Chapitre 19 : vengeance
Féline avait quitté la Base. Elle pensait très fort à sa mère. Elle l'aimait beaucoup, et son père, cet immonde personnage, l'avait tuée. Féline, qui avait alors treize ans, voulut venger sa mère. Nuire à son père pour venger sa mère. Elhra voulait qu'elle ne vole pas. Mais Féline ne pouvait plus faire autrement. Alors, elle eut une très bonne idée. Elle écoutait, tapis dans l'ombre de la Base, les discussions des voleurs, qui ne se doutaient de rien. Elle avait cessé de porter l'uniforme des espions de Nans, optant pour une tenue intégralement noire, pour plus de discrétion. Elle portait, par ailleurs, un masque de sa confection. C'était Elhra qui lui avait appris à coudre. Elle lui avait tout appris, tout ce dont on a besoin de savoir pour vivre. Nans lui avait seulement appris la guerre, la haine, et son « arme » allait se retourner contre lui. Féline avait désormais un plan, et alors, son père regrettera d'avoir tué Elhra, de n'avoir rien fait pour sa fille. Les voleurs sortirent, elle se plaqua d'avantage contre la paroi glaciale de la Base.
-Ouais ! Fit un des voleurs. Il paraît qu'il y a une montagne d'or chez M. de Gaufroi !
-Bon, du calme, les gars. On va rentrer par cette entrée là.
Il désigna une des entrées du château de ce de Gaufroi. Féline la vit très bien, cette entrée. Elle savait désormais où ils allaient. Les voleurs s'éloignèrent et Féline partit. Elle se rendit au village le plus proche du château visé. Elle acheta une jument entièrement noir, un frison. Elle serait parfaite. Elle l'avait choisi parmi les autres équidés en vente pour sa couleur, bien sûr, mais aussi parce qu'elle avait ressentit une sorte de lueur dans les yeux de la jument. Celle-ci la regardait profondément tandis que les autres dormaient, se retournaient, mangeaient. Elle la prit donc. Elle acheta beaucoup de tissus qu'elle enroula autour d'elle pour s'en habiller et se « cacher ». Elle se rendit devant le château de Gaufroi et enleva tous ses tissus, son sac et les attacha avec son cheval, baptisée Sayan, cachés sous un arbre. Elle rentra par une autre entrée que les voleurs de son père et arriva sans trop de problème à l'or de Gaufroi. Elle le pris, et, avant de partir, écrit avec un stylo rouge épais qu'elle avait pris soin d'emporter avec elle, à la place de l'or :
En souvenir d'Elhra
Elle repartit ensuite, dans le plus grand silence, emportant l'or. Quand les voleurs trouvèrent le message, couleur sang, ils le prirent en photo, car plusieurs d'entre eux avaient emmené leurs téléphones, et revinrent le montrer à leur patron.
-Mais ce n'est pas possible ! Cria Nans.
-On l'a trouvé ainsi.
-C'est Féline. Mais qu'est-ce qu'elle s'est mis dans la tête ! Ne l'ais-je pas assez bien élevée ?
Les voleurs aussi avaient vu grandir la petite, passer d'une petite fille insouciante à une jeune femme haineuse. Le déclic, ce fut la mort d'Elhra. Tous l'avaient vu. Ils avaient vu la gentille enfant devenir une adolescente noircie par la haine, par le désir de la vengeance. Et voici que ce désir se retournait contre eux ! Eux aussi, ils voulaient l'or ! Elle avait décidée de les empêcher de l'avoir.
Au vol suivant, il n'y avait rien. Celui d'après aussi. Et ce fut comme ça pendant presque un ans.
Féline s'était fait une réputation de voleuse. Elle était devenue le Chat Noir. Elle ne se fit pas voir. Mais quelques noctambules l'avais surprise, et la décrivait comme un voleur entièrement noir, un chat, avec des yeux émeraudes. Tout le monde la connaissait, et des portraits robots ornaient tous les journaux. C'est encore un an après, qu'on déclara qu'elle avait dépassé Wiskers, et qu'elle était désormais la voleuse la plus redoutée de tout le monde entier.
Elle avait découvert, entre temps, la particularité de Sayan. Un jour, elle venait la chercher, et elle vit, à la place de sa jument, frison, une shire blanche avec quelques taches noires. Il s'agissait en réalité de sa jument, de Sayan. Sa jument qu'elle avant pris pour un banal frison était en réalité une jument bipellis, qui avait deux apparences, une de frison, et une de shire. La jument se dressa alors sur ses pattes arrières et une lueur jaune à peine visible, frétillante, passa sur ses sabots avants, les rendant noirs et fins sur son passage. La lueur passa également sur sa tête, et quand elle arriva au milieu de son corps, la jument posa ses pattes avant par terre et donna un coup de sabots en arrière, pour chasser la lueur, la rendant entièrement noire.
-C'est génial, Sayan, dit-elle.
La jument lui répondit par un ébrouement et un regard profond et tenu. Les bipellis avaient la capacité d'être intelligent, autant qu'un humain. Ils ne pouvaient pas pour autant utiliser un langage articulé tel que celui des humains. Mais elle pouvait le comprendre aisément. Féline avait trouvé une jument magique, une bipellis, extrêmement rare, par pure hasard, en vente comme un cheval banal dans un petit village quelconque.
