Le trente-deuxième
Je ne rêve pas. À l'autre bout du jardin, Ulysse fait du charme à Tristan. Qui lui, imbécile comme il est, ne voit absolument rien. Je ne sais pas lequel des deux me désole le plus. La main d'Abigaël sur ma cuisse me ramène auprès de lui.
— Ça te dérange à ce point qu'ils se ''draguouillent'' ?
— Oui. Tristan est mon frère et Ulysse est mon ami.
Je ne sais pas ce qu'ils se racontent, mais ils sont passionnés par la conversation. Abigaël coupe court à mes pensées avec un baiser.
— Ils sont majeurs tous les deux et ils savent ce qu'ils font.
Tristan éclate de rire et se couvre la bouche avec sa main. Il déteste son rire. Ulysse sourit comme un idiot.
— Mon frère est fragile. Émotionnellement. Il n'est pas prêt à ressortir avec quelqu'un.
— Tu lui as demandé ?
— Non. Mais je le sais. Je le connais.
Abigaël ramène mes jambes sur les siennes et caresse mes cuisses.
— Et moi je connais Ulysse. Ce n'est pas quelqu'un de mauvais. Il peut franchement être casse-bonbon des fois, mais c'est un chouette gars.
— Il est casse-couille ?
Il prend un air choqué et se couvre la bouche.
— Noé ! D'où sors-tu ce très vilain mot ?
J'ai envie de lui répondre qu'il vient de ses fesses, mais il le prendrait mal. Alors à la place, je l'embrasse.
— Mon frère mérite quelqu'un de bien. Quelqu'un de fantastique. Il doit arrêter de souffrir.
Mon frère sourit et montre quelque chose sur son téléphone à Ulysse, qui se penche pour mieux voir l'écran. Je ne veux pas que ce soit Ulysse. Non pas que je ne pense pas que ce soit quelqu'un de bien, mais il ne convient pas pour Tristan. Pas avec ce qu'il a vécu. Abigaël me ramène encore vers lui. Nous ne nous regardons pas et restons fixés sur eux.
— Tu te rends coupable ?
— Je le suis. Parce que je suis comme je suis et que des personnes auront toujours du mal à comprendre. Ma propre mère ne m'a pas comprise. Mon père ne supportait pas de devoir s'occuper de moi. Il ne le disait pas, mais je le savais très bien. Tristan a toujours tout géré. Tout seul.
— Vous deux, c'est quelque chose.
— On fait du mal à l'un, on blesse l'autre. Profondément.
— Et celui qui ne le comprend pas est un idiot.
— Heureusement que tu ne l'es pas.
Son sourire me fait frissonner et je caresse sa main.
— Il y a des liens que l'on ne peut pas expliquer. Du genre indéchiffrable ou incassable.
— Le notre est comment ?
— Un peu des deux je crois.
Louise nous interrompt en venant sur la terrasse avec nous. Elle me tend un courrier et sourit à la scène que nous voyons tout au fond du jardin.
— Ulysse est gentil et plutôt mignon comme garçon.
Abigaël glousse et je m'empourpre. Elle aussi voit, mais cela ne semble pas l'inquiéter de voir Tristan traîné avec lui. Je dois vraiment en parler avec lui.
J'ouvre l'enveloppe et lis rapidement. Plusieurs fois. Louise ne me regarde pas, mais sourit. Je relis la lettre. Leur demande d'adoption va passer devant un juge et sera acceptée sans grand risque de refus. Dans quelques semaines, je porterai leur nom. Je me lève du canapé et me jette contre elle. Elle me serre fort.
— Mon petit garçon...
Louise est ma mère. Pas Olivia. Je la serre plus fort et elle rit. Je lui embrasse une dizaine de fois les joues et cours à l'autre bout du jardin pour sauter sur Tristan en l'appelant. Il se retourne et n'a pas le temps de me rattraper. Nous tombons tous les deux par terre sous le regard intrigué d'Ulysse.
— Et bah dis moi ! Ça, c'est de la marque d'affection.
Je presse ses épaules et souris. J'ai mal aux joues.
— Ça y est !
— Quoi ?
— Louise et Marc vont m'adopter !
Il sourit et me prend dans ses bras. Mon cœur bat fort.
Il secoue mes cheveux et je rejoins Abigaël qui me sourit en écartant les bras. Il sait. Je me laisse aller contre lui.
— Serre-moi fort, réclamé-je.
Ses bras me pressent encore. Notre bulle à nous.
— Je suis heureux pour toi mon petit cygne.
— Je suis heureux que tu fasses partie de ma vie Abigaël.
