28. Augures
Yamileth se rua dans le studio, suivie par son frère Diego qui portait un carton contenant divers câbles. Ils étaient en retard pour leur émission de fin d'après-midi et ils devaient encore brancher la moitié des micros. La jeune femme de vingt-et-un ans posa le foulard orné de plumes qu'elle portait dans les cheveux, sur la table qui faisait face à la « bulle » d'enregistrement – une petite salle isolée acoustiquement et séparée du reste du studio par une large vitre dans le mur.
- Dépêche ! conjura-t-elle son frère. On lance dans quatre minutes.
Diego était de deux ans son ainé. Il avait toujours été le plus calme des deux, même si ça sœur ne devenait réellement une pile électrique que lorsqu'elle stressait, ce qui arrivait plus souvent ses derniers temps. Il était le seul de la famille à poursuivre des études et avait dû se précipiter comme d'habitude après son cours de droit du travail pour rejoindre le studio, non sans être passé auparavant chercher ses câbles encombrants.
Il lâcha le carton par terre et contempla le studio de radio que l'université de Tegucigalpa leur mettait à disposition et qu'ils avaient équipé de A à Z. Tenir la radio étudiante leur demandait énormément de travail, mais ils en étaient très fiers et ils y tenaient beaucoup. C'était pour eux une voix nécessaire au milieu de la corruption qui rongeait le paysage politique et médiatique.
Un foulard presque similaire à celui de Yamileth vint atterrir sur les câbles dans le carton. Sa sœur s'était mis en tête de l'habiller sur le modèle de son propre look que beaucoup pourraient qualifier d'excentrique mais que cette dernière préférait définir comme « esthétiquement harmonieux ». Elle aimait retaper de vieux tissus et y incorporer des éléments aussi divers qu'hors du commun dont la provenance était la plupart du temps soit les étales mal surveillées du marché, soit les arbres des parcs. Les bases de couture apprises dans l'école d'art qu'elle avait quittée au bout d'une année seulement faisaient le reste du travail.
- C'est bon, t'as tout branché ? demanda-t-elle de sa voix grave.
- Trois secondes, j'ai même pas encore enlever mon pull et il fait mille degrés. On sera en retard de toute façon, alors relax.
Elle n'écoutait déjà plus sa réponse, trop occupée qu'elle était à lancer les différents logiciels d'enregistrement sur l'ordinateur.
- Bon, de toute façon les vieux micros sont encore connectés, déclara-t-elle. On les remplacera après. Je lance l'intro, c'est à toi dans huit secondes !
- Quoi ?! Mais attends !
Il se rua dans la bulle et failli glisser et passer sous la table en arrivant en face de Yamileth de l'autre côté de la vitre.
- Bah quoi, glissa-t-elle juste avant d'activer le micro de son frère. Tu m'as demandé trois secondes et je t'en ai donné cinq de plus. Tu vas pas te plaindre non plus !
Elle sourit et lui fit signe de la main que son micro transmettait, l'empêchant ainsi de riposter.
Le sujet du jour concernait la vie étudiante et notamment associative et la difficulté que les différents groupes militants avaient à défendre leur cause dans un contexte de violence invivable. La menace que représentaient les maras en ville n'était inconnue de personne et le manque d'actions concrètes des dirigeants politiques ne faisait que les renforcer. À cela s'ajoutait une police et un gouvernement pourri de l'intérieur, et le résultat était l'assassinat ponctuel de militants, parfois dans des circonstances peu claires.
Yamileth et Diego auraient rêvé de pouvoir parler un peu plus des projets que montaient les étudiants ou de musique, et un peu moins d'une réalité que tout le monde connaissait trop bien. Mais il faudrait ouvrir encore quelques écoles avant que ce soit possible... Ils avaient fait le choix d'utiliser leur espace de parole pour essayer de changer au moins un peu les choses et ils voulaient le faire au maximum, au moins tant que leur audience était assez maigre pour qu'on ne se préoccupe pas trop d'eux.
Après quatre heures de direct, ils conclurent l'émission sur un morceau garage rock de leur composition et coupèrent le signal.
- Ça sonne quand même moins bien sans notre ligne de basse, hein ? fit remarquer Yamileth.
- Ouais...
Ils sortirent de la bulle et bossèrent encore un moment sur la sauvegarde des différents fichiers audio. Ils passèrent en revu l'enregistrement principal pour être sûrs qu'il n'y avait pas eu de problème technique et sursautèrent alors que le logiciel finit de charger l'émission.
- Merde, chuchota Yamileth. C'est quoi ce bordel ?
Les fichiers audio se présentaient habituellement sous la forme de crêtes traduisant les différentes fréquences et leur volume, formant ainsi une ligne parcourue de vaguelettes toutes différentes l'une de l'autre. Mais cette fois-ci, un motif géométrique complexe se répétait sur tout le fichier d'une manière inquiétante et étonnamment belle.
- Oh non, souffla Diego. Les vieux micros ont dû définitivement nous lâcher. Quatre heures pour rien...
- Attends, dit Yamileth en attrapant la souris. Si ça se trouve c'est juste un bruit de fond supportable.
Elle lança la lecture et les deux grimacèrent comme à leur habitude lorsqu'ils entendaient leurs voix. Mais après quelques secondes, ils furent soulager de constater qu'on n'entendait rien de spécial. Le son avait été capté sans parasites.
- On a de la chance mais c'est bizarre quand même. Augmente le volume, pour voir.
Yamileth mis le volume au maximum.
- Hmm..., continua son frère. Il y a quand même une sorte de grincement en fond.
- Ouais. Attends, j'essaie de l'isoler pour voir, mais ça ressemble tristement à l'élégie d'un micro qui s'éteint.
