Chapitre 17 :
Jacques entra dans la salle interrogatoire. Il vérifia que personne ne les écouteras. Alors, il fit entrer la voleuse qui se laissa faire, contrairement à l'image qu'il se faisait d'elle.
-J'ai vérifié, personne ne peut nous écouter, dit-il.
-Très bien. Allez, sortez ! Ordonna-t-elle à ceux qui l'avaient amenés.
Ils voulurent protester mais Jacques leur fit signe de ne rien dire et de sortir calmement. Il s'assit alors sur la chaise qui lui était destinée. La jeune femme fit de même. Elle ne souriait pas. Elle n'avait aucune raison de sourire. Elle allait subir un interrogatoire. Et même si Jacques ne voulait pas être méchant, elle n'avait pas l'air d'avoir un passé joyeux, et il semblerait qu'elle passe de nombreuses années en prison après ça. Elle aurait très bien pu ne pas parler. Ne pas dire un mot. Mais elle avait accepté de répondre aux questions du policier. Elle avait seulement demandé à ce que seul lui l'entende. Et elle n'avait même pas demandé à être relâchée, ou quelque condition impossible pour le policier qui aurait dû choisir entre sa soif de comprendre, d'apprendre, et la justice. Non. Elle avait seulement demandé à ce qu'on ne fasse pas de mal à ses amis. Un monstre et une inconnue du désert. Elle avait bien insisté sur le monstre. Il semblait qu'elle le connaissait depuis un moment. Et il était fort possible que Jacques l'ait déjà vu. Et dire que pendant tout ce temps, il recherchait la voleuse aux quatre coins du monde, alors qu'il lui achetait du poisson deux fois par semaine sur le port. C'était lamentable. Mais bon, il n'était plus temps de revenir sur ses erreurs passées, étant donné qu'il allait enfin savoir ce qu'il rêvait de savoir depuis qu'il s'intéressait aux voleurs et aux bandits.
-Très bien. Premièrement, je voudrais savoir ton nom, Chat Noir. J'en ai assez de t'appeler ainsi. Et je veux savoir qui se cache derrière ce triste masque. Je veux savoir pourquoi tu voles, qu'est-ce qui t'a poussé à devenir une hors-la-loi.
-Très bien. Premièrement, je ne vais pas vendre la mèche et tuer mon père. Deuxièmement, je voles parce que j'y ai été contrainte. Derrière mon triste masque, se cache une femme sensible qui regrette bien souvent ses choix passés. Et qui déteste son père, surtout. Mais je suppose que ça ne t'étonne pas de toi.
-Tu as beaucoup parlé, et tu me coupes le souffle. Mais il ne me semble pas que tu ais répondu à mes questions. Je veux tout savoir. Tout. Ton nom, ton prénom, tes amis, ta famille, ton passé, tes raisons, tes cachettes, tes alliés, tes ennemis, tout.
-Et bien... je peux seulement te dire que mon père est ma seule famille, qu'il est mon allié mais en même temps mon ennemi puisque je le déteste. Et aussi que je te trouve louche. Tu veux gagner ma confiance pour mieux m'anéantir ? Tu ne l'auras pas. C'est fini. Je ne répondrais plus.
Elle se leva brusquement et se précipita vers la porte, lorsque Jacques annonça, posément, mais très fort :
-Tu ne peux pas sortir, la porte est verrouillée. Je l'ai demandé, pour ne pas que tu t'en ailles. Tu n'as pas le choix, tu dois me répondre.
La jeune voleuse, ne se retourna pas. Elle était toujours devant la porte. Elle tenta tout de même d'ouvrir la porte, saisissant la poignée et l'abaissant doucement, en vain. Elle ne bougea pas.
-Je ne parlerais pas. Je ne parlerais plus. Pas aujourd'hui, en tout cas. Je suis fatiguée et je voudrais dormir.
Jacques appela alors les deux policiers qui la conduisirent à une cellule sous la plus grande surveillance.
-Sois fière, Chat Noir, la nargua Jacques. Tu as le droit à la cellule la plus sûre de France ! Une cellule digne du numéro un mondial...
Il s'éloigna, sans plus dire un mot. Il dit seulement, avant de disparaître :
-Bonne nuit, Chat Noir.
Et il disparut dans la pénombre du sous-sol où elle était.