Il embrasse ma joue.
— Vous devriez rester manger, propose Louise. J'ai fait des lasagnes.
Abigaël est heureux de rester. Ulysse sourit à mon frère. Son attirance pour lui est flagrante. J'espère qu'il n'abusera pas de mon frère et des sentiments qu'il pourrait avoir.
Nous nous serrons autour de la table de la salle à manger pour faire tenir tout le monde. Mon monde à moi. Ça y est. Je touche du bout des doigts ce qu'il m'avait toujours promis. Ce n'est plus juste un rêve. J'ai le droit d'être heureux. J'ai le droit d'être comme les autres.
Et je veux encore aller plus loin. Avec Abigaël.
Après le repas, Tristan décide de ramener Ulysse qui ne refuse pas son offre. Mon frère se laisse aller. Je veux qu'il sache où aller avec Ulysse. Il ne doit plus souffrir.
Abigaël reste dormir, malgré le retour de ses parents et je sais ce que je veux pour la suite. Rien ne me laissera changer d'avis.
Nous prenons chacun notre douche l'un après l'autre et nous nous allongeons sur mon lit. Le matelas au sol a disparu depuis bien longtemps.
— On peut mourir de bonheur ? lui demandé-je.
— Je sais pas du tout.
Encore son sourire que j'aime tant. Ses doigts caressent mes cheveux.
— J'ai envie de faire l'amour avec toi, décrété-je. Ce soir.
Abigaël se pince les lèvres.
— Tu n'as pas trop de choses en tête ?
— Rien de trop triste ou douloureux. Je suis heureux.
La sensation de ses lèvres sur les miennes n'est qu'une caresse.
— Tu es sûr de toi ?
— Oui. J'ai envie qu'on fasse l'amour.
Il prend mon visage entre mes mains et me tire vers lui pour l'embrasser. Je l'oblige à me relâcher pour retirer mon haut et il retire le sien. Nos autres vêtements pour la nuit disparaissent aussi et il grimpe sur mes cuisses pour mieux nous allonger par la suite.
On se caresse, s'embrasse. Toutes ces choses que j'aime faire avec lui. Simon a complètement disparu de mes pensées. Il n'y a qu'Abigaël et sa tendresse.
Il est allongé sur le dos et je me tiens entre ses cuisses. Sa main caresse ma nuque.
— Prends-moi. Prends cette partie de moi que je n'ai jamais donné à personne.
— Ce soir ?
— Ce soir et d'autres aussi. J'espère.
Il déchire un emballage et positionne un préservatif sur moi. La sensation est plutôt étrange. Mais je m'y fait rapidement. J'hésite à bouger.
Sa main m'oblige à plonger mon regard dans le sien.
— Noé, regarde moi.
— Je vais te faire mal...
— Jamais de la vie.
Sa main remonte dans ma nuque pour caresser mes cheveux.
–Je suppose que tu dois encore penser à plein de choses... Mais oublie les. Ce soir, c'est juste nous. Le reste, on s'en fout.
Je lui souris et il se penche vers mes lèvres pour me voler un autre baiser.
— T'es prêt ?
— Oui.
J'ose. Un peu maladroitement. Mais c'est bien. Il mène, me guide. Déplace parfois mes mains, me dit d'aller plus doucement ou un peu plus vite, embrasse ma peau et gémit tout autant que moi. Je fais l'amour avec Abigaël... Je fais l'amour avec Abigaël. Je fais l'amour avec Abigaël ! Et c'est encore meilleur que ce que je ne m'imaginais. Ma vie, je l'oublie. Il n'y a que lui. Que nous. Un tout. Son corps, sa chaleur, sa douceur. Ses mains, ses baisers, ses caresses. Mon cœur bat si fort. J'ai l'impression de vraiment vivre pour la première fois. Il me sourit, me dit des mots doux, me rassure. Ce qu'on faisait avant était bien, mais là, c'est complètement différent. C'est fantastique. Il m'embrasse encore. M'entoure de ses bras. Ses doigts glissent dans mon dos et sur mes fesses. Je fonds. Je m'embrase. Abigaël est incroyable.
Nous frôlons les étoiles puis retombons sur le matelas. Ma tête tombe sur son épaule. J'ai fait l'amour avec Abigaël.
— C'était bien ?
Il rit et soupire.
— C'était incroyable...
— Tant que ça ?
Son sourire est éclatant.
— T'as pas idée.
Sa main caresse ma joue et la mienne son épaule. Il m'aime. Et moi, je l'aime si fort. Je n'ai jamais aimé avec autant de force. De toute ma vie.
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