Le vingt-quatrième

Tristan se gare devant chez les Bellegarde et je claque la portière, emportant mon sac à l'intérieur.

Louise est dans la cuisine, à préparer le déjeuner avec Inès qui me montre, fière d'elle, ses mains pleines de pâtes à cookies.

— Ça me colle !

— Noé, tout va bien ? s'enquiert la Louise.

Je monte à l'étage et claque la porte de ma chambre. J'ai juste envie de pleurer, dormir et ne pas me réveiller avant plusieurs jours.

Je vide mon sac sur mon lit et m'assois. Je déverrouille mon téléphone. Quatre appels en absence d'Abigaël, deux SMS et un message vocal. Je m'allonge et éloigne de moi l'appareil. Tout est encore trop à vif pour que j'envisage de lui parler. J'ai besoin de respirer.

Quelqu'un toque à ma porte et je sais facilement qu'il s'agit de Marc. J'entends encore Louise dans la cuisine quand il ouvre la porte. Il écarte mes affaires et s'allonge avec moi pour me prendre contre lui.

— Qu'est-ce qu'il se passe ?

Je ne dis rien et resserre ses bras.

— Je sais que c'est parfois très difficile pour toi, que tout ce que tu ressens est parfois difficile à gérer, mais on est là pour toi. On peut t'aider.

Je secoue la tête. Personne ne peut m'aider. Je suis fait pour finir seul.

— Noé...

— Abi me déteste...

Je pleure. Encore. Abigaël me déteste. Je n'ai pas besoin de voir ce qu'il m'a envoyé pour le comprendre.

— Abigaël ne te déteste pas. Je suis sûr qu'il t'aime énormément, me rassure Marc.

— Si. Je n'ai pas pu... J'ai pas pu lui dire que... Je tiens à lui. J'ai peur de le perdre.

Marc ne dit rien et me tient encore plus près de lui, son nez dans mes cheveux.

— Alors dis-lui que tu ne le laisseras pas tomber. Pour le moment, je pense que tu as besoin de respirer, mais quand tu iras mieux, appelle-le. Explique-lui la situation et assure-toi de ne plus le laisser tomber.

Je m'essuie les joues et me retourne vers lui, il me sourit.

— Et s'il ne veut plus me parler ?

— Alors explique-lui malgré tout et laisse-lui le temps de revenir vers toi.

— Et s'il ne vient jamais ?

— Ça m'étonnerait beaucoup. Mais si jamais c'est le cas, montre que tu tiens à lui.

Je me laisse bercer dans ses bras et lui fait une bise sur la joue. Sa barbe me pique.

— Tu piques...

— Je sais. Il faudrait que je me rase ?

— Non. C'est pas grave. J'aime bien.

Il embrasse mon front et m'invite à venir manger. Louise et Inès se sont démenées pour nous donner un bon repas. Des lasagnes faites maison avec des cookies en dessert. Inès est fière de nous expliquer comment elle à mélanger la pâte et comment Caleb à préparer le plat principal. Il rougit en baissant les yeux vers son assiette.

— C'était pas très compliqué...

— Bah si ! Et puis Louise était contente de le voir avec nous ! Et puis moi aussi !

— Tu dois être contente d'avoir pu cuisiner avec lui, ajouté-je. Je peux avoir l'eau, s'il te plaît, Maman.

Le bruit des couverts cesse. Tout le monde m'observe.

— Noé...

Je les observe tous et baisse les yeux. C'est sorti naturellement. Elle sourit et les larmes lui montent aux yeux. Je l'ai rendu triste ?

— Pardon.

— Non, ne t'excuse surtout pas. Je suis... Pardon.

Marc pose sa main sur son avant-bras et elle s'essuie les joues.

— Alors t'as accepté...

Tristan n'ose plus me regarder.

— Oui, confirmé-je.

— C'est bien. C'était le mieux à faire.

Tristan quitte la table en s'excusant et monte à l'étage. Je vois les larmes dans ses yeux. Il m'en veut d'avoir accepté ? Je me lève de table et débarrasse mon assiette. Personne ne me retient quand je prends ma planche de skate et quitte la maison. Abi, Louise, Tristan... Pourquoi je rends tout le monde triste ?

Je roule jusqu'au parc, un air de musique dans la tête et m'arrête pour m'asseoir sous notre arbre. Là où j'ai embrassé Abigaël pour la première fois. Mon téléphone est encore dans ma chambre. Je ne peux pas l'appeler. Je me contente de regarder l'herbe. Un ballon roule jusqu'à moi et un petit garçon lui court après.

— Bonjour !

— Bonjour... C'est ton ballon ?

Il hoche la tête et je le lui rends. Ses petits bras serrent la balle contre son ventre.

— Merci !

— Eliott !

Je connais cette voix. Je lève la tête et aperçois Ulysse. Arrivé près de lui, il prend le petit garçon dans ses bras qui se laisse faire.

— Je ne veux pas que tu t'éloignes de moi. Et qu'est-ce que je t'ai dit ?

— On ne parle pas aux personnes qu'on ne connaît pas... complète le petit garçon. Mais il avait mon ballon.

— Et bien la prochaine fois, tu feras attention à ne pas tirer trop fort dans le ballon.

— D'accord...

Il repose l'enfant et il lui tient fort la main.

— Bonjour Noé...

— Bonjour. C'est ton petit frère ?

— Non...

— C'est mon papa !

Le visage d'Ulysse se décompose et il se frotte le front de sa main libre.

— N'en parle à personne à l'école, me réclame-t-il. S'il te plaît, je n'ai pas envie qu'on y parle de moi et encore moins de lui.

— Papa ! Je peux aller faire du toboggan ?

Il se retourne vers lui et Eliott tire le bras d'Ulysse pour le faire aller plus vite. Je me lève, prends le ballon et l'étudiant sourit.

— Il a quel âge ?

— Trois ans.

— Et demi ! ajoute Eliott.

Le petit garçon commence à grimper les marches du toboggan et Ulysse veille consciencieusement sur lui.

— Abigaël le sait ?

— Personne ne le sait. Seulement mes parents. Et sa mère, évidemment.

— Regarde Papa ! Regarde !

— Je te vois !

Il glisse et remonte les marches. Ulysse est toujours derrière lui, ses mains posées sur son dos pour ne pas qu'il tombe.

— Elle est là ? demandé-je, un peu curieux de la rencontrer.

— Elle me l'a confié le jour de sa naissance. Elle ne veut pas s'occuper de lui.

Eliott rit, loin d'être intéressé par notre conversation et fait une bonne dizaine glissade avant de prendre la main de son père.

— Elle le voit seulement le jour de Noël et pour son anniversaire, précise-t-il.

L'enfant est attiré vers le petit stand de confiserie. Mais il ne réclame rien. Son père le voit bien.

— Tu veux quelque chose ?

Il secoue la tête.

— T'es un ami de mon papa ? s'adresse-t-il à moi.

— On va à l'école ensemble, ajouté-je.

— Oh !

Il attrape ma main. Sa paume est toute petite entre mes doigts.

— Je peux avoir une crêpe, s'il te plaît ?

— Avec le mot magique, ça marche toujours.

Eliott sourit et tire sur nos mains. Ulysse sourit à Eliott. Il a eu son fils à seize ans. Qu'est-ce qui peut définir quelqu'un comme un bon parent ?

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