Chapitre 5 : sentiments inhumains
-Saisissez-les ! S'écria un des homme.
Et tous se jetèrent sur Féline et Chasseur. Le jeune homme en repoussa un et en frappa un autre. La jeune femme esquiva deux d'entre eux, frappa l'un à la tête avec son pied et l'autre à la poitrine avec une de ses deux armes mortelles qu'elle avait toujours en mains. Les deux amis anéantirent ainsi une dizaine de soldats, sans grandes blessures. Féline n'eut presque plus personne sous son nez et elle prit le temps d'inspecter les alentours. Son regard tomba sur Chasseur, se battant avec bravoure. Ce dernier se tourna, ne détectant plus d'ennemis proches, et son regard croisa celui de la jeune femme. Ils se regardèrent ainsi quelques secondes, Chasseur émit un sourire de bienveillance, quand Féline vit celui-ci se crisper et une petite pointe noire aiguisée traverser son torse. Un liquide rougeâtre en sortit, mais ce n'était pas de l'objet qu'émanait cette substance nauséabonde, mais du jeune homme qui regardait tour à tour sa plaie avec horreur et son amie tétanisée. Le cœur de la jeune fille battait si vite et si fort qu'elle se demanda si elle n'allait pas faire un arrêt cardiaque. Elle vit le corps de son ami s'affaisser et son regard suppliant la regarder une dernière fois. Elle distingua alors une énorme lance dépasser du dos sanglant de son ami et un homme victorieux appuyer son pied symboliquement sur le dos du jeune homme déjà en difficulté. Féline sentit la haine l'envahir peu à peu, jusqu'à la submerger totalement. Elle resserra encore un peu plus l'étreinte qu'elle exerçait sur son épée virant du gris au rouge et s'élança sur cet homme qui voulait faire souffrir son ami. Si il n'en tenait qu'à elle, elle aurait hurlé, elle se serait défoulée par le cris, elle aurait massacré sa pauvre voix si ça pouvait sauver son ami. Mais, stratégiquement, elle choisit de ne pas avertir de sa présence l'homme qui tenait une lance quelques secondes auparavant. Chasseur, allongé contre la neige écarlate, poussa un cri de douleur sous la force du pied qui tentait de l'achever. Féline sentit son cœur se déchirer sous les hurlements de douleur de son ami.
-Lâche-le ! Ordonna-t-elle.
-Mademoiselle se mêle au conflit ? Répondit l'homme d'un ton moqueur.
-J'ai dit : lâche-le !
Sur ce, la jeune femme s'élança, épée à la main, et transperça la poitrine de son adversaire qui tomba en arrière. Elle courut ensuite vers Chasseur. Celui-ci essayait de se relever. Elle l'y aida, mais il retomba en arrière, poussant un cri déchirant symbolisant toute sa douleur et renforçant l'inquiétude de Féline. Elle saisit sa tête entre ses mains, épouvantée.
-Chasseur ! Chasseur ! Réponds-moi ! Je t'en prie ! cria-t-elle, en pleurs. Je vais t'aider, je vais te soigner, ne t'inquiètes pas...
Le jeune homme ouvrit les yeux avec peine et la regarda.
Féline ressentit dans son regard désespéré et suppliant toute la souffrance qu'il endurait. Elle souffrait sans être blessée. Elle sentit la peau froide de son ami et articula, dans un sanglot de désespoir :
-Je vais te soigner, Chasseur, tiens bon, accroches-toi à la vie ! Il faut que tu te lèves, je vais t'emmener chez mon père, il va te soigner !
-Je vais mourir, n'est-ce pas ? Demanda le jeune homme d'une voix inhabituellement monotone.
Féline savait quelle était la vrai réponse. Il allait mourir, elle allait être seule à nouveau. Elle était toujours penchée sur son corps froid et sanglant, si près de lui qu'elle sentait son souffle chaud et saccadé sur sa bouche et son cou. Elle devait le protéger. Féline savait que la clé pour survivre, c'est de croire que c'est encore possible. Si elle lui disait qu'il n'avait plus aucune chance, il ne lutterait même pas.
-Non, tu ne vas pas mourir, lui assura-t-elle en essayant elle-même de s'en convaincre.
-Ce n'est pas... la peine... de me mentir... Je sais que je vais... mourir...
-Chasseur ! Tu ne vas pas mourir car je vais t'emmener dans un endroit où on va te soigner ! Lutte contre la mort, et tu vivras !
