Le seizième
Abigaël se défait de moi pour retourner sur son lit et caresse mon buste. Moi, je regarde le plafond et le luminaire au centre. On vient de faire quelque chose de tout nouveau pour moi. Mais ça m'a vraiment plu. Je sens encore cette chaleur à l'intérieur de mon ventre.
— Désolé... Je pensais pas qu'ils rentreraient si tôt, s'excuse Abigaël.
Il se relève sur ses coudes pour me voler un baiser et quitte définitivement le matelas, ajustant son haut et son jean. Je ne bouge toujours pas et il se baisse vers moi. Je souris.
— T'es déjà fatigué ?
— Non. Un peu. C'est beaucoup, avoué-je enfin.
Le bord du matelas s'affaisse sous son poids. Ses doigts se perdent dans mes cheveux puis descendent sur ma joue.
— Tu as ressenti beaucoup de choses ?
— Oui. Mais c'était bien.
— Si tu veux, un jour on le fera sans vêtements. Là, ça sera encore mieux, soupire-t-il contre mes lèvres.
Je frémis rien qu'à l'idée de l'avoir entièrement contre-moi et sans barrières. Mais ça me fait un peu peur, aussi.
— Allez, lève-toi, petite marmotte. S'ils te voient ici, on est mort tous les deux.
Abigaël récupère son sweat-shirt et le remet sur son dos. Mon cœur l'apprécie énormément, mais mon cerveau ne cesse d'émettre des doutes.
— Abi ?
Son regard brun me percute. Je me gratte le doigt.
— On est quoi, nous deux ?
Je me gratte plus fort. Si la réponse qu'il me donnait n'était pas celle que j'attendais ? Est-ce que ça voudrait dire que depuis le début, je fais fausse route et qu'Abigaël ne profite que de moi et de ce que je ressens pour lui.
Il relâche la poignée et attrape doucement ma main pour que j'arrête de m'abîmer la peau.
— J'ai aucune envie que tu penses que je profite de toi. Parce que ce n'est pas le cas. Je tiens sincèrement à toi, Noé.
Il ne m'en faut pas plus pour que je me lève et vienne déposer un baiser sur le coin de sa bouche. J'aime l'embrasser.
Je quitte sa chambre et je l'entends me rattraper dans le couloir. Il passe sa main sur mon ventre et commence à embrasser ma nuque de plusieurs baisers.
— J'adore savoir que tu es chatouilleux.
Je me pince les lèvres pour ne pas éclater de rire et je tente de le repousser du mieux que je peux. Mais je n'ai vraiment pas de volonté. Des voix se font entendre au rez-de-chaussez et Abigaël me relâche pour simplement me tenir la main et me faire rencontrer ses parents. Je reste en retrait derrière lui.
— Bonjour fils.
— Bonjour Papa. Bonjour Maman.
Ses parents ressemblent aux photos que j'avais vues d'eux. Avec le sourire de convenance en moins.
— Qui est ce garçon avec toi ? demande sa mère en retirant son manteau.
— Noé. On est dans la même classe.
— Donc un ami à toi, précise son père.
— Pas exactement.
Ses parents se regardent, s'interrogeant probablement sur la nature de notre relation et avisent nos mains liées. Abigaël serre plus fort mes doigts.
— Si vous voulez bien nous excuser, je dois ramener Noé chez lui.
Son père n'a pas le temps de faire un commentaire qu'Abigaël est déjà dehors, à marmonner. Ses mains frottent son visage et il me donne un sourire.
— Allez, viens. Faut pas que tu sois en retard.
Nous ne parlons pas dans sa voiture. Il ne met pas de musique. Je ne ressens autour de moi que les sentiments contradictoires qui l'habitent.
Il se gare dans la rue de la maison des Bellegarde et son téléphone vibre au même moment. Il le sort de sa poche et son visage se décompose.
— Abi ?
Il rit amèrement et jette son portable sur le tableau de bord.
— Je suis désolé, mais on pourra pas se voir demain.
— Je croyais que tu partais demain soir ?
— Et non ! Mes parents ont eu l'excellente idée de décaler le vol à cette nuit pour arriver plus vite.
Son front repose contre le volant.
— T'as pas idée d'à quel point je les déteste...
— Tu es majeur, tu ne pourrais pas rester ici ? l'interrogé-je avec sérieux.
Il rit et s'enfonce au fond de son siège.
— La bonne blague ! Faudrait déjà qu'ils me considèrent comme tel d'abord.
Sa main essuie ses joues et il se tourne vers moi.
— Pardon. C'est juste que si j'avais pu, je serai déjà parti depuis bien longtemps. Mais je peux pas.
Nous ne disons rien pendant quelques minutes, le temps de se faire à l'idée que dans quelques heures, Abigaël traversera l'océan pour le continent américain.
Sa main finit par attraper la mienne et il embrasse mes phalanges.
