Le trentième

Je déteste les commissariats. Et encore plus le regard insistant du policier devant moi. Je n'ai que des mauvais souvenirs de ces lieux. Louise presse mon épaule et Marc me sourit faiblement. Je n'ai toujours rien dit depuis que je me suis levé ce matin. Pourtant, le souvenir de la soirée veille me reste en tête. Simon est toujours là et ne veut pas partir.

— Nous vous avons déjà tout dit, proteste Louise. Cela ne suffit pas ?

— Malheureusement non. Je ne peux pas prendre en compte votre témoignage au même titre que celui de votre fils. J'ai besoin de ses mots à lui.

Je tords mes doigts. Tristan sait tout. Est-ce que tout le monde doit aussi tout savoir ? Leurs regards me font comprendre que oui. Mais je n'en ai pas envie. Je secoue la tête.

Louise se rapproche un peu avec sa chaise et me rassure en me prenant la main.

— Noé, nous sommes là pour t'aider. Ce que ce garçon t'a fait... C'est puni par la loi.

Je regarde Louise, Marc puis l'agent de police devant moi. Je dois le dire. Simon ne doit pas faire de mal à quelqu'un d'autre.

— Je suis allé à une fête avec mon petit-ami...

J'attends que l'homme commence à écrire sur son ordinateur pour continuer. Je ne dois parler que de Simon et de ce qu'il s'est passé dans la chambre.

— C'était hier soir dans la maison d'un étudiant de mon école mais je ne sais pas son nom. À un moment, je suis allé dans la cuisine pour boire mon verre et un étudiant est venu me parler. Simon. Il avait des baskets jaunes et un pull gris. Et des cheveux noirs. Je crois. Il est étudiant dans mon école. On a parlé un peu et j'ai voulu retourner voir mon petit-ami, mais Simon m'a retenu. Et je me suis laissé faire.

Le policier arrête d'écrire et se tourne vers moi.

— Tu t'es laissé faire ?

— Je crois qu'il avait mis quelque chose dans mon verre. Parce que je faisais ce qu'il voulait. On est monté dans une chambre. Je me suis allongé sur un lit et je ne pouvais pas bouger... J'avais froid. Il était sur moi...

Je vois les larmes dans les yeux de Louise et Marc. Ils n'avaient pas cette version de l'histoire. Ils ne méritent pas d'être tristes par ma faute. Moi, je ne pleure plus. Je l'ai fait toute la nuit dans les bras de Tristan.

Le policier nous demande de l'excuser et il sort du bureau. Pour revenir quelques minutes après, accompagné d'un autre agent.

— Bonjour Noé, mon collègue m'a parlé de ce qu'il t'est arrivé. Est-ce que tu te souviens si ta boisson avait une odeur, une couleur ou un goût différent ?

— Non... C'était toujours du jus de pomme.

Les deux hommes se regardent et celui qui m'avait rencontré au début, reprend la rédaction de ma déclaration.

— Est-ce que des gens vous ont vu dans la chambre ou y monter ?

— Mon ami et mon petit-ami. Et d'autres sont arrivés après. Eux, je ne les connais pas.

— Comment s'appellent ton petit-ami et ton ami ?

— Abigaël Larcher et Ulysse Korel. Ou Sorel. Pardon, je ne me souviens plus de son nom de famille...

— Ce n'est pas grave.

Son sourire se veut rassurant.

— Ils vous ont vus sur le lit ?

— Oui. Abigaël a poussé Simon et l'a frappé.

Le policier arrête d'écrire et je me mords la lèvre. J'en ai trop dit.

— Je ne veux pas qu'il ait de problèmes ! m'écrié-je.

Le second agent me rassure et me demande de me calmer.

— Si ce que l'on suppose est vrai, tu n'étais pas en état de te protéger. Alors ton petit-ami ne devrait pas avoir de problèmes.

—C'est vrai ?

— Il va falloir les versions de chacun, mais normalement, oui.

— D'accord.

Ils me demandent d'autres informations et je leur donne toutes celles que je connais.

— Est-ce que nous pourrions avoir vos numéros de téléphone pour vous recontacter pour la suite ? s'adresse-t-il à Louise et Marc.

Ils donnent aux policiers de quoi nous contacter et les deux hommes nous raccompagnent vers la sortie.

— Noé, si tu te souviens d'une autre information concernant Simon, n'hésite pas à venir nous voir.

Je ne pourrais pas refuser de les aider à arrêter Simon. Personne d'autre ne doit souffrir parce que j'ai été trop lâche pour le dénoncer.

Nous repartons vers la maison. J'ai maintenant envie de ne plus bouger de mon lit.

Dans le salon, j'aperçois une chevelure rousse. Abigaël est assis sur le canapé, Inès s'accroche à son bras et Caleb est non loin de lui. Ils regardent un dessin animé. Mon petit-ami les abandonne pour venir me voir.

— Qu'est-ce que tu fais là ? demandé-je faiblement.

— Je l'ai invité, m'annonce Marc en retirant sa veste. Je crois que vous devriez discuter un peu tous les deux.

Abigaël me prend la main pour que nous montions dans ma chambre. Nous nous asseyons contre la tête de lit. Abigaël prend ma peluche renard entre ses mains et joue avec les oreilles. Je devine sans mal l'inquiétude qu'il ressent pour moi.

— Les policiers ont dit quoi ?

— J'ai parlé de vous et vous allez être interrogé, je crois. Mais je crois que tu vas avoir des problèmes, prévins-je. J'ai dit au policier que tu avais frappé Simon...

— Je m'en fous. Je ne pouvais pas le laisser faire. Et puis avec un peu de chance, mes coups passeront pour de la légitime défense. Vu ton état, tu ne pouvais pas te défendre toi-même.

— Le policier m'a dit la même chose.

— Alors tu n'as pas à t'inquiéter.

Il m'embrasse et s'allonge avec moi.

— On réglera cette affaire tous ensemble, promet-il.

J'ai confiance en lui. Il sera là.

Je trace des lignes sur sa main et il sourit.

— Quoi ?

— Je crois que je comprends ton frère pour la façon dont il a réagit le week-end où tu es venu chez moi.

— Comment ça ?

Je fronce les sourcils et il les redessine avec son index.

— Tes yeux sont magnifiques, me complimente-t-il.

— Abigaël Clément Matthieu Larcher. Ne change pas de sujet.

Il rit et m'embrasse.

— C'est nouveau que tu m'appelles par mon nom complet !

— Forcément, puisque tu ne réponds pas.

— Et c'était quoi la question ?

— Sur quel sujet tu comprends mon frère ?

— On cherche à te protéger. C'est juste ça.

Tout le monde cherche à me protéger et je crois qu'ils continueront, même pas quand j'aurai quitté la maison. Je me rapproche encore et me raccroche à son sweat.

— Tu sens l'abricot...

— Mon gel douche.

— J'aime beaucoup.

Abigaël passe ses doigts dans mes cheveux. Je retiens sa main encore un peu. J'ai besoin de le sentir avec moi.

— J'ai peur, Abi...

— Je suis là. Je suis avec toi.

Il me ramène encore davantage contre son torse et caresse mon bras.

— On t'aidera tous. Moi, ton frère, Louise et Marc. Nous serons là pour toi. Toujours.

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