Le vingt-deuxième
Nos bols de pâtes traînent sur la table basse. Nous sommes allongés l'un contre l'autre sur le canapé de la véranda, emmitouflé sous un plaid avec des canettes de thé glacé dans les mains. Abigaël me câline en passant ses doigts dans mes cheveux. Nous nous sommes permis de ne penser à rien pendant quelques minutes avant d'entamer la discussion de toutes les révélations. Nous avons des secrets à dévoiler. Sa joue se pose sur le haut de ma tête et ses bras se resserrent autour de ma taille.
— Tu vas trouver ça complètement fou, mais j'ai fait un pacte avec mes parents... commence-t-il en reposant sa boisson sur la table. Ils acceptent que je puisse vivre comme je veux, avec qui je veux, jusqu'à ce que tous les deux prennent leurs retraites. Tout en me rendant de temps en temps à des réunions.
Je dépose ma canette et presse davantage ses mains contre ma peau.
— Après, je devrais me poser avec quelqu'un et gérer l'entreprise. Et franchement, je ne vais pas me plaindre. J'aime ce qu'ils font. Mon secret est pas si grandiose que ça en fait...
Il rit un peu et je ferme les yeux. Je me sens en sécurité dans ses bras. Assez pour lui dire toute la vérité.
— Louise et Marc ne sont pas mes parents, débuté-je.
— Tu sais, je m'en serai douté un peu, m'apprend-t-il. Physiquement, personne ne se ressemble dans ta famille. Sauf peut-être toi et Tristan.
— Parce qu'on est frère. Biologiquement.
Mes doigts retracent les lignes de sa main. Je dois continuer.
— Tu connais Niives ? demandé-je en me mordant la lèvre.
— Le groupe de rock des années 90 ? Un peu. Pourquoi ?
— Mon père était le guitariste.
— Oh ! Alors ça... C'est cool d'avoir un père célèbre ?
— Je ne sais pas. J'étais trop petit pour vraiment me rendre compte. Et puis, il a arrêté la musique après le procès d'il y a dix ans.
— Le studio qui a cramé ? Merde...
— Ma mère l'a brûlé.
— Double merde. C'est pour ça que tu vis chez Marc et Louise ?
— Pas vraiment...
Il se relève pour venir s'asseoir en face de moi et me caresser la joue.
— Noé, tu sais que tu peux tout me dire...
Mes yeux s'embrument. Je m'en veux de lui gâcher ce week-end.
— Hey... Si c'est trop dur pour toi, on peut en reparler demain.
— Non. Je veux profiter de chaque seconde avec toi. Et ce n'est pas en pensant à ça que je vais y parvenir.
— Alors je t'écoute avec attention.
Il me sourit tendrement et je me colle contre son torse. J'ai besoin de sentir que je compte pour lui. Son cœur bat vite dans sa poitrine. Il tient à moi.
— Mon père était violent. L'alcool l'a rendu violent.
— Il... Il te frappait ? hésite Abigaël.
— Pas moi. Tristan...
Il appuie son front contre mon épaule.
— Il mérite pas d'avoir des personnes comme vous dans sa vie...
Je caresse ses cheveux. Ce n'est que le début de la vérité.
— Ma... Ma mère avait des problèmes, continué-je.
— De quel genre ?
Je recule un peu pour lui montrer mon avant-bras et il redresse la tête pour l'observer.
— J'avais huit ans et elle...
Mon index retrace la longue cicatrice qui creuse la chair.
— Me dit pas qu'elle a fait ce à quoi je pense. Sinon je te jure que...
Je m'étais juré de ne pas pleurer, pensant que cette histoire était loin derrière moi. Mais dès que je repense à elle, je revois le sang et cette douleur qui lacère ma peau. Je pleure devant Abigaël. Je pleure sans parvenir à m'arrêter.
— Noé...
— Elle n'a jamais voulu de moi, sangloté-je. Elle m'a jamais aimé. Je te promets que je fais tous les efforts du monde pour me dire que je ne suis pas fautif. Mais je revois son visage et j'entends sans cesse les mots qu'elle me dit. Elle ne voulait pas d'un enfant comme moi.
Je m'essuie le visage sans parvenir à arrêter mes pleurs. Je suis ridicule et stupide.
— J'aurais voulu être normal. Être comme les autres.
Les mains d'Abigaël m'obligent à me tenir contre lui et je continue de pleurer.
— Elle mérite pas d'avoir un fils comme toi...
Il embrasse mon front et y repose le sien.
— Je crois que je mérite même pas de t'avoir dans ma vie.
— Abi...
— Je sais que tu voulais attendre un moment de calme pour qu'on se le dise, mais...
Il redresse la tête, une larme coule sur sa joue et il sourit.
