1. Qui terre a, guerre a...
J'étais né avec un goût irréfutable pour l'autodestruction. Mère-grand disait que c'était le manque d'amour. Moi je pense tout simplement être né comme ça.
Un joint coincé entre les lèvres, mon cerveau planait à mille lieues d'ici. L'aurore était au rendez-vous, laissant transparaître ses faisceaux lumineux entre la fine soie des rideaux couleur ocre. Cela donnait un ton automnal aux murs beiges de ma chambre. La soirée d'hier avait été rude. Je ne me souviens plus exactement ce que j'ai fait subir à mon corps. Si mon cerveau avait été conscient hier soir, il m'aurait sûrement ordonné de m'arrêter. Sauf que quand on est né comme moi, avec des voix dans la tête, le plaisir de s'autodétruire pour faire taire ces voix est plus fort que la raison. Vous savez ce qu'on dit, plus l'euphorie est belle, plus la redescente est douloureuse. Mes membres étaient paralysées sur mon lit. Je n'arrivais plus à bouger. Mon pouls se faisait faible et la nausée avait pris d'assaut mon œsophage.
Mais elles s'étaient tues.
Les voix.
Quelques minutes.
Quelques instants.
Quelques heures.
J'entendis des bruits de pas se précipiter dans le couloir. Anna la gouvernante devait sûrement faire couler le bain chaud, senteur rose dont elle avait le secret pour ma très ennuyeuse sœur chérie. Elle avait une réception ce midi, aux côtés de mon père et de son adorable (insupportable) petit ami Harold Lewis. Un espèce de petit merdeux arrogant, un fils à papa dans toute sa splendeur. Son père, Nate Lewis était un des plus gros entrepreneurs de la ville. C'était un vieux porc qui idolâtrait son fils au point de ne pas se rendre compte que ce dernier était tout simplement trop bête pour entrer à Yale. Mais Nate préférait se convaincre que c'était Yale qui était trop bête pour ne pas accepter Harold.
Dans un cliquetis, la porte de ma chambre se déverrouilla, laissant apparaître une ombre élancée et droite. La personne au pas de ma porte prit le soin de la refermer derrière elle et s'avança lentement vers mon lit, où j'étais toujours allongé. Je n'arrivais pas à distinguer son visage. Ma vision était encore floue.
- Mon dieu Scarlett, comment peux-tu te mettre dans des états pareils ?!
Une voix grave retentissante dans tout l'habitacle. Je sentis une odeur que je connaissais bien. Un mélange de café et de savon, avec une pointe de tabac dans l'haleine. Nul doute, il était la seule personne que je connaissais à fumer des cigarettes mentholées. Mon frère. Son poids fit abaisser légèrement le matelas et il s'assaillit à côté de moi.
- Dure soirée ?
Je fixais encore le plafond. Ma bouche s'ouvrit dans un léger mouvement, mais aucun son n'en sortit. Ma mâchoire ainsi que ma langue restaient paralysées et ma vision se brouillait de plus un plus. D'un geste brusque, Easton m'arracha le joint de la main et se releva d'un bon.
- Prépare-toi. Je ne sais pas combien de rails de coke tu t'es mis dans le nez hier soir, mais papa t'attend. Il doit te parler ! Le chauffeur est en bas alors bouge-toi ! cracha-t-il sur un ton laissant apparaître le dégoût.
Mon frère avait toujours été le petit toutou de mon père, et cela depuis notre enfance.
« Dis Easton, si tu voyais papa avec mes yeux à moi, lui serais-tu toujours fidèle ? »
J'entendis les petites foulées d'Anna se faufiler dans ma chambre. Je sentis deux mains replètes m'attraper les épaules et me surélever.
- Allez, debout miss Scarlett.
Elle avait un accent du sud, qui était un des sujets de moqueries préférées de ma belle-mère. Pourtant elle était si gentille, Anna, elle qui avait connu la misère, là vraie.
Avec l'aide de Easton, ils me traînèrent jusqu'à la salle de bain ou Anna me déshabilla et me jeta dans l'eau chaude.
« Dis Anna, finalement c'était pour moi le bain chaud senteur rose ? »
Elle commença à me frotter le corps, me sortant petit à petit de ma léthargie. Puis une fois rincer, elle alla chercher des vêtements propres en me laissant patauger dans le bain, sans surveillance. Mais plus le voile opaque de mon esprit se dissipait, plus elles se faisaient entendre, ces satanées voix.
« Profite qu'elle soit partie te chercher tes vêtements pour te noyer.»
« Elle est vraiment bête la sudiste à laisser une suicidaire seule dans son bain. »
J'agrippais ma tête de mes deux mains. Mes parents s'étaient-ils donc appliqués à me crée aussi borderline ?
Je pris une grande inspiration. Huit ans qu'elles me hantaient, depuis la mort de mère-grand. La seule fois où elles m'ont laissée en paix c'était cette fameuse nuit d'octobre, lorsque j'avais compris que Salomé n'était pas ma demi-sœur par alliance, mais que le sang de mon père coulait dans ses veines. Elle était née seulement trois mois après moi. D'après Élise, ma belle-mère, Salomé avait été conçue le soir où mon père avait appris que ma mère attendait un deuxième enfant.
