Chapitre 12 : Hitsück Rilüd

Lorsque Féline et Chasseur rentrèrent dans la petite cabane, Hitsück avait préparé le parchemin ainsi que de longues feuilles d'explications sur les prophéties, l'oiseau Rokh, son devoir. Il avait étalé tout ça sur le plancher qu'il nettoyait régulièrement en l'attente de ce jour.

Hitsück avait vécu de longues années durant pour protéger ce vieux parchemin et trouver l'oiseau Rokh.

Hitsück Rilüd était né le vendredi treize mars 1943, par une nuit d'orage dans une maison dévastée. Mana Rilüd avait beaucoup souffert pendant son accouchement. Elle avait défié le tonnerre par l'intensité de ses cris. Elle avait souffert, Mana Rilüd. Mais lorsque l'enfant sortit enfin, elle fut heureuse, Mana. Très heureuse. Moha Rilüd se tenait juste à côté de sa femme. Il n'avait cessé de la soutenir pendant on accouchement. Le petit garçon se tenait dans les bras de Mana, épuisée. Elle s'allongea et s'assoupit, après avoir donné du lait au nourrisson.

Hitsück Rilüd grandit dans une petite maison de compagne, échappant aux guerres du monde. Mana et Moha devinaient quelque chose de différent chez leur enfant.

Hitsück fut assez grand pour aller à l'école. Il était seul et rejeté des autres élèves. Il était brillant et sut, quelques années après, parler le français, l'anglais, l'allemand, l'italien, le latin, le chinois et le grec. Mana et Moha comprenaient bien que leur enfant n'était pas comme les autres. Alors ils le firent passer des tests. Hitsück était surdoué, mais pas seulement. La psychologue ne savait pas ce qu'il avait. Elle savait juste qu'il était différent. Lorsqu'il était en seconde, Hitsück se retrouva seul à étudier. Il n'y avait pas un bruit mais le jeune homme en était indifférent.

-Qu'est-ce que tu fais ? Demanda une voix d'adulte.

-Je fais mon grec. Qui êtes-vous ? Un professeur ? Un surveillant ?

-Non. Je ne suis rien de tout ça.

L'homme avait une quarantaine d'années. Cinquante, peut-être. Mais il n'avait pas la conscience d'un vieil homme.

-Vous n'avez pas le droit d'être dans le lycée !

-Non. Je n'ai pas le droit. Mais c'est toi que je viens voir. J'ai senti ta présence. Quel est ton nom, jeune homme ?

-Hitsück Rilüd...

-Très bien, Hitsück... Sais-tu qu'il existe des prophéties ?

-Comme dans les films?

-Oui. Elles guident les intéressés à des destins particuliers. Je suis le gardien des prophéties. Le gardien, détenteur, protecteur. Et tu es le prochain.

-Comment ça ?

-Vois-tu, les prophéties sont scellées par un sort. Un sort qui fait qu'une seule personne pourra les débloquer. C'est l'oiseau Rokh. Aquila Mega Gigantea, l'oiseau Rokh est un aigle géant, doté d'une force incroyable.

-C'est un oiseau qui peut débloquer les prophéties ?

-Oui, et non. Ce n'est pas qu'un oiseau, car l'oiseau Rokh est un humain. Un humain, qui peut se métamorphoser en un oiseau géant.

-C'est chouette !

-Tu es le nouveau gardien. Dès que tu auras fini tes études, tu viendras me rejoindre et je t'apprendrais le métier de gardien.

-Je veux apprendre maintenant !

-Hitsück, tu dois d'abord finir tes études et obtenir ton diplôme. Mais je peux te voir tous les soirs, ou plutôt le weekend, sinon tu seras fatigué.

-Non, tous les soirs.

-Très bien. Alors, rejoins-moi tous les soirs à la rue des pommiers. Je t'apprendrais.

Et l'homme partit.

C'est ainsi que tous les soirs, Hitsück alla rejoindre le dénommé Raland.

Raland lui apprit l'oiseau Rokh. Ses plumes, ses phases intermédiaires. Il lui montra des schémas, des croquis, des textes vieux de plusieurs siècles. Il lui expliqua les prophéties, le sang, leur pertes, tout ce qu'un gardien devait savoir.

Hitsück grandissait et Raland vieillissait. Hitsück avait désormais fini ses études et il savait tout du métier de gardien. Il était prêt à en être un. Raland lui montra la cabane où étaient rangés les parchemins. Il les lui montra. Il les lui expliqua. Ils restèrent dans la cabane. Hitsück connaissait désormais la jungle comme sa poche. Raland ne sortait plus tant la fatigue hantait ses jambes. Hitsück partait de plus en plus loin, de plus en plus longtemps. Raland restait seul dans la cabane. Un soir que Hitsück rentrait d'une expédition, un soir d'orage, il vit étendu par terre le corps de Raland.

-Raland, tu vas bien ?!

Hitsück accourait pour réveiller son mentor. Il pensait qu'il avait fait une mauvaise chute ou qu'il était tombé dans les pommes. Il se jura de ne plus jamais sortir aussi longtemps en laissant Raland seul. Car son mentor se faisait vieux. Il le retourna pour voir son visage, et découvrit un visage blanc comme du lait, froid comme une pierre. Il passe son doit sous le nez de son mentor et ne ressentit aucun souffle. Il pressa son cou et ne ressentit aucun pouls.

-Non... Raland...

