Chapitre 6

Manoir Malefoy — jeudi 1er octobre 1981

Lucius Malefoy n'avait pas oublié la visite de Lily Evans, loin de là. De toute façon, s'il avait voulu l'oublier, sa douce épouse se serait fait un plaisir de le lui rappeler, encore et encore.

Sans compter que l'évènement était particulièrement inhabituel pour être marquant : une des proches de Dumbledore qui venait chez lui, en plein territoire ennemi, pour offrir un genre de trêve...

Il devait avouer qu'il pensait à l'enfant de la prophétie dès qu'il regardait son fils. Il revoyait les deux petits jouer ensemble, sans la moindre hésitation, sans la moindre animosité. Lucius n'aurait jamais imaginé être quelqu'un de sensible ou d'affectif, mais il se surprenait à s'inquiéter pour l'avenir de ces deux enfants innocents. Aussi bien son héritier si précieux que le petit Potter, un gamin sur qui il n'aurait jamais dû poser les yeux en temps normal.

L'homme à qui il avait juré allégeance n'était pas un Maître facile, loin de là. Il était cruel et exigeant, punissant souvent ses fidèles pour leur rappeler leur place... à ses pieds. Il ne faisait jamais de concessions et il avait des idées bien arrêtées.

Cependant, ils le suivaient encore aveuglément, à la fois par peur et parce qu'il était le seul à leur promettre de garder leurs traditions magiques intactes.

À l'origine, Lucius avait suivi les conseils de son père Abraxas. Ce dernier avait été un camarade de classe du seigneur des Ténèbres et à défaut d'être réellement amis, ils avaient créé un genre de groupe politique, rêvant d'un monde magique façonné à leur image. Par la suite, Lord Voldemort avait gagné en puissance et après avoir disparu d'Angleterre quelques années, il était revenu et avait décidé de concrétiser ses rêves d'adolescents.

Abraxas l'avait rejoint, tout comme les autres sangs purs appartenant à son petit groupe à Poudlard. Puis, ils avaient offert l'allégeance de leurs héritiers et les Mangemorts étaient nés.

Bien que fidèle au lord, Lucius était un Serpentard avant tout, ainsi qu'un stratège doué. Aussi, il ne s'était pas précipité immédiatement aux pieds de son Maître pour lui raconter la visite surprise d'une des ennemies principales de leur camp. Ce genre de réaction aurait été puni de plusieurs Doloris et le seigneur des Ténèbres aurait immédiatement attaqué les Potter en représailles, craignant un complot venant de Dumbledore...

Lucius avait donc préféré rassembler un maximum d'informations qui permettraient au mage noir d'envisager la possibilité d'épargner le garçon qu'il désignait comme son ennemi.

Il avait commencé par faire des recherches sur la voyante qui avait prononcé la prophétie qui avait tout déclenché. Il lui avait suffi de quelques conversations par cheminette pour se faire une idée sur le personnage.

Une incapable, obnubilée par les présages de mort, bien souvent trop imbibée au xérès pour se souvenir de ses paroles par la suite. Elle n'avait jamais réussi à trouver de travail stable avant d'être récupérée par Dumbledore dans une taverne.

Parier la vie d'un enfant à naître en croyant les paroles d'une alcoolique notoire était criminel de l'avis de Lucius. Non seulement le vieil homme avait recruté ses petits soldats au sein de Poudlard, parmi les Gryffondor, pour les envoyer en première ligne alors que l'encre de leurs diplômes n'était même pas sèche, mais en plus Dumbledore s'en prenait directement à la génération suivante en désignant un bébé comme son prochain soldat...

Lucius avait longuement préparé son argumentaire, prenant son temps pour ne commettre aucune erreur, décidé à rappeler à son Maître que les enfants magiques étaient sacrés aux yeux des sorciers. En s'en prenant à un bébé, un futur petit sorcier, issu d'une famille sang pur — même si James Potter ne respectait pas ses origines — il ne pourrait que se mettre une partie du monde magique à dos et perdre certains des soutiens qu'il espérait obtenir.

Au contraire, en acceptant d'épargner l'enfant, tout en veillant à ce qu'il soit de son côté, à ce qu'il devienne un allié, il éloignait la menace sans risquer la désapprobation des familles magiques anglaises les plus importantes... De plus, il prouverait à tous qu'il n'avait vraiment peur de rien, et surtout pas d'une fausse prophétie probablement créée de toutes pièces.

Lily Evans — il ne reconnaissait pas son mariage moldu et se refusait à la considérer comme l'épouse de James Potter — devrait probablement accepter un serment inviolable pour garantir qu'elle n'essaierait pas de trahir sa parole ou n'importe quoi d'autre qui assurerait qu'elle ne changerait jamais d'avis. Il avait cependant assez confiance en l'amour qu'elle portait à son fils puisqu'elle n'avait pas hésité à venir jusque chez lui alors qu'elle savait quelle était son allégeance.

Sa tendre épouse interrompit brusquement le cours de ses pensées en s'installant face à lui, le visage lisse de toute expression. Il leva un sourcil interrogatif, devinant qu'il n'allait pas forcément apprécier la conversation. Narcissa ressemblait peut-être à une jolie poupée, mais elle était loin d'être inactive ou inoffensive...

Sa femme soupira puis attaqua, d'une voix sûre, ses yeux gris fixés sur lui.

— Tu devrais appeler Severus et lui parler de la visite que nous avons eue récemment.

Il soupira à son tour avant de grogner, agacé par son expression soudain insupportablement satisfaite. Il était évident que sa douce moitié avait une idée derrière la tête et il craignait de découvrir où elle voulait en venir.

— Pourquoi ferais-je ça ?

Narcissa laissa échapper un ricanement moqueur et se pencha vers lui, ses yeux gris brillant d'amusement.

— Parce que Severus est toujours fou de Lily Evans même si elle a épousé James Potter. Parce qu'il serait ravi de trouver un moyen de la protéger. Et enfin, parce que le seigneur des Ténèbres serait plus facile à convaincre si tu n'étais pas seul à plaider sa cause.

Lucius plissa les yeux et repoussa ses arguments d'un geste brusque.

— Severus a tendance à oublier son cerveau dès qu'il est question de cette fille. Il se précipite comme un foutu Gryffondor et je n'ai certainement pas besoin de ça...

Les deux époux se défièrent un instant du regard, puis Lucius roula des yeux et céda, avec un soupir résigné.

— Très bien. Je vais lui parler. Mais si ça tourne mal, tu en seras l'unique responsable.

Loin d'être perturbée par le ton vindicatif de son mari, Narcissa se leva gracieusement et se pencha vers lui pour déposer un baiser au coin de ses lèvres, l'enveloppant de son parfum capiteux.


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