-Je suis... déjà mort ! Je suis comme... tous ces cadavres éparpillés... autour de nous... Je t'emmène tout de suite chez mon père !
Sur ce, elle le releva et le soutint debout tout en commençant à marcher. Elle marcha ainsi pendant des heures, et se demanda si elle arriverait chez son père à temps. Elle aurait dû le protéger ! C'était son devoir. Elle l'a arraché à sa simple et honnête citoyenneté sans savoir qu'elle l'arrachait ainsi à la vie. C'était de sa faute. Féline n'avait jamais apporté que de la malchance, elle n'avait jamais apporté que la mort, la tristesse, la solitude, la pauvreté. À ce moment là, elle regrettait sa vie de voleuse. Elle aurait aimer être comme tout le monde, pouvoir avoir des amis sans leur engendrer la mort rien qu'en restant à leur côté. C'était la première fois qu'elle ressentait un tel sentiment de culpabilité. Elle avait tous ces vols, tous ces meurtres sur la conscience ; elle ne s'en était jamais inquiété. En le voyant horrifié devant un simple cadavre, elle a compris qu'elle supprimait des consciences, des personnes comme elle, comme son père, comme Chasseur. Il était comme elle, il avait des pouvoir, mais, mentalement, il était bien différent. Elle avait pris l'habitude de tuer, la mort lui était devenue une banalité. Les gens avaient raison, elle était un monstre. Elle perdait espoir lorsqu'elle entendit une voix l'appeler :
-Salut Féline, qu'est-ce que tu fais là ?
La jeune femme se retourna et vit une silhouette, une silhouette de loup. Elle soupira, soulagée, car les loups étaient d'excellents chirurgiens.
-Mon ami est blessé, tu peux le soigner ? -Bien sûr, répondit le loup.
Et tous les deux transportèrent Chasseur jusque dans une grotte, une immense cavité, un terrier, un vrai labyrinthe d'étroits couloirs et de larges pièces où vivait une meute de loups.
***
Chasseur ouvrit péniblement les yeux, ébloui par la lumière aveuglante. Il avait un peu froid, mal, et peur surtout. Son dernier souvenir était celui d'une atroce douleur, d'une pointe déchirant son corps, d'un cri d'horreur, d'un regard en pleurs. Il passa sa main sur son torse et sentit une petite bande, recouvrant sa blessure.
-Tu vas bien, petit ?
Chasseur se retourna et vit un gros loup blanc, silhouette imposante, assis juste devant lui. Il cria d'effroi et se rapprocha le plus possible de la paroi humide à laquelle il était déjà adossé. Le loup se mit alors à rire, découvrant ses immenses canines, puis il se tourna vers une sorte de couloir, et s'écria :
-Féline ! Je crois que ton ami est guéri !
Cette dernière apparut dans ce couloir, courut vers lui, et le regarda un instant. Elle passa ensuite ses bras autour de son cou, enfouit sa tête dans ses cheveux, et murmura :
-J'ai eu peur pour toi !
Elle le relâcha avant d'ajouter :
-Ne refais jamais ça ! Tu va mieux, tu 'as plus mal ?
-Non, presque plus. Qui m'a soigné ?
-Les loups t'ont soigné. Il s'approcha de l'oreille de la jeune fille et murmura : -Ils ne sont pas un peu dangereux, ces loups ? -Ne t'inquiètes pas, ce sont mes amis, c'est comme ma famille ! -Tu rigoles ! -Pas du tout.
La jeune femme partit, visiblement vexée. Le loup le regarda, puis affirma :
-Je suis chargé de te surveiller, à ce stade de ta guérison, tu es encore fragile, tu peux être pris de nausées à tous moments ! Et puis, tu sais, tu n'as pas à avoir peur de moi ! Si tu es un ami de Féline, alors tu es notre ami ! -Comment ça se fait que vous la connaissiez si bien ? -Ah, ça, c'est une longue histoire ! -On dit ça quand on a pas envie de le dire. -Où quand l'histoire est très longue, aussi.
Le loup se retourna, se leva, et s'approcha du couloir d'où sortit un autre loup. Il rentra dans la pièce avec le premier loup, puis s'assit à côté de lui, à sa place initiale.