Il n'y avait plus personne. Les gardes surveillaient la porte, mais ils n'étaient pas dans la salle. Féline passa sa main dans sa botte et en ressortit une fine aiguille. Elle la regarda un instant. Elle était grise et le Soleil se reflétait un peu sur sa paroi lisse. Personne n'aurait pu s'attendre à ce que cette minuscule aiguille eu pu servir à quelque chose dans de pareilles circonstances. Féline vérifia que personne n'entrait et passa sa main en dehors de sa cellule. Elle passa l'aiguille dans la serrure et la tourna vigoureusement. Un cliquetis se fit alors entendre et la porte s'ouvrit. Si c'était ça la meilleure surveillance de France, il fallait s'inquiéter. Elle sortit en vitesse de la petite cellule sombre et referma la porte à double tour. Ainsi, on mettrait plus de temps à s'apercevoir que la cellule était vide. Elle courut ensuite sur la pointe de ses pieds, sans émettre aucun bruit, ou sinon un bruit tellement discret que la fine ouïe de la jeune femme le distinguait à peine. Elle courut ainsi et passa plusieurs portes qui n'étaient pas fermées à clé.
Soudain, elle entendit son nom chuchoté par une voix familière. Elle se tourna et vit dans la cellule qui se trouvait à proximité la jeune renarde enfermée.
-J'arrive.
Elle lui ouvrit la porte avec son aiguille qu'elle ressortit de sa botte et la referma une fois la renarde sortie par la même manipulation.
-Il faut qu'on sorte, murmura Flamme.
-Il faut d'abord qu'on trouve et qu'on libère Chasseur, rectifia Féline.
-Tu as raison, j'allais l'oublier.
Elle continuèrent de parcourir les sombres couloirs dans le but de trouver le jeune aigle.
Chasseur attendait dans la sombre cellule. Elle était petite, crasseuse, et le Soleil n'y entrait que par une fine fenêtre quasiment fermée par des barreaux noircis par le temps. Cela faisait au moins quatre heures qu'il attendait dans la pénombre qu'on vienne le chercher pour lui poser quelque question à laquelle il répondrait mécaniquement ou lui faire passer un test, l'analyser, lui apporter de la nourriture ou peut-être le libérer. Qu'elle est longue, l'heure, quand on attend ! C'est insurmontable d'attendre sans voir le temps défiler. Si il avait su, Chasseur aurait acheté une montre avant de partir.
Se morfondant dans ses plaintes intérieures, Chasseur entendit soudain un petit bruit. Arriveraient-ils pour le chercher ? Voudraient-ils l'achever ? Il entendit un cliquetis et regarda sa porte. Il faisait tellement sombre qu'il ne les voyait même pas. Il distingua alors, un peu plus loin, une silhouette rousse. C'était Flamme ?
-Viens, Chasseur.
C'était la voix posée de Féline. Il venait de comprendre. Elle était si totalement noire qu'il ne l'avait même pas vue. Il voyait désormais ses pupilles dilatées au milieu de ses yeux émeraudes qui captaient au mieux la pauvre lumière pour y voir claire. Elle ouvrit la porte et le jeune homme sortit calmement.
-Ne fais pas de bruit, chuchota-t-elle.
Chasseur, pour obéir à ses ordres, ne répondit pas et se contenta de la suivre. Il y avait un interrupteur accolé au mur, mais il ne fallait pas allumer la lumière, si on ne voulait pas se faire repérer. Les trois amis se dirigèrent ainsi le long des couloirs. Il y avait de plus en plus de fenêtres, et donc de plus en plus de lumière. Ils arrivèrent au bout de la ligne droite et entamèrent un virage.
Féline, qui était en tête, s'arrêta alors brusquement, puisque trois hommes couraient dans le virage, dans l'autre sens, et avaient faillis la renverser.
Ils étaient arrivés jusqu'à une petite salle, aux murs clairs, blancs, illuminée par la lumière. Au bout, se trouvait une porte. C'est de là qu'ils avaient dû venir. Les deux hommes, à gauche et à droite, étaient habillés d'une sorte d'uniforme. L'homme au centre était un chat, noir, avec des yeux bruns. Il était habillé comme un roi et portait un long pistolet. Chasseur le reconnut tout de suite. C'était Wiskers. Le deuxième plus grand bandit au monde, après le Chat Noir. Le jeune aigle s'était fait du soucis à propos de Féline, qui l'avait détonné, et il craignait que le numéro deux ne veuille reprendre sa place en trahissant ou même tuant la jeune fille. Il ne put se retenir de pousser un cri de stupeur en le voyant.
