Je me réveille avec une sensation de bien-être. Pas un seul cauchemar durant ma nuit. Mon téléphone vibre et je me penche pour voir qu'Abigaël m'a envoyé un message. Ou une photo pour être plus précis. Un doigt d'honneur qu'il fait au tableau de notre salle de cours.
"T'as de la chance que ce soit toi, sinon j'aurai fait un scandale 😊🖕" "Profites de tes jours de repos et reviens en forme💪"
Son message me fait sourire et je décide de lui en envoyer une. Un bout de mon visage avec Ruwann endormi en boule à côté de moi en lui disant que je profite. Je n'ai pas envie de lui parler de la soirée de la veille. Ni d'autre chose terrible sur ma vie pour le moment. Peut-être même que je ne le ferai jamais. Il me répond vite.
"À qui est ce chat ? Que je le kidnappe ! 😱"
"Mon frère."
"Alors oublies ! Je vais me concentrer sur mon cours et t'imaginer en train de papouiller ce chat 🐱🥰 "
Je quitte mon lit, heureux de ce simple échange. Voyant l'heure sur le micro-onde de la cuisine, je décide d'aller voir comment vont Tristan et Loïk. Je toque doucement à la porte et l'ouvre pour les voir sur le lit de mon frère.
Ils ont dormi ensemble, dans les bras l'un de l'autre. Tristan paraît apaisé et Loïk le tient fort, comme s'il avait peur de le voir partir. Leur affection ne disparaîtra jamais et personne ne pourra rivaliser. C'est certain.
Le téléphone de Loïk sonne sur la table de nuit et le chanteur commence à émerger, lâchant peu à peu mon frère pour récupérer l'appareil et voir qui est son interlocuteur.
— Merde.
Il me regarde, encore à l'entrée de leur chambre et il quitte le lit pour se rhabiller. Il n'est pas complètement nu et ça me rassure.
Nous savons tous les deux qu'il va partir rejoindre Priyanka en dépit de la nuit qu'il vient de passer dans le lit de mon frère, bien qu'ils n'aient rien fait d'intime. Je n'ai pas envie de faire un commentaire, car ce sont leurs histoires. Mais savoir que Tristan va être abandonné une fois de plus, me met en colère, car je sais qu'il va en souffrir.
Loïk s'excuse pour tout et quitte l'appartement. Je le suis rapidement. J'aimerais lui crier de rester, me mettre en colère contre lui, lui dire qu'il est le seul à pouvoir aider Tristan et que sans lui, mon frère sombrera définitivement. Mais quand je vois les larmes sur son visage, je m'arrête. Il bloque l'ascenseur avec sa main et essuie ses joues de l'autre.
— Il sait que je l'aime, annonce-t-il comme une évidence.
— Alors reste... Pour lui, le supplié-je.
— Je ne peux pas.
— Je t'en prie. Il ne s'en remettra pas. Pas cette fois.
— Dis-lui que je suis désolé. Pour tout.
Les portes se referment et je retourne auprès de Tristan. Il est assis sur le lit, le regard plongé sur la place qu'avait pris Loïk dans son lit.
— Il est parti... chuchote-t-il en caressant le drap.
Ce n'est pas une question. Il sait parfaitement que c'est le cas et qu'ils ne se reverront pas avant un long moment. Mon frère baisse la tête, abattu, et commence à pleurer.
Je grimpe sur le matelas pour le serrer dans mes bras et il se raccroche à moi, pleurant plus fort contre mon torse. J'aimerais tellement être capable de l'aider davantage. Je nous allonge et je n'entends plus que ses pleurs étouffés. Ma main caresse ses cheveux tandis que ses sanglots se tarissent et que sa respiration se fait plus lente.
— Pourquoi ça fait aussi mal ? soupire-t-il tristement.
Je ne sais pas la réponse qu'il veut ni si je suis même capable de lui donner. Je n'ai jamais vécu ça. Et je ne le vivrai sûrement jamais.
— Je suis tellement stupide à m'accrocher autant, reprend-t-il. Il est en train de faire sa vie et je n'en fait pas partie.
— Il t'aime...
— Et c'est ça, le pire. On s'aime et aucun de nous n'est capable de préserver l'autre et notre relation en pâtit. On doit pas être ensemble. Je le mérite pas.