— Je t'aime Noé. Avec tes fêlures. Avec ton TSA. Ton toi et tes magnifiques yeux gris. Tes boucles blondes. Ta cicatrice à ton bras et à l'âme. Ton corps que j'ai envie de découvrir et ta peau que j'ai envie d'embrasser. Je t'aime toi. Toi tout en entier.
— Abigaël...
— Et c'est pas grave si tu ressens pas la même chose ou avec moins de force. Parce que je te promets que je peux t'aimer suffisamment pour deux.
Il rit nerveusement.
— C'est pas, du tout, une phrase clichée, commente-t-il.
Je me redresse sur mes genoux pour prendre son visage en coupe entre mes mains et l'embrasser. Il m'aime. Abigaël m'aime. Il m'aime moi tout entier. Ses mains partent dans mon dos et il m'embrasse encore et encore. Je l'aime. Il m'aime. On s'aime. Je suis amoureux.
Il se lève du canapé et me prend la main. On s'embrasse à chaque seconde. Nos corps se réclament. Je sais qu'il se passera quelque chose ce soir et j'en ai besoin. Qu'importe si je sais que demain sera la pire des journées, ce soir, je veux profiter de lui. Je veux oublier ma vie dans ses bras.
Nous grimpons dans sa chambre et il jette son sweat au sol une fois la porte fermée. Sa peau est éclairée par la simple lumière de la Lune. Mes doigts s'aventurent sur son torse.
— T'es beau...
Sa main se déplace sur ma hanche.
— Toi aussi.
Nous grimpons sur son lit et je me débarrasse de mon haut. On s'allonge sur le lit sans jamais quitter le corps de l'autre.
— T'as déjà fait... tout ça ? lui demandé-je.
— Oui.
Il dépose un baiser dans ma nuque et un frisson parcourt mes bras.
— Mais jamais avec quelqu'un comme toi...
— C'est un compliment ?
Je le sens sourire contre ma peau. Il se relève sur son coude et se rapproche de moi. Sa main continue de caresser délicatement mon ventre et mes côtes.
— Tu es le seul avec qui j'ai envie de faire tout ça.
Ses doigts se perdent sur mes reins. Un plus grand frisson glisse sur ma colonne et je passe mes bras dans sa nuque pour me raccrocher à lui, cachant mon visage dans sa nuque. Mon ventre se contracte et j'ai de plus en plus chaud.
— T'as peur ?
Je secoue la tête avec un petit ''non'' essoufflé. Il recule un peu son visage et je ferme plus fort les yeux en entendant un petit rire. Je sais ce qu'il voit et j'en ai un peu honte.
— Personne t'as jamais...
— Non.
Abigaël me repose sur le matelas et dépose un baiser sur ma tempe.
— Tu m'autorise à être le premier ?
Je hoche la tête et il se penche pour m'offrir un baiser. Je veux qu'il soit le premier pour tout. Mes doigts se raccrochent à lui tandis que sa main descend de plus en plus au bas. Je resserre les cuisses par réflexe et son rire percute mes lèvres.
— Si tu en as envie, il va falloir que je puisse le faire.
— Pardon...
— C'est pas grave si tu ne veux pas. On peut attendre.
Mes lèvres se pincent et j'observe le ciel à travers la vitre au plafond. Après une petite expiration, je prends sa main dans la mienne et la pose sur mon sexe.
— Je veux que tu le fasses Abigaël.
Il m'embrasse, retire sa main et se penche vers son sac près de la table de nuit.
— Ça sera plus simple avec du lubrifiant... J'ai pas envie de te faire mal.
Je l'observe avec attention se mettre une dose dans la paume et il revient s'allonger contre moi et sa main retrouve sa place. Un garçon me touche. Non. Abigaël me touche. Ses doigts glissent sur moi avec une facilité déconcertante. Je me mords la lèvre inférieure pour ne pas faire trop de bruit, mais c'est plus fort que moi. Je gémis. Il m'embrasse.
— Je peux te toucher ? demandé-je à mon tour.
Il prend ma main pour la poser sur son ventre. Sa peau est toute chaude et je frémis.
— J'ai pas envie de... de faire... de le faire pour de vrai, expliqué-je avec hésitation.
— On est pas obligé, me rassure-t-il. On peut juste... se caresser.
J'accepte et on se retrouve complètement nus l'un contre l'autre, nos jambes emmêlées, nos mains partant à la découverte du corps de l'autre.
— Ça te plaît ? m'assuré-je.
— Tout ce que je fais avec toi me plaît, Noé.
On se caresse, s'embrasse, se découvre doucement, pleinement. Avec l'envie d'en vivre toujours plus. Cette nuit, je fais l'amour pour la première fois. Cette nuit, je fais l'amour avec Abigaël sous les étoiles.
Et j'adore ça.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top