-Tais-toi, chuchota Féline.
-Mais... C'est Wiskers !
-Tais-toi ! Insista-t-elle.
Chasseur n'osa plus rien dire. On entendit des pas légers qui venaient de derrière. C'était Jacques Hamilton qui arrivait en courant. Féline, Chasseur, et Flamme se retournèrent pour le regarder. Wiskers, sans y tenir compte, attrapa Chasseur par le col et le rejeta au centre de la pièce. Il sortit une épée et la souleva, dans le but de tuer le jeune homme allongé sur le sol. Hamilton, essoufflé, essaya d'intervenir, mais rien n'y fit. Alors que l'épée de Wiskers descendait rapidement vers le torse du jeune aigle à terre, que Flamme et Hamilton fermèrent les yeux pour ne rien voir, un tintement se fit entendre. Jacques releva subitement les yeux. La jeune voleuse était venue s'interposer entre l'aigle, toujours à terre, et Wiskers, qui était penché sur le jeune homme, prêt à le tuer. Elle retenait l'épée de Wiskers grâce à la sienne. Elle était courbée, pliée en deux, dans une position où aucun autre être humain n'aurait su tenir plus de dix secondes. Ses pieds, ainsi que ses jambes, étaient devant ceux de Wiskers, tandis que son buste, penché en arrière, mais légèrement relevé, couvrait son ami et lui permettait de tenir son épée perpendiculairement à celle de Wiskers.
-Qu'est-ce que tu fais ! Hurla ce dernier.
-Je protège mon ami, répondit-elle d'un ton posé.
-C'est à cause de lui qu'ils t'ont capturée !
-Non, ce n'est pas à cause de lui. Pas plus que ce n'est à cause de toi. En revanche, c'est bien par ta faut que nous sommes rattrapés et que nous allons retourner dans nos cellules. Qu'est-ce que tu fais ici ?
-Je suis venu te sauver, alors ne bronche pas !
-Mais tu sais très bien que je n'ai pas besoin de toi pour me sauver. J'étais justement en train de le faire, mais tu nous a ralentit, et tu as fait crier Chasseur, qui a l'âme fragile.
-Ce type est la cause de tous tes ennuis, Féline !
-Féline... répéta Hamilton.
Féline se tourna un instant vers le policier, avant de regarder Wiskers comme pour lui faire la leçon.
-Merci ! Dit-elle sur le ton de l'ironie. Je te rappelle que si la tienne ne l'est pas, mon identité est secrète ! Je dois me cacher tandis que toi, tu exposes ton visage à la lumière !
-Tu as choisi de te cacher !
-Non, je ne l'ai pas choisis ! C'est de ta faute si je suis entraînée dans une telle galère ! Alors maintenant, tu vas le laisser tranquille, et te redresser !
-Pourquoi je le laisserais tranquille ! Tu ne sais pas ce qu'il veut te faire ! Mais moi je le sais ! Il va te trahir, te tuer peut-être ! Ou te faire perdre la raison ! Alors laisse-moi l'achever !
-Non !
Et la jeune femme le repoussa loin, grâce à son épée contre la sienne. Elle feula, contre le bandit qui était désormais à terre. Derrière elle, Chasseur commençait à se relever. Elle se tenait droite, supérieure, par rapport à l'homme à terre, le regardant avec menace. Jacques ne s'était même pas rendu compte qu'elle était de très petite taille, tant sa maîtrise apparente de la situation la grandissait. Elle portait, d'ailleurs, de hauts talons ; et ses oreilles de chat lui donnaient dix centimètres de plus. Elle se retourna vers le jeune homme qui se tenait debout depuis quelques secondes et lui demanda :
-Tu vas bien ?
-Oui. Ça va. Tu devrais faire attention, il aurait pu te tuer !
-Non, il n'aurait pas pu. Il m'aime trop pour ça.
Hamilton écoutait avec attention depuis quelques minutes, sans agir, mais il ne pu retenir un cri d'exclamation à la suite de cette phrase. Il bégaya :
-Il... il t'aime ?
-Oui, répondit la jeune fille. Un amour paternel.
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