« Tu parles, elle était tellement folle qu'il ne voulait pas d'un deuxième. » Avait-elle contée un jour en ricanant à cette vipère de madame Parks, lors d'une réception publique.
« Oui, mais si c'était à refaire Élise, mon père choisirait maman, encore et encore. Tu n'es que le second choix. » Évidement, j'avais gardé ça pour moi et m'était contenté de tourner les talons.
Anna arriva à la hâte et sortit mon petit corps frêle de l'eau. Elle m'enveloppa dans une serviette et me sécha avec délicatesse. Je pouvais lire l'inquiétude et la désolation marquer ses traits. Elle ne me comprenait pas, moi qui avais tout. Pourquoi m'obstinai-je à me comporter comme cela ?
Après m'avoir habillé, elle me raccompagna jusqu'à ma chambre. Elle me positionna devant ma coiffeuse et commença a me brosser les cheveux.
- Miss Scarlett, vous faites peine à voir...
Le brouillard devant mes yeux se dissipait peu à peu et mon reflet m'apparut comme une claque en pleine tête. Si adolescente nous nous ressemblions, au jour d'aujourd'hui j'étais le portrait craché de mon père, tandis que Salomé était celui de sa mère. Sauf les yeux, elle avait les yeux bleus acier de mon père, virant légèrement vers le vert tandis que les miens étaient si transparents qu'on pourrait presque voir à travers, comme ceux de ma mère. Mon teint était blanc, semblable à de la neige, et ma crinière était châtain foncé avec de légers reflets dorés. Des cernes jonchaient mes yeux et mes joues étaient devenues si creuses à cause de mes excès que je donnais aux gens l'impression d'être malade.
Quelques minutes plus tard, je me retrouvais assise dans le bureau de mon père à l'autre bout de l'Upper East Side. Son bureau dominait Manhattan. New York était le terrain de jeu de mon père, si il m'avait fait venir à son bureau aujourd'hui, lui, qui n'aimait pas que ses enfants mettent le nez dans les affaires de son entreprise, c'est qu'il voulait que je devienne un de ses pions.
« Mais tu sais papa, j'ai peut-être hérité des voix de maman, mais j'ai aussi hérité de ton vice. Je ferais en sorte de toujours avoir un coup d'avance. »
Il se tenait dos à moi, son regard plongé sur New York qui s'éveillait. Depuis combien de temps était-il enfermé dans ce bureau ? Avait-il travaillé toute la nuit ? Ces derniers temps mon père évitait la maison. Élise n'était jamais satisfaite et même si il refusait de l'admettre, il connaissait la vraie personnalité de Salomé. C'est-à-dire aussi borderline que moi, à croire que la tare ne venait pas de ma mère finalement.
- Que me vaut ce plaisir, père ? avais-je finalement lancé d'une voix pâteuse. Il lâcha un long soupir et au bout de quelques secondes décida enfin à m'affronter.
Son regard était neutre, comme d'habitude il n'était pas étonné de me voir dans cet état. Même après tous les efforts d'Anna, la nuit dernière avait connu trop d'excès pour être camouflée. Il fit un pas vers son bureau, mais préféra rester debout. Être au-dessus était de loin sa position préférée.
- Est-ce que tu la regardes aussi comme si elle était ta soumise, Élise ?
Aucune réaction. Mon père ne cligna même pas des yeux. Son air stoïque accrocher au visage. Il avait vieilli, ses cheveux étaient gris, sa ride du lion plus prononcé et il avait perdu quelques centimètres. Mais nos traits, nos traits eux restaient semblables. Même avec l'empreinte du temps il me ressemblait.
- Je t'ai fait venir ici aujourd'hui, car il est grand temps que tu fasses tes preuves.
- Que je fasse mes preuves ? ricanais-je dans un haussement de sourcils.
Il avança pour se rapprocher de moi. Plus il avançait, plus il se grandissait. Une fois arrivé à ma hauteur, il jeta devant moi un dossier de couleur pourpre. Puis, fit volte-face et alla s'installer sur la grande chaise en cuir, derrière son bureau en marbre.
- Quand ton frère est rentré dans l'entreprise, il n'avait que dix-huit ans. Il en a vingt-six aujourd'hui. Il a fait du chemin. En temps que Hancock j'aimerais que tu t'investisses toi aussi dans l'affaire familiale
- Ce n'est pas vraiment mon délire l'affaire familiale. À part si tu disposes d'un réseau illégal qui vend de la drogue, l'immobilier ne me passionne pas.
Un léger rictus se dessina sur ses lèvres pulpeuses. D'une allure nonchalante, il s'adossa un peu plus à son fauteuil et me fixa d'un air sombre.
- Il y a un terrain à la sortie du Bronx qui m'intéresse fortement. Mais comme tu peux le savoir, tout ce que je convoite vaut de l'or, d'autres personnes sont sur le coup. Notamment l'entreprise russe, dont leur filiale est installée depuis trente ans ici, à New York. Elle est solide, possède une bonne garantit, de bons investisseurs et à du pouvoir. Beaucoup de pouvoir.
