Chapitre 22

Lily s'en était doutée, parce qu'en dehors d'elle, Severus n'avait plus personne. Sa mère était morte, son père le battait. Il n'avait rien à quoi se raccrocher, rien qui puisse l'aider à espérer un avenir plus souriant pour lui, malgré ses résultats excellents et ses dons naturels en potions. Severus était comme un animal sauvage, tellement craintif qu'il préférait attaquer en premier plutôt que risquer d'être blessé. Ainsi, il apparaissait comme revêche et il n'avait jamais réussi à se faire d'amis en dehors de Lily, que ce soit dans le monde moldu ou dans le monde magique, que ce soit dans sa maison parmi les Serpentard ou dans toute l'école.

Elle, elle avait su voir sous la carapace de ce garçon maussade, vêtu de fripes. Une fois qu'elle avait eu sa confiance, elle avait beaucoup appris avec lui et elle avait su qu'elle n'aurait pas d'ami plus fidèle.

Les gazouillis de Harry la tirèrent de ses pensées et elle soupira, en se levant. Elle passa dans la chambre adjacente — la pièce avait dû être la chambre d'enfant de Severus — et attrapa son petit garçon dans le petit lit qu'elle avait métamorphosé. Elle lui sourit alors que Harry se collait contre elle, profitant d'un moment câlin.

Elle se dirigea vers la cuisine, écoutant Harry babiller en lui répondant de temps à autre, amusée de la volubilité soudaine de son fils.

Lily sursauta violemment en découvrant Severus en train de préparer le déjeuner, surprise de le voir déjà arrivé. Elle l'observa silencieusement alors qu'il terminait de préparer le thé, avec des gestes maîtrisés, comme toujours. Lorsqu'il se tourna vers eux — il avait forcément entendu le discours incompréhensible de Harry — il adressa un bref sourire à Lily, un peu nerveux.
— J'ai eu un message de Lucius hier soir, il m'a demandé de passer avec toi chez lui.

Lily s'obligea à repousser brusquement l'espoir insensé qui brûlait dans sa poitrine et hocha la tête, avant de s'approcher d'un pas décidé de son ami. Elle déposa un bref baiser sur sa joue et il se figea, ses joues rosissant légèrement. Puis, avec un sourire mutin, elle lui déposa Harry dans les bras pour qu'elle puisse préparer le biberon de son fils.

Severus se tendit, mais il assura sa prise sur le bambin en le fixant. Loin d'être effrayé — Harry avait toujours été sociable après tout — le petit garçon dévisagea l'homme longuement puis il lui adressa une fois de plus un large sourire comme s'il se souvenait de lui et il commença à jouer avec les boutons de sa robe de potionniste — qui décidément le fascinaient — tout en babillant à son intention.


Amusée, Lily tendit le biberon à Severus avec un rictus moqueur.
— Je pense que tu devrais t'en sortir, non ?
— Lily...
Elle le fixa juste de son regard vert et il abdiqua avec un sourire crispé et résigné. Elle avait toujours réussi à faire ce qu'elle voulait de lui et ne semblait pas avoir perdu cette capacité.

Harry attrapa le biberon d'une main potelée, aidé par Severus, et se mit à boire goulument en se calant contre le torse de Severus avec un soupir satisfait. Lily commença à boire son thé en les observant.
Elle avait un petit pincement au cœur en pensant à James, mais elle n'arrivait pas à regretter de l'avoir quitté et d'avoir éloigné Harry de lui. James voulait faire de son fils un héros, un personnage de premier plan. C'était peut-être ses origines sang-pur — après tout il avait été lui-même particulièrement prétentieux à une époque — mais elle était certaine de ne pas vouloir infliger ce genre de choses à son enfant.

Finalement, Harry termina de manger avec un soupir repu et se laissa aller contre Severus en papillonnant des yeux. Ce dernier observait l'enfant avec une expression illisible, sans pour autant montrer autant de rejet qu'à leur première rencontre. Lily termina tranquillement sa tasse de thé et se leva pour récupérer son fils avec un sourire amusé.
— Tu vois, Severus, tu te débrouilles très bien.


Le Maître des potions lui jeta un regard suspicieux, pensant qu'elle se moquait de lui, mais Lily semblait sincère, les yeux brillants. Elle souriait tranquillement, sans prendre ombrage de son visage fermé.
Il se détendit légèrement alors qu'elle quittait la pièce en l'informant qu'ils seraient prêts rapidement.


Quelque chose se développa dans la poitrine de Severus, une émotion trouble qu'il ne parvenait pas à identifier.
L'espace d'un instant, il avait oublié que Lily n'était pas à lui et qu'elle ne le serait jamais. Il avait oublié que le bambin souriant et amical était le fils de James Potter, celui qui l'avait harcelé toute sa scolarité.

L'espace d'un instant, il avait eu la vision de ce que pourrait être sa vie s'il n'était pas si solitaire et si renfermé, s'il n'avait pas eu la marque pour salir son bras.

Manoir Malefoy — samedi 17 octobre 1981


Lorsqu'ils arrivèrent au Manoir Malefoy, Lily sentit son cœur accélérer, incapable de se maîtriser. La première fois qu'elle était venue, elle était désespérée et elle tentait le tout pour le tout.
Elle ne pensait pas être écoutée, elle ne pensait pas avoir la moindre chance de toucher le cœur de glace de Lucius Malefoy. Elle voulait en quelque sorte pouvoir se dire qu'elle avait tout essayé pour sauver son fils.

Et puis d'un coup, toute sa vie basculait sur son axe, et voilà qu'elle revenait au Manoir Malefoy pour savoir ce qu'il allait advenir de sa famille...

Severus sembla sentir son trouble puisqu'il posa la main sur son épaule, réconfortant tout en hésitant à la toucher. Quand elle tourna la tête vers lui, il voulut reculer, mais elle l'en empêcha avec un sourire doux, acceptant son geste. Immédiatement, Harry sourit à Severus et tendit les bras vers lui.

Le maître des potions cligna des yeux, un peu surpris de tant d'enthousiasme. Il se contenta de passer rapidement la main dans les cheveux en bataille du gamin récoltant un petit cri de joie. Mal à l'aise, il se détourna pour frapper à la porte du Manoir.

Ils n'eurent pas à attendre, un elfe leur ouvrit immédiatement et les fit entrer, les conduisant à son maître.


Lily déglutit et prit une grande inspiration, se forçant à se détendre en se souvenant qu'elle n'était pas en territoire ennemi. Pas totalement. Elle essayait de se rassurer en se disant qu'au moins elle serait fixée sur son sort.


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