-Vous n'allez pas me manger ? Demanda Chasseur voyant les deux loups échanger à voix basse. -Bien sûr que non ! S'exclama le premier loup. -Et lui, il ne va pas me manger ? S'assura Chasseur en désignant le second loup. -Tu devrais plutôt dire « elle » ! Je te présente ma compagne, Zaaly. Et, au fait, je m'appelle Koffy. Tu t'appelles Chasseur, c'est ça ? -Euh, oui, répondit Chasseur, gêné. -Et nous avons deux enfants, ajouta la louve qui, en effet avait une voix claire typiquement féminine. Ils s'appellent Milo et Taryna.
Deux louveteaux apparurent à leurs côtés.
-Vous avez une famille ! Quand vous parlez, j'ai l'impression que vous êtes humains !
-Vous savez, Chasseur, les sentiments n'appartiennent pas à l'espèce humaine !
-Je pensais que les loups étaient des bêtes sanguinaires qui dévorent les hommes !
-C'est faux ! Sais-tu qu'il existe deux catégories de loups bien distinctes ? Il y a les loups communs, les plus courants, qui se rapprochent de l'homme, et les loups géants, qui peuvent communiquer avec les humains et sont beaucoup plus grands que les loups communs, qui vivent en retrait des autres civilisations. Nous sommes des loups géants.
-Vous vous y connaissez !
-Heureusement, c'est mon espèce !
-Pourquoi vivez-vous en retrait par rapport aux hommes ?
-Et toi, pourquoi est-tu partit ?
-Parce-que j'ai découvert que je pouvais faire quelque chose d'incroyable, et que Féline m'a dit qu'il fallait que je parte si je ne voulais pas mourir. -Sais-tu quel est le principal défaut des humains ? -Non. -Ils n'acceptent pas les différences. Si tu es parti, c'est parce que tu es différent. -C'est vrai, Féline me l'a dit. -Ils n'acceptent pas que quelqu'un puisse être plus fort qu'eux. Ils n'acceptent pas qu'une autre espèce soit aussi intelligente que la leur. Les loups communs ne montrent aucune grande intelligence, alors, les humains l'acceptent. Et encore, ils les chassent de leur territoire car les loups mangent les moutons. Les humains veulent tout contrôler. Si ils ne veulent pas que les loups se nourrissent de leurs troupeaux, ils n'ont qu'à mieux les surveiller ! Les loups communs ont peur des humains ! Les humains ont tellement chassé les loups géants que nous sommes forcés de vivre dans des contrées reculées comme celle-ci. -Pourquoi ne vous battez-vous pas ? -On ne peut pas lutter contre les humains. Nous avons un physique avantageux, des crocs, mais les humains ont des armes à feu, ils ont l'électricité. Il y a bien longtemps, les humains ne se battaient qu'avec des épées et des arcs. Il était alors facile de les battre car ils se battaient relativement mal. Ils n'étaient pas agiles, c'est un des plus gros défauts de combat des humains. Les personnes comme Féline sont rares. C'est vrai qu'il y a des races d'humains favorisées dans ce domaine, mais en donnant de sa personne, en essayant, en s'investissant, on peut tout accomplir. C'est un autre défaut de la plupart des humains, ils ne persévèrent jamais, ils concluent qu'ils ne peuvent pas réussir sans même se battre, sans réessayer encore et encore. Tu connais le proverbe « Quand on veut, on peut ». Cela signifie que la volonté triomphe toujours. Cela peut prendre des jours, des mois, des années, des siècles, parfois. On peut tout arriver si on se bat. Regarde Féline, si elle se bat si bien, c'est qu'elle a appris les réflexes ! Il lui a pris trois ans de les avoir, elle a su se battre à seulement sept ans, mais elle ne cesse d'apprendre. Elle ne se battait pas ainsi à sept ans, elle s'est entraînée pendant toutes ces années, c'est pourquoi elle est si agile, si forte. C'est aussi parce qu'elle a suivi quelques conseils de loups...
Féline se trouvait dans l'embrasure de la porte et vit Chasseur, Koffy et Zaaly rire ensemble. Elle sourit. Sa famille et son meilleur ami qui parlent, qui rient, elle ne pouvait être que joyeuse. Si Chasseur écoutait les conseils philosophiques des Koffy, car elle savait que les loups étaient très sages, Koffy en particulier, il réfléchirait sur la vie. Elle trouvait très intéressants les conseils du grand loup blanc. Elle aurait aimé vivre cet instant à l'infini.
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