— Passe pas trois mois à m'attendre. Je te demanderais pas ça. Surtout qu'on ne sait même pas si on va tenir avec la distance. Tout ce qu'on est, c'est encore récent.
— Je m'en fiche Abi, affirmé-je en câlinant sa peau. Que je doive t'attendre trois mois, un an ou une décennie. Je tiens énormément à toi. Et je ne sais pas ce qui nous attend pour la suite, mais ça aussi, je m'en fiche. Parce qu'on sera ensemble.
Abigaël se pince les lèvres et ses yeux s'embrument. Tout est aussi de trop pour lui et ça me fait du mal de savoir que je ne peux pas l'aider comme je le voudrais.
— Noé, je t-
Je le fais taire en posant ma main sur sa bouche. Je devine parfaitement ce qu'il souhaitait me dire.
— Non. Ne le dis pas. Pas aujourd'hui. C'est trop tôt. Et je ne veux pas que tu me le dises alors qu'on est encore sûr de rien en ce qui nous concerne. On se le dira quand on sera vraiment prêt.
— Je crois que c'est une bonne idée.
On se sourit et s'offre un dernier baiser. Simple et sans prétention. Mais il me fait du bien.
Abigaël me rend heureux. Je suis bien avec lui.
— À dans trois mois...
— Tu vas me manquer, précisé-je.
— Toi aussi et beaucoup. On s'appellera ?
— Promis.
Nous nous enlaçons une dernière fois et je sors de sa voiture après un signe de main. Je passe la porte d'entrée. Abigaël. Abigaël est parti. Je n'ai pas le temps de me rendre compte qu'il vient de me laisser pour de nombreuses semaines, que mon téléphone sonne. Un numéro inconnu.
— Allô ?
— Salut fiston...
Mon père. Mon père m'appelle. Il ne l'a jamais fait en six ans. Je ne sais même pas comment il a eu mon numéro et je m'en fiche un peu. Tout ce que je sais, c'est qu'il est là, à l'autre bout de la ligne.
— Tu... Tu ne devrais pas m'appeler.
— Écoute, je sais que j'ai été très direct la dernière fois et je sais que je n'ai aucun droit de te retirer à cette famille. Mais j'aimerais vraiment te revoir. Au moins une petite heure. Tu me manques Noé... Juste... Laisse-moi te voir et j'abandonnerai mes droits envers toi, définitivement. Je ferais n'importe quoi pour me rattraper. Crois-moi, je veux juste que tu sois heureux.
Je me laisse tomber contre le mur, les larmes aux yeux. Pourquoi lui parler fait aussi mal ?
— Je veux pas...
— Noé, je t'en prie.
J'entends le sanglot dans sa voix.
— D'accord. Mais un lieu public, exigé-je.
— Tout ce que tu voudras. Demain, ça t'irait ? On ira dans un café.
— D'accord...
— Génial. Je t'envoie l'adresse et l'heure dès que je peux.
— Oui...
— Bonne journée, mon chéri.
Je raccroche, baisse la tête et ferme les yeux. Je me sens terriblement vide. J'ai besoin d'en parler à Tristan. Lui demander si j'ai pris la bonne décision. Je l'appelle et il répond aussitôt.
— Tristan...
— Salut frangin ! Qu'est-ce qu'il y a ?
Il n'est pas ivre. Il semble heureux. J'entends son chat derrière lui. Je m'en veux déjà.
— Noé, qu'est-ce qu'il se passe ?
Il va me détester.
— Ton silence me fait flipper. Dis-moi.
— Je vais revoir Papa, finis-je par avouer.
Un long silence puis Tristan jure dans le combiné.
— T'es inconscient ! crie-t-il. Ne va pas le voir ! Je te jure que si tu vas le voir, je te tue !
— Je vais aller le voir, confirmé-je en m'essuyant les joues. Tu n'as pas à prendre cette décision à ma place.
— Arrête de faire l'idiot ! Tu veux prouver quoi à la fin ?
— Tristan...
Il soupire et je pleure.
— Frangin, je veux juste que-
Je lui raccroche au nez. Je ne suis pas en colère ou triste. Non. C'est plus que ça.
Inès me rejoint dans l'entrée et serre sa peluche contre elle.
— Noé ?
— Dégage... soufflé-je en me relevant.
— Pourquoi t'es triste ?
— DÉGAGE PUTAIN ! hurlé-je.
Louise nous rejoint en me jette un regard noir. Inès a les larmes aux yeux et commence à pleurer.
— Pardon Inès. Je ne voulais pas dire ça...
— T'es méchant ! Je veux plus te parler !
Elle grimpe les marches et le regard de Louise devient plus doux. Sa main se rapproche de moi, mais je la repousse sèchement.
— Noé...
Je monte dans ma chambre et claque la porte. Je hurle contre celle-ci. Je les déteste. Je les déteste tous.
J'ai besoin de respirer.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top