Le Chat Et La Fée
La nuit était doucement tombée sur le Petit Monde. L'obscurité était uniquement dérangée par la lune et les étoiles. A quelques jours de la nouvelle lune, celle-ci n'était qu'un fin croissant ne prodiguant que peu de lumière. Tout autour, les étoiles brillantes éclairaient la nuit noire. Une étoile filante parcourut le ciel au-dessus du Mont Fabuleux, laissant une fine trainée de lumière derrière elle qui disparut bien rapidement.
En bas, le Petit Monde dormait. Le Mont Fabuleux était un immense pic au milieu de cette contrée. Il se dressait haut et fier, présence imposante que nul ne pouvait ignorer tant il attirait les regards. A l'écart, un grand arbre trônait fièrement, immense, majestueux. Le large tronc était recouvert d'une écorce lisse. De ses branches entremêlées, une se détachait et se dressait, telle une rebelle, presque parallèle au sol. Sur toutes les autres, un feuillage épais avait pris place, mais celle-ci, ne faisant rien comme les autres, était nue, dépourvue de la moindre petite feuille. Mais cette branche était celle qu'Ewan, le petit chat au pelage noir, avait choisi pour s'installer. Lui aussi trônait fièrement sur sa branche, comme un roi. Observant les étoiles à la manière d'un savant, Ewan se mit à ronronner doucement. Le jeune chat avait appris que les fées du Petit Monde, espiègles et malicieuses, profitaient de l'obscurité de la nuit pour sortir de leur antre et répandre la poudre de couleur qui empêchait le Petit Monde de ne connaitre que le noir, le gris et le blanc. C'était quelque chose que tout le monde savait : les fées ne se montraient pas, mais elles étaient les gardiennes de la couleur du monde.
Cela faisait plusieurs nuits qu'Ewan souhaitait attraper l'une de ces fées pour apprendre leurs secrets. Il avait compris, au fil des nuits, que plus l'obscurité serait grande plus il aurait de chance d'en voir. Or, toute la journée durant, le ciel avait été couvert d'immenses nuages grisonnants, menaçant le Petit Monde de pleuvoir. Ewan avait donc espéré que la nuit aussi verrait cette sombre brume et qu'alors les ténèbres auraient été complètes. Mais le vent l'avait fait fuir avant même que la nuit ne soit entièrement tombée.
Cependant, Ewan n'allait pas baisser les pattes. Il n'abandonnait pas l'idée de voir une fée ce soir-là, et il continua de scruter le ciel. Une nouvelle étoile filante traversa le ciel, le jeune chat la regardait filer entre les autres astres, concentré sur la trainée dorée que celle-ci laissait dans le noir du ciel. Lorsqu'elle eut disparue, il se reconcentra sur le Petit Monde, à l'affut de la moindre petite créature ailée. C'est alors que son attention fut attirée par un éclat scintillant sur un versant du Mont Fabuleux. Est-ce que c'est une fée ? pensa-t-il en voyant la lumière se rapprocher petit à petit. Et en effet, quand elle fut suffisamment proche du chat, celui-ci put distinguer quatre ailes d'argent dans le dos de la petite créature. Elle était vraiment minuscule avec des cheveux roux qui descendait sur ses épaules, son visage rayonnant de bonheur était mis en valeur par un joli sourire. Ewan tendit la patte vers elle, comme pour l'attraper. La fée l'esquiva et vint battre des ailes au-dessus de la tête du chat. Elle le regarda avec ses beaux yeux gris argenté. Ils s'observèrent pendant plusieurs secondes.
— Il fait nuit, dit-elle.
— Oui, miaula Ewan en réponse en se rasseyant sur ses pattes arrière.
— Et tu ne dors pas, remarqua la fée.
— Non.
Ewan se mit à sourire, la petite créature l'amusait et l'excitation de voir enfin une fée ne cessait d'augmenter.
— Et pourquoi donc ? D'habitude, tout le Petit Monde dort à cette heure.
Il observa la petite fée, il la trouvait si belle, si gracieuse.
— Dis-moi un secret ! demanda-t-il.
