Chapitre 20 : Plus rien

Hamilton n'en revenait pas de ce qu'il venait d'entendre. Alors, ce n'était pas, à la base, pour la richesse, l'argent, l'or, que Féline était devenue le Chat Noir, mais par désir de vengeance. De vengeance envers sa mère qu'elle adorait qui avait été tuée par son père démoniaque. Il fut soudain pris de complaisance envers cette jeune femme qui avait souffert durant toute sa vie, qui était très intelligente, très stratégique, et qui préférait élaborer des plans pour mieux détruire plus tard ceux qu'elle épargnait. Elle avait pris à son père son succès, son or, sa fierté, sa gloire.

Comme il ne répondait pas, la jeune fille murmura :

-Euh... C'est bon, j'ai fini, là...

-Oui, j'ai compris, répondit Jacques. Mais je n'en reviens pas de ce que tu viens de me dire...

-Oui. Peu de monde s'attend à un passé tel que le mien.

-Je suis confus...

-Il n'y a pas de raison. Je ne suis qu'une femme de haine et de désespoir. Ma vie n'est que tristesse et peur, regrets et douleurs.

-C'est poétique, ce que tu dis...

-Je sais, ma mère a bien fait son travail... Grâce à elle, je suis devenue quelqu'un de fier et respectable... Je joue avec les mots pour me défendre ou gagner du temps plutôt que d'agiter lamentablement mon épée pour me mener à ma perte comme feraient d'autres.

-Oui... Je dois avouer que tu m'impressionnes...

-C'est le but !

-Mais quelque chose me tourmente... Tu dis que tu n'es que tristesse et peur... Mais tu n'es pas souvent triste, tu n'as pas souvent peur !

-Si. J'ai souvent peur. Je suis triste aussi, aussi souvent que le plus commun des hommes... Peut-être plus... J'avais peut-être dix ans, mais ma mère me manque...

-Je comprends... Mais tout de même, t...

La porte s'ouvrit avant qu'il ait pu finir sa phrase et un gros monsieur avec des cheveux blonds platine entra, suivi de plusieurs autres hommes. C'était le ministre de l'intérieur, Georges Démortier. Jacques se leva.

-Bonjour, Hamilton, dit-il avec entrain.

-Bonjour, monsieur, répondit timidement celui-ci.

-J'espère que je ne vous dérange pas, continua-t-il sur un ton mielleux typique de sa fourberie caractérielle.

-Non, pas du tout, je...

-Alors, vous bavardez entre amis, vous buvez un petit thé ? Mais continuez, allez-y !

-Non... je...

-Inutile de bafouiller, Hamilton. Vous n'avez pas remarqué que vous avez en face de vous la personne la plus recherchée et la plus dangereuse de la Terre ?

-Si... Mais, je lui pose des questions et elle me répond...

-Arrêtez de raconter n'importe quoi. Hamilton. Ça me ferais très, très, très plaisir que vous soyez un tout petit peu plus responsable avec cette jeune femme. Car, voyez vous, vous n'avez pas en face de vous une jolie petite enfant souriante... Vous avez un démon. Mais si vous tenez à vous faire manger, allez-y, faites vous manger.

-Non... mais je...

-Il n'y a pas de « mais », Hamilton. J'ai l'impression d'être en face d'un petit enfant !

Son ton était toujours sur un semblant de joie et d'enthousiasme cachant une moquerie apportant certainement une mauvaise nouvelle.

-Écoutez, je...

-Non, Hamilton, vous n'avez rien à redire.

-Mais...

-Silence.

-Je...

-Taisez-vous. Vous vous doutez, mon cher Hamilton, que je ne peux tolérer de telles mégardes avec un bandit de cette importance.

-Je... je suis désolé...

-Je n'ai que faire de vos excuses. Répondez-moi que vous êtes d'accord.

-Je...

-Répondez-moi que vous êtes d'accord.

-Je... je suis d'accord.

-Très bien. C'est pourquoi j'ai choisi quelqu'un de plus compétent pour vous remplacer.

-Quoi ?

-On dit « comment » quand on sait se tenir. Et oui, je ne sais pas pourquoi je vous ai engagé pour un poste si important, vous qui êtes si timide...

Il lui pinça la joue comme on aurait fait avec un petit enfant.

-Peut-être tout simplement parce qu'il est le meilleur.