Agacé par ses propos, je prends son visage entre mes mains et l'oblige à me regarder.
— Tu mérites d'être heureux. Et avec lui, tu étais heureux. Et je suis sûr que tu peux encore l'être.
— C'était la dernière fois qu'on se voyait, avoue Tristan. Il me l'a dit hier.
Sa tête repose contre mon épaule et je joue avec ses doigts.
— Un ultimatum ?
— L'alcool ou lui.
— Ce choix est simple ! m'exclamé-je en relâchant sa main.
— Pas pour moi... Si je le choisis, je sais que je vais encore tout foirer. Je foire toujours tout.
— C'est pas vrai.
— Si. Et je me souviens de ce que je t'ai dit hier. Ça aussi, j'ai foiré.
— Tu m'aimes ? lui demandé-je avec sérieux.
— Je crois que personne n'est capable de définir la quantité d'amour que j'ai pour toi, petit frère.
— Alors t'as rien foiré du tout.
Il se repose contre moi et sourit. C'est tout ce que je veux pour lui. Qu'il soit heureux. Il le mérite.
— Au fait, Louise et Marc m'ont dit pour... hum..
— Abigaël ? tenté-je.
— Abigaël, voilà, repète-t-il. Tu l'aimes bien et il a un copain, c'est ça ?
— Il n'a pas de copain. Il a un sex-friend.
Tristan prend un air choqué et se couvre la bouche avec les mains.
— Mon frère connaît le mot "sex-friend" ! clame-t-il.
Il éclate de rire et je lui frappe le bras.
— Aïe. Du coup, tu veux tenter le coup ?
— Je l'apprécies vraiment beaucoup et je vis des trucs de fous avec lui ! J'ai peur de rien quand on est ensemble !
— T'as une photo de lui ? demande Tristan, sceptique.
Je me lève pour aller chercher mon téléphone et me rends compte qu'il m'a envoyé un autre message. Une photo de lui dans les toilettes de l'université. Il porte une veste en jean sur le dos, recouverte de dessins sur le devant.
"Le beau gosse attend le retour de l'autre beau gosse. Un duo, ça marche à deux 👯♂️ "
''Et elles vont bien tes chevilles ?''
''Oui. Mais je ressens une vive douleur au cœur, là... 🤕 ''
''Drama Queen...''
''Argh. Je souffre devant tant de violence et d'amertume 😫😂 ''
Je ris tout seul et revins sur le lit pour montrer une photo de lui à Tristan qui s'est assis pour prendre mon téléphone.
— Il est mignon ton petit rouquin, commente mon frère. Et est-ce que tu es amoureux ?
Je regarde à nouveau la photo et repense à ce que j'ai ressenti ce soir-là sur la piste. La chaleur que j'ai ressentie quand il m'a pris dans ses bras et qu'il a déposé un baiser sur mon nez. Et cette douleur en le voyant embrasser Idriss.
— Tu pourrais me décrire ce que c'est ? lui demandé-je, curieux de savoir si oui ou non, c'est de l'amour que je ressens.
Tristan se pince les lèvres et semble chercher au fond de lui la définition qu'il se fait de l'amour.
— C'est une chose qui ne se contrôle pas, annonce-t-il. Ça peut arriver à n'importe qui. Et quand ça te tombe dessus... Tu ne veux pas que ça s'arrête. Jamais. Tu veux tout voir et tout vivre. Tout tenter. Tu veux te sentir vivant. Et cette personne t'aide à y parvenir. Tout va plus vite et c'est intense. Mais chacun à sa définition de l'amour. Parfois, c'est intense, éternel. Et d'autres fois, plus spontané et précieux.
— La vie est intense avec Abigaël. Je suis heureux avec lui. Mais c'est trop tôt pour donner un nom à tout ça. Bien que je ressente des choses fortes.
— Fortes ?
Je hoche la tête.
— Et j'ai envie de vivre encore plein de choses avec lui.
Tristan se rallonge et observe le plafond blanc de la chambre. Puis il me sourit.
— Alors si ce garçon te plaît, fonce. Mais s'il te fait du mal, je le zigouille, prévient Tristan en me regardant avec un faux air sérieux.
Je reviens contre lui et le serre plus fort.
Une seconde seize.
J'ai envie de revoir Abi.
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