— Comment ça un secret ? l'interrogea-t-elle suspicieuse.
— Les fées ont des secrets ! Tout le Petit Monde le sait, dis-m'en un !
Elle prit le temps de réfléchir quelques temps, ses ailes s'activaient dans son dos pour lui permettre de rester dans les airs.
— Très bien, je vais te dire un secret. Alors voilà, (elle se rapprocha de lui et baissa la voix) je m'appelle Lula.
Le chat inclina sa tête vers la gauche.
— Mais c'est pas un secret ça ! s'exclama-t-il.
— Tu es le premier chat à connaitre mon nom, répliqua-t-elle.
Ewan fit la moue, refusant de se contenter de ce secret tandis que la fée virevoltait au-dessus de sa tête.
— Dis-m'en un autre, s'il te plait, Lula ! la supplia-t-il
— Pourquoi je le ferais ? rétorqua-t-elle. Je ne sais même pas qui tu es.
— Si je te le dis, tu me diras un secret ? demanda le chat plein d'espoir.
Lula battit des ailes pour se rapprocher un peu, faisant briller les yeux d'Ewan, qui était sûr qu'elle allait lui dire.
— Peut-être, dit-elle d'un ton espiègle.
— Je m'appelle Ewan.
La fée fit une nouvelle virevolte pour s'éloigner légèrement, créant un peu de déception chez le chat qui avait peur de la voir partir sans qu'elle ne lui dise son secret. Affichant un grand sourire malicieux, elle répéta plusieurs fois le nom.
— Ewan... Ewan. Ewan !
Lula rigola, sans que le chat n'en comprenne vraiment la raison. Il se contenta de la regarder rire et voleter au-dessus de lui.
— Ewan, dit-elle encore, je vais te dire un secret, Ewan.
Elle piqua vers lui, pour venir chuchoter à son oreille :
— Tu devrais dormir, petit chat.
Il agita ses pattes avant pour la chasser. Tout de suite, la fée recula en riant.
— Je veux un vrai secret Lula ! cria-t-il.
— Ce sont des vrais secrets, rétorqua-t-elle en croisant ses bras.
— S'il te plait, insista Ewan.
— Mais pourquoi tu veux ces secrets ?
Le chat se leva et avança sur la branche pour se rapprocher d'elle.
— Parce que je veux tout connaitre des fées ! s'exclama-t-il. Vous êtes toutes fascinantes.
— Fascinantes... je suis fascinante ! chuchota-t-elle pour elle-même.
Lula vint se poser sur la branche à côté d'Ewan en rigolant. Elle était à peine plus grande que sa tête, alors le chat s'allongea face à elle.
— Les fées du Petit Monde vivent pour la plupart dans le Mont Fabuleux. On ne sort que la nuit, quand tout le monde dort. C'est la première fois que je vois un chat réveillé.
— Dis, elle vient d'où votre poudre de couleur ? la questionna-t-il.
— Ce sont nos ailes qui la produisent, quand on vole. En fait, on a juste à se promener dans tout le Petit Monde pour qu'il y ait plein de couleurs, répondit-elle.
Lula fit un grand sourire, tandis qu'Ewan ronronnait de plaisir, tout content d'apprendre enfin ces secrets qu'il attendait depuis si longtemps. Le chat et la fée parlèrent longtemps, de tout ce qui pouvait se passer dans le Petit Monde. Ils parlèrent des étoiles qui filaient dans le ciel. Une fois, Ewan cru voir un point lumineux filer vers le Mont Fabuleux.
— C'est une fée ? demanda-t-il.
— Je ne pense pas, répondit Lula, je suis la seule à être sortie cette nuit.
Et bientôt, ce fut la petite fée qui écouta son nouvel ami lui parler de l'arbre sur lequel ils étaient tous les deux installés. Il lui raconta comment il l'avait trouvé et que maintenant il y dormait tout le temps.
Le soleil vint surprendre leur conversation au petit matin. Lorsque Lula vit la lumière arriver, elle s'envola précipitamment et cria :
— Je ne devrais plus être là !
— Attends Lula ! l'arrêta Ewan.