La voix déterminée et haineuse de la Féline venait de retentir, arrêtant toutes les voix, installant un silence complet, un silence de mort. Démortier, tenant toujours la joue de Hamilton qui essayait d'observer la situation, regardait intensément Féline, comme pour dire « qu'est-ce que tu as dit ? Tu viens de commettre la plus grosse erreur de toute ta vie. ». Il avait perdu son sourire ironique et infantile pour la regarder avec une sévérité et un étonnement particuliers. La jeune femme, loin de craindre ce regard, le regarda avec plus d'intensité encore et se leva même pour ne pas qu'il se sente rehaussé par rapport à elle.

-Qu'est-ce que tu as dit ? Demanda-t-il d'un ton presque stressé.

-J'ai simplement dit qu'il était peut-être tout simplement le meilleur de votre équipe, et que c'est pour ça qu'un homme tel que lui s'est fait embaucher, répondit-elle d'un ton beaucoup plus naturel et décontracté bien que stricte.

-Lui ? Il n'est pas du tout un bon policier ! Continua-t-il en riant pour cacher sa peur que l'on ressentait tout de même.

-Et bien faites mieux, mettez votre nouveau candidat à l'épreuve, puisque je suis là.

Il la regarda d'un air interrogateur, attendant une suite.

-Son but est de me poser les bonnes questions et de réussir à me prendre les bonnes réponses. Je mets n'importe qui au défit de me faire parler.

-Très bien. Pour vous remplacer, Hamilton, j'ai engagé Marc Lacroix.

Un homme grand, sec, le visage marqué par la haine et la rage de vaincre entra.

-Je saurais faire parler n'importe qui, dit-il.

-Je savais que vous seriez plus compétent que ce bon à rien de Hamilton.

Lacroix s'assit en face de la voleuse qui se tenait encore debout. Elle s'assit à son tour et elle se tenait droite, très droite.

-Je ne vais pas perdre de temps avec vous, attaqua-t-il en parlant déjà plus fort.

Il semblait déjà s'énerver, contrairement à Féline qui restait droite, sûre, fière, mais calme.

-Et bien ne perdez pas de temps. Je vous avouerais que je n'ai moi non plus pas que ça à faire, le trancha-t-elle sans hausser la voix.

Lacroix mit quelques secondes à répondre, déconcerté par cette réponse. II reprit de plus belle :

-Ne jouez pas à ça avec moi ! Première question. Qu'est-ce que vous vouliez à Thomas Spoker ?

-Je ne sais absolument pas de qui vous parlez.

Il claqua ses mains sur la table tout en s'avançant vers la voleuse.

-Si vous le savez ! Vous avez tenté de vous introduire chez lui par effraction ! Hurla-t-il.

-Pourquoi vous le dirais-je ?

-Parce que sinon, je vous éclate le bras !

-Et bien allez-y. Sachez seulement que si vous tentez de me tuer, je considérerais les dommages et dégradations que vous pourriez recevoir comme une légitime défense.

Lacroix sembla perdre son assurance et stresser derrière ses gouttes de sueur.

-Vous...

-Voilà, Démortier, votre enquêteur a perdu tous ses moyens et n'a pas su m'extirper une seule réponse. Ensuite, faites comme vous le souhaitez. Si vous engagez quelqu'un de moins compétent, ce n'est qu'à mon avantage.

-Je n'ai que faire de ce que tu penses, Chat Noir. D'ailleurs, j'en ai assez de ce titre sombre. Donnes moi ton vrai nom.

-Je n'ai d'ordres à recevoir de personne. Et si tu crois que je vais te donner une telle information, tu rêves.

-Je ne te donnes pas le droit de me tutoyer !

-Pourtant tu me tutoies bien.

-Je suis ton supérieur ! Je suis ministre !

-Pas mon ministre. Je te rappelle que tu ne me traites en rien comme une citoyenne française. Alors tu n'es pas mon supérieur. Personne n'est mon supérieur. Personne.

-R... ramenez-là dans sa cellule ! Hurla Démortier, en sueur, à bout de forces.

Les gardes emmenèrent la voleuse vers sa cellule, qui n'opposa aucune résistance. Mais elle tourna tout de même la tête vers Démortier pour afficher un rictus satisfait.

-V... vous, articula le ministre en se tournant vers Hamilton, ne croyez pas que je vais vous garder pour cela. Vous êtes tout de même viré. Vous n'êtes plus rien. Le grand Hamilton n'est plus qu'un petit enquêteur indépendant.

-J'ai compris, je m'en vais.

Hamilton partit préparer ses valises.

Démortier se retrouva seul avec Lacroix dans la salle d'interrogatoire, tous deux en sueur, essoufflés, haletants.


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