c'est donc la fin ?"

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