Elle se tourna vers lui.
— Tu ne vas pas partir comme ça ! Dis-moi au moins que tu reviendras, s'il te plait.
Elle lui fit la promesse de revenir deux nuits après pour le laisser se reposer avant. Et elle s'éloigna rapidement vers le Mont Fabuleux. Ewan la regarda partir, plus il alla s'allonger plus loin sur la branche, au plus près du tronc, pour s'endormir. Les heures s'écoulèrent tandis qu'il rêvait.
Il vit les étoiles dans ses songes. Beaucoup d'étoiles. Et puis au milieu des étoiles, il vit Lula qui faisait des acrobaties dans les airs. Il l'entendit rire et rire encore.
Après une journée et une nuit à se reposer, le chat s'éveilla en haut de son arbre gris. Il regarda vers les autres branches, les feuilles avaient perdues leurs teintes vertes. Etonné, le chat descendit de son arbre, toutes les fleurs qui poussaient à son pied n'avaient aucune couleur. Ewan voulut voir si le ciel était toujours bleu, mais même lui avait perdu sa jolie teinte. Tout autour de lui, toutes les couleurs aveint laissé place à un Petit Monde gris et froid.
Il ne put alors s'empêcher de s'inquiéter pour son amie. Il essaya de se rassurer en se disant qu'elle devait venir le soir même. Il attendit la nuit avec une impatience aussi grande que l'arbre sur lequel il était installé, ne cessant de faire des aller-retours sur sa branche. La lumière finit enfin par faiblir, remplacée par l'obscurité. La noirceur de la nuit était renforcée par les nombreux nuages masquant les étoiles. Cependant, Lula n'arrivait pas. Durant toute la nuit, il patienta, certain qu'elle viendrait. Mais elle ne vint pas.
Le soleil diffusant une lueur grisâtre se leva de nouveau. Inquiet pour son monde et son amie, le jeune chat décida alors d'aller la chercher lui-même. Lula lui avait dit où chercher le repaire des fées, alors il allait la trouver. Se mettant aussitôt en route, il lui fallut plus de deux heures pour arriver au Mont Fabuleux. Il entreprit immédiatement de trouver l'entrée de l'antre, celle-ci était cachée derrière un gros rocher gris. A l'intérieur, toutes les couleurs du monde se superposaient les unes aux autres, créant un joyeux mélange coloré. Ewan dut cligner des yeux plusieurs fois pour s'habituer à l'explosion de couleurs.
Il entra doucement et miaula pour signaler sa présence. Plusieurs fées arrivèrent devant lui. Elles ressemblaient toutes un peu à Lula avec leurs ailes argentées et leurs sourires espiègles.
— Qui es-tu ? demanda la plus petite d'entre elles d'une voix aiguë. Pourquoi es-tu ici ?
— Je suis Ewan, dit-il. Je suis un ami de Lula. Est-elle par ici ? demanda-t-il n'oubliant pas la raison de sa présence.
Une autre fée, plus grande, plus élégante, avec de grandes ailes dorées arriva. Et ce fut elle qui répondit à Ewan :
— Lula a commis plusieurs erreurs la nuit où tu l'as rencontrée. Elle a été punie en conséquence. Tu peux repartir, jeune Ewan. Et l'oublier, tu ne la reverras pas.
— Mais... s'offusqua le chat.
La grande fée le poussa à sortir de l'antre. Mais Ewan ne comptait pas baisser les pattes ! Il allait retrouver son amie, et elle ramènerait la couleur dans le Petit Monde. Il ne pouvait certainement pas laisser son monde sans couleur ! Et encore moins Lula quelque part où il ne pourrait pas la revoir. Non, non, non, il n'en était pas question ! A peine fut-il sorti de l'antre, qu'il y rentra de nouveau, en courant. Il se faufila entre toutes les petites fées et fonça vers le fond de la grotte en ignorant la grande fée qui lui criait de s'arrêter. Il regardait de tous les côtés à la fois, manquant de foncer sur les parois, pour trouver Lula. Finalement, il la découvrit enfermée dans une cage.
— Lula, cria-t-il.