Féline était contente. Elle avait vengé sa mère. Et c'était tout ce qui lui importait. Alors, elle retourna voir Hitsück.
-Hitsück, j'ai vengé ma mère.
-C'est toi, la grande voleuse dont tout le monde parle ? Le Chat Noir ?
-Oui, c'est moi. J'ai fait ça pour venger ma mère de mon père, il l'a tuée.
-Oui, tu me l'as déjà dit. Quand tu étais venue me voir pour la première fois, tu t'étais échappée de chez toi parce que ton père avait tué ta mère.
La jeune fille se mit à pleurer. Elle se jeta dans ses bras.
-Elle était si gentille... Je l'aimait énormément... Pourquoi ! Pourquoi l'a-t-il tuée !
-Féline, calmes-toi. Je suis convaincu que ta mère était quelqu'un de très gentil, mais nous ne pouvons plus rien faire pour elle. Il n'est plus temps à pleurer. Ne penses plus au passé, pense au futur. Et tu verras que tout ira mieux. En tout cas, si tu as besoin de quoi que ce soit, tu peux revenir quand tu veux.
-Je suis contente de te connaître, Hitsück. Je n'ai jamais connu mes grands-parents biologiques...
Elle resta ainsi quelques jours en compagnie d'Hitsück avant de repartir. Elle emmena avec elle Sayan, sa fidèle jument noire, comme elle.
Elle retourna voir Koffy, à qui elle raconta son histoire, ainsi qu'à Zaaly, sa femme, qui était enceinte.
Elle reprit ensuite son travail de voleuse. Elle avait déjà tué des gens, si ils la voyaient et essayaient de l'empêcher de voler. Mais elle évitait de les avertir, pour éviter de se battre, et éviter de faire couler les larmes sur de multiples visages.
Elle avait quinze ans. Puis seize ans. Puis dix-sept, dix-huit, sans qu'il ne se passe quoi que ce soit. Elle était recherchée, mais pas trouvée.
Un jour, elle était trop près. Trop près du gouffre, trop près de tomber, de se faire coincer par les policiers et les habitants mécontents. Elle décida donc de partir un instant. Elle volait trop souvent et elle dormait dans des grottes, que les policiers faisaient fouiller par milliers. Elle se dirigea donc vers le sud. Elle laissa Sayan dans un pré où, pensait-elle, elle serait heureuse, libre. De toute manière, la bipellis la retrouverait. C'était dans son potentiel. Elle enfila ses tissus colorés et alla dans une petite ville côtière. Elle chercha un travail, pour ne pas paraître louche, et s'en trouva un. Elle se fit embaucher par un homme qui n'avait qu'un seul centre d'intérêt qui était l'argent. Il rachetait du poisson trois fois rien à des petits pêcheurs indépendants qui devaient lui vendre en très grosse quantité pour réussir à vivre, et le revendait à un prix exorbitant. Il cherchait justement un intermédiaire pour le vendre. Elle se présenta, et il lui donna tout de suite son travail, sans même chercher à savoir son nom, enchanté de trouver une vendeuse jolie qui se contentait d'un salaire immensément bas, bien loin en dessous du SMIC. Et après, c'était elle la voleuse ? Il justifia ce salaire très bas par son logement, une sorte de placard à balais de cinq mètres carrés qui avait l'avantage de donner sur l'extérieur, qu'il louait à la jeune femme en retirant l'argent sur son salaire qui était, disait-il, au dessus du SMIC. Heureusement pour lui que c'était une voleuse qu'il hébergeait, il n'aurait sinon sûrement pas trouvé preneur.
Cela suffisait à Féline. Qui penserait qu'une voleuse, richissime se cacherait dans le rôle d'une pauvre vendeuse de poisson, et surtout se contenterait d'un logement aussi petit, alors qu'elle pourrait aisément se payer la plus riche demeure de Paris.
C'était la couverture parfaite. La preuve était qu'elle avait vu Hamilton plusieurs fois dans la rue, lui acheter du poisson, même. D'autres policiers passaient aussi, et alors, elle émettait un petit rictus satisfait que personne ne remarquait.
Elle passa ici un peu moins d'un an avant que Chasseur ne lui parle. Elle avait vingt ans, à l'époque. Il changea sa vie. Il était son premier ami. Son premier vrai ami. Car il y avait bien Koffy et Hitsück, mais ceux-ci prenaient plutôt des allures paternelles et grand-paternelles avec elle. Il était le premier à lui avoir demandé son nom dans cette ville, à s'être intéressé à elle. Elle aurait pu choisir de rester seule, pour plus de sûreté, mais elle avait envie de voir à nouveau des visages lui sourire, des personnes lui parler avec tendresse, de connaître d'autres mots que vengeance et haine, elle voulait plus que ça. Alors elle devint son amie. Et il se révéla posséder des pouvoirs de vent, et être l'oiseau Rokh qu'elle recherchait depuis que Hitsück lui en avait parlé. Elle essaya de le protéger en l'emmenant au loin et il devint un complice, un associé, plus qu'une personne à protéger.
C'est ainsi que Féline, la petite des Wiskers, devint le Chat Noir, le plus grand voleur du monde entier.
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