Hitsück cria tout son désespoir, rivalisant avec le tonnerre, comme sa mère avant lui. Hitsück pleura longtemps le corps de son mentor. Puis, il l'enterra à côté de la cabane, posant une pierre gravée maladroitement.

N'ayant plus rien le retenant ici, Hitsück se décida à partir. Il fit le tour du monde pour trouver l'oiseau Rokh, mais ne le trouva pas.

Il arriva finalement dans son village natal. Il se souvint de son passé, de sa jeunesse, de Mana et Moha. Il entra alors dans le petit village et croisa beaucoup de vieux hommes et de vieilles femmes. Soudain, il vit un visage familier. Celui d'une vieille femme ridée. C'était sa mère.

-Mana...

Celle-ci leva les yeux, les écarquilla et se leva pour enlacer son fils.

-Hitsück, mon fils. C'est bien toi ? Pourquoi es-tu parti avec ce vieil homme... Cet inconnu...

-Je suis le nouveau gardien, maman. Raland m'a expliqué mon nouveau métier, les prophéties. Mais Raland est... mort.

Son visage se noircit et de fines larmes gouttèrent de ses yeux demi-clos.

-Mon fils. Je suis heureuse de te retrouver, et je partage ton chagrin. Je n'ai rencontré ce Raland qu'une seule fois, et très brièvement, mais il m'a semblé être un homme bien, un homme sincère.

-Où est Papa ?

Mana ne répondit pas.

-Je te pose une question, où est Papa, où est Moha ?

-Hitsück, ton père est... mort. Comme Raland. Comme moi, bientôt.

Hitsück sentit son cœur se resserrer. Combien d'années était-il resté avec Mana et Moha ? Pas longtemps. Et le jeune homme s'en voulait. Il se mit à genoux et laissa se déchaîner ses sanglots, rivalisant avec le torrent du village.

Et c'est ainsi que le jeune Hitsück, qui avait 27 ans, passa trois ans dans son village natal. Il partit lorsque Mana fut retrouvée sans vie dans sa cave. Elle avait chuté dans les escaliers mais personne ne l'avait entendue. Hitsück était à la rivière et se sentit, encore une fois, coupable. La vieille femme n'était pas morte sur le coup. Elle avait eu le temps de tracer, avec un doit ensanglanter, quelques lettres sur le mur :

HITSÜCK

Suivies d'un cœur maladroit, mais plein d'amour, de sincérités. Les dernières pensées de la vieille femmes furent pour son fils.

Hitsück assista à l'enterrement de sa mère, le cœur lourd. Après ça, il fit ses adieux à ses proches et repartit chercher l'oiseau Rokh durant toute sa jeunesse.

Dès qu'il fut un peu vieux, il retourna à la cabane, et nettoya toutes les semaines la tombe de Raland. Il posa devant son lit une photo de êtres les plus chers qu'il connaissait. Il y posa une photo de Raland. Une photo de Mana, à côté, puis une photo de Moha. Hitsück revoyait tous les jours ces êtres aimés, puis quittés à jamais.

Un matin, il entendit toquer à la trappe, qui faisait une sorte de guichet à la cabane. Il l'ouvrit et vit une petite fille qui n'atteignait pas la trappe.

-Bonjour, monsieur ! Vous n'auriez pas, par hasard, quelque chose pour me réchauffer ? J'ai un peu froid.

Hitsück avait 67 ans. Il hésita un instant, en temps que protecteur des prophéties, puis laissa entrer la petite, en temps que grand-père aimable.

Elle traversa toute la cabane, inspecta chaque pièce. Hitsück n'y prêta pas attention.

-Qui est-ce ?

La jeune fille venait d'entrer dans la chambre et observait les trois portraits qui se serraient les coudes sur la petite table de nuit.

-Ici, c'est mon père, Moha. Ici, c'est ma mère, Mana. Et ici, c'est Raland. C'est lui qui m'a tout appris des prophéties, dont je suis le gardien.

-Ouah ! Des prophéties ! Et où sont ils ?

-Ils sont tous morts. Raland est enterré devant la cabane. Moha est mort avant que je retourne au village et Mana a chuter dans les escaliers de sa maison. Elle a rejoint son mari dans le cimetière du village.

Et Hitsück lui raconta les prophéties. Il lui raconta l'oiseau Rokh. Ses plumes, ses phases intermédiaires. Il lui montra des schémas, des croquis, des textes vieux de plusieurs siècles. Il lui expliqua tout. Tout ce qu'un gardien devait savoir. Mais la petite Féline n'était pas la nouvelle gardienne. Il l'aurait sentit comme Raland l'avait senti, lui. Féline passa beaucoup de temps avec lui, puis repartit, puis revint quelques instants, avant de repartir à nouveau. Il en apprit plus sur elle. Il apprit sa vie, sa famille, son passé, douloureux, lui aussi. La petite fille qui était devenu une jeune femme se proposa de l'aider à trouver l'oiseau Rokh. Il serait le gardien, détenteur et protecteur des prophéties tandis qu'elle chercherait l'oiseau Rokh. La jeune fille repartit et ne revint pas avant longtemps. Hitsück se demandait parfois s'il ne devenait pas fou. Lorsqu'il allait se coucher, il repensait à tout son passé, toute sa vie résumée en quatre bouts de papier.

Il s'endormait en regardant les visages souriants de Moha, Mana, Raland et Féline.


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