— Ewan, fit-elle en le voyant.
— Il n'y a plus de couleur dehors !
— C'est Lori, gémit la petite fée. Elle ne veut plus qu'on sorte...
— Mais et la couleur ? Tu dois remettre la couleur !
— Je voudrais bien mais je suis enfermée ! rétorqua-t-elle.
Le chat rejoignit la cage en courant et tenta de forcer l'ouverture avec ses pattes sans y parvenir.
— Lula, qui a la clé de cette cage ? demanda-t-il.
— Lori. C'est Lori qui a la clé. C'est la grande fée aux ailes dorées, ajouta Lula en voyant que son ami n'avait aucune idée de qui elle parlait.
— Très bien, miaula-t-il, je reviens. Ne bouge pas d'ici.
Le chat fit demi-tour et courut aussi vite que ses pattes fatiguées du voyage depuis l'arbre le lui permettaient. Il arriva devant Lori et lui sauta dessus. En atterrissant, il la plaqua sous lui.
— Donne-moi la clé !
— Non, répondit-elle. Lula mérite sa punition.
Le chat miaula de colère.
— Il n'y a plus de couleur dehors ! Elle doit sortir.
Il observa la fée, cherchant où elle aurait pu cacher la clé. Il aperçut un reflet argenté au cou de Lori. La clé était là, en pendentif sur un fil d'argent. D'un rapide coup de griffe, il trancha le fil. Lori cria, elle avait eu peur qu'Ewan ne la blesse. Le chat récupéra la clé entre ses dents et courut de nouveau jusqu'à la cage de Lula.
Il eut un peu de mal à glisser la clé dans la serrure, tant celle-ci était minuscule. Puis il la fit tourner avec ses pattes jusqu'à ce que la porte s'ouvre. Son amie put alors sortir. Il ronronna, content.
— On y va, dit Ewan, on a la couleur à ramener !
— Attends, l'arrêta Lula. Je ne peux pas voler, Lori a froissé deux de mes ailes.
La petite fée avait baissé la tête, tout triste de décevoir son ami. Celui-ci réfléchit rapidement et proposa :
— Tu pourrais monter sur mon dos, et je n'aurais plus qu'à courir !
— Mais je ne pourrais pas ramener la couleur, lui rappela-t-elle.
Il haussa les épaules.
— On attendra que tu ailles mieux, ce n'est pas grave.
La fée hocha la tête. Ewan la fit grimper sur son dos. Il attendit qu'elle se soit accrochée à son pelage pour se mettre à courir, se faufilant de nouveau entre les nombreuses fées venues les arrêter.
— Lori veut empêcher la couleur, cria Lula à ses congénères. Il n'y en a plus dehors parce qu'elle veut tout garder pour ici.
Les fées se regardèrent ne sachant quoi faire de cette information, ce qui permit à Ewan de s'échapper. Juste avant de sortir de la grotte, le chat et la fée entendirent :
— Lula a raison, il n'y a plus de couleur dehors !
— Il faut empêcher Lori de tout garder pour elle !
Ewan ne s'arrêta de courir que lorsqu'ils eurent atteint le grand arbre. Le chat monta alors sur les plus hautes branches, leur permettant d'être cachés par le feuillage. Puis, Lula descendit de son dos.
— Merci de m'avoir sortie de cette cage, dit-elle avec un sourire.
Le chat sourit aussi et dit :
— C'est normal, Lula. Tu es mon amie.
Il posa délicatement sa patte contre la main de Lula. Elle s'approcha doucement de lui, et vint se blottir contre le doux pelage noir de son ami.
La nuit tombait de nouveau sur le Petit Monde, Lula et Ewan observait le ciel et les premières étoiles apparaitre. Cette nuit-là encore, une pluie d'étoiles filantes s'abattit sur le Petit Monde. Le chat et la fée s'endormirent en les contemplant.
A leur réveil le lendemain, ils virent que plusieurs fées s'envolaient du Mont Fabuleux. Petit à petit, ils purent observer la couleur revenir lentement sur le Petit Monde, se répandant depuis la Montagne.
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