Il avait insisté sur le beaucoup, ce qui voulait dire que sous ses airs décontractés, cette entreprise l'intimidait fortement. Et comme je l'avais prévu, il avait décidé de m'utiliser pour parvenir a ses fins.
- Où veux-tu en venir ? Le coupais-je d'un ton arrogant. Tu veux que je baise avec le plus gros des investisseurs pour empêcher cette entreprise d'acquérir un bien immobilier d'une valeur de je ne sais combien.
- Pas exactement, mais tu n'es pas loin. Un nouveau rictus se dessina sur ses lèvres, puis il se redressa en appuyant ses mains sur les accoudoirs pour se lever de son siège. Vois-tu Scarlett, cette entreprise brassant des millions n'est autre qu'une des vingtaines d'entreprises qui blanchissent l'argent de la mafia russe.
Je sentis des picotements dans le bout de mes doigts, ainsi que dans mes orteils. Mon sang faisait qu'un tour. Je savais où mon père voulait en venir.
«Quitte New York »
«Quitte ton père »
«Pend-toi, seule la mort te libérera.»
«Rejoins ta mère »
«Fais-le. »
«Fais-le. »
«Fais-le. »
C'est dans les moments comme celui-ci, ou ma fierté est piétiné que les voix deviennent mes meilleures amies. Car où que j'aille, seule la mort me libérera de mon père.
« Dis Scarlett, tu les entends toi aussi, les voix dans ta tête ? »
« Oui maman, je les entends »
« Tu es si belle mon enfant, tu es ma plus belle création. »
- Ne me dis pas que tu comptais réellement me prostituer. Si ?
- Coucher avec cet homme sera ton choix, je te demande juste d'user de tes charmes et de le séduire pour le dissuader.
- Tu me demandes juste. Tu me demandes JUSTE !? m'écriai-je tout en me levant. J'en avais assez qu'il me toise de son regard hautain. Je voulais être à la même hauteur que lui, être son égal. Pourquoi n'envoies-tu pas ta salope de femme, ou bien ta bâtarde chérie faire le sale boulot ? Elle se prostitue déjà pour être dans tes bonnes grâces en suçant ce gros lard de Nate Mills et en se coltinant son idiot de fils !
J'étais en colère, cette dernière me déformait le visage jusqu'à me rendre laide. Mon mal-être me rongeait depuis si longtemps et j'avais beau crier à l'aide, personne ne venait. Au lieu de ça on m'envoyait au charbon.
- Salomé n'a aucun droit sur l'entreprise, tout comme Élise. L'actionnaire majoritaire était ta mère, mes parts ainsi que ses parts vous reviennent, à toi et ton frère. C'était l'accord passé avec ta grand-mère si je voulais faire entrer Élise et Salomé dans votre vie.
- Mère-grand était au courant ?
- Et oui Scarlett, les personnes que tu aimes n'ont pas finis de te décevoir. Il tendit sa main, attrapa le dossier et me le plaqua contre le thorax.
- L'homme dont tu dois t'occuper désire acquérir un collier. Pour qu'il se fasse autant remarquer pour un simple collier, lui qui vit tapi dans l'ombre, c'est qu'il doit avoir une valeur sentimentale. Il sera présent ce samedi pour la vente aux enchères organisée par le comité de la fondation Parks. Je compte sur toi pour me ramener le collier.
- Il en est hors de question !
- Oh que si, ma petite chérie. Il pencha sa tête et murmura à mon oreille. N'oublie pas que tu m'appartiens. Sa proximité me fit vaciller, je n'aimais pas qu'il soit trop proche de moi, je le haïssais tellement.
Une fois arrivé à la porte de son bureau, il déverrouilla la poignée et m'invita à déguerpir. C'est une fois arriver sur le pas de la porte qu'il s'exclama dans un ricanement strident.
- Qui terre a, guerre a. Tu devais t'en douter Scarlett, qu'un jour je t'enverrais au front.
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Hello les lecteurs/lectrices j'espère que vous allez bien ? Moi j'ai passé ma journée à corriger les trois premiers chapitres de cette histoire qui je vous avoue me donne du file à retordre. Je vous avoue égaler que ce chapitre a été pour moi l'un des plus difficile à écrire car je trouve qu'il ne transmet aucunes émotions... j'espère avoir réussi à vous en transmettre quelques unes.
L'intrigue se mets doucement en place et on découvre peu à peu les personnages. Attendez, le pire reste à venir et mon petit chouchou n'a pas encore débarqué !
J'essayerais d'avoir un rythme de publication assez soutenue (une à deux fois pas semaines). Le chapitre 2 devrait sortir fin de semaine mais je ne vous promet rien... il s'intitulera « l'agonie est solitude ».
N'hésitez pas à commenter, vos retours me font toujours très plaisirs !
Je suis en train de lire un livre de Lj Shen en se moment il se nomme No Tears For You. Vous l'avez lu ?
J'espère que Le Chant du Diable vous plaît.
Accrochez vous ça va secouer !
Xoxo.
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