Après quelques minutes de manipulation, elle rejoua seul le son polluant de dessins harmonieux l'enregistrement. Elle le laissa jouer trente secondes. Une minute. Deux minutes. Puis elle stoppa la lecture et ravala sa salive. Frère et sœur se regardèrent mi-amusés, mi-terrifiés.
- Tu crois qu'il y a des fantômes dans le studio ? murmura Yamileth.
Ils s'étaient attendus à entendre les interférences métalliques typiques d'un matériel électronique rendant l'âme. À la place ils avaient perçu un son certes brouillé et à peine audible mais bien plus complexe qu'il n'aurait dû l'être d'après les crêtes qu'il dessinait. Ils ne pouvaient pas s'ôter l'idée de la tête : ils venaient d'écouter une voix humaine.
- Je change les micros tout de suite, déclara Diego.
*
* *
L'émission du lendemain débuta plus tranquillement que celle de la veille et se déroula sans mauvaise surprise. Les nouveaux micros fonctionnaient à merveille. Une fois la diffusion coupée, ils se mirent derrière l'ordinateur afin de voir si le problème survenu lors de la dernière émission était réglé.
- C'est pas possible..., soupira Yamileth.
La piste audio était à nouveau tapissée de motifs géométriques, différents et plus complexes encore que les précédents. On aurait dit du kirigami, ces découpages dans du papier plié que font les enfants et qui s'allongent en guirlandes quand on les ouvre.
- Bon, il y a deux possibilités, dit Yamileth. Soit c'est la table de mixage, soit c'est l'ordinateur.
- Et si on captait une fréquence quelconque et qu'elle s'enregistrait sur la piste ? proposa Diego.
- C'est pas un talkie-walkie. On peut pas attraper toutes les fréquences qui passent. Il faut nous identifier spécifiquement pour qu'on reçoive quelque chose.
Diego s'adossa à sa chaise et tapota machinalement sur la table de mixage.
- Il te manque une troisième possibilité.
- Ah ?
- Que justement ce message nous soit adressé.
- Et le téléphone ? C'est pas plus simple ? De toute façon, à part une autre radio, je vois pas qui pourrait nous atteindre. Non vraiment Diego, je sais que ça t'emmerde, mais la table de mixage est morte, c'est tout.
Il arrêta de tapoter.
- Attends, je veux vérifier. On entendra peut-être mieux cette fois. Tu peux de nouveau isoler le son ?
- Si tu veux...
Quelques minutes plus tard, un son diffus similaire à celui de la veille sorti des haut-parleurs.
- Pff...
- C'est peut-être les oiseaux, lâcha Yamileth.
- Quoi ?
- Depuis qu'ils se sont mis à siffler en boucle cette mélodie il y a quelques jours, des gens racontent qu'il s'est passé des trucs bizarres. Ma pote Litzy m'a dit que ses poules avait tourné en rond au milieu du poulailler pendant plusieurs jours et avaient arrêté de pondre. Et puis elles se sont simplement barrées.
- Et ?
- Je sais pas, peut-être qu'ils font aussi déconner les antennes.
- Mouais. Je comprends que les poules tournent en rond en tout cas, répondit Diego. Ça commence à être insupportable. S'enfermer dans la bulle est à chaque fois un soulagement.
Ils laissèrent tourner le son capté durant toute la durée de l'émission, pendant qu'ils mangèrent ce qu'ils avaient apporté au studio. Diego était dans le petit endroit qui servait de cuisine quand Yamileth l'appela.
Il aperçut son regard étrange lorsqu'il arriva vers elle.
- Qu'est-ce qu'il y a ? demanda-t-il.
- Écoute.
Elle avait fait pause sur l'enregistrement et le relança quelque seconde en arrière. Le son typique qu'ils avaient entendu toute la soirée et auquel ils ne faisaient presque plus attention reprit. Rien de particulier ne se passa pendant les dix premières secondes, et tout d'un coup, comme si quelqu'un avait soudain monté le volume, deux mots retentirent clairement. « Yami. Hari. »
Le frère et la sœur restèrent complètement immobiles un instant, puis Yamileth rejoua le passage.
« Yami. Hari. »
- Donc, c'est bien adressé à nous, finit par dire Diego.
- Les morts sont en avance cette année, ajouta Yamileth. Et ils sont plutôt familiers...
Diego était un diminutif. En réalité, il s'appelait Diego Alejandro et avait un deuxième prénom : Haroun.
*
* *
- Jour trois dans le studio hanté ! lança Diego alors qu'ils entraient.
Il n'y avait pas d'émission aujourd'hui. Ils voulaient consacrer la soirée à résoudre le mystère des messages dans les enregistrements. Ils avaient prévu une quantité suffisante de tortillas et de pizzas pour tenir jusqu'à résolution dudit mystère et ne comptaient pas sortir tant qu'ils n'auraient pas décrypté le contenu complet des messages.
Il n'y avait que de la musique qui était émise sur la fréquence quand ils ne diffusaient pas. D'habitude, ils n'enregistraient pas tout et se contentaient de garder les émissions, mais cette fois-ci, ils lancèrent un court enregistrement. Quinze minutes, pas plus.
Ils s'installèrent confortablement et ouvrirent chacun un livre en attendant. Après que Diego ait demandé trois minutes de plus pour finir sa page, ils coupèrent l'enregistrement et ouvrirent le fichier. Sans surprise, les motifs étaient à nouveau présents ; encore des dessins différents.
Yamileth les isola rapidement et ils écoutèrent le bourdonnement bizarrement complexe et riche en intonations auquel ils s'attendaient. Aucun mot ne surgit des dix-neuf minutes que durèrent l'écoute.
- Il faut qu'on essaie avec des réglages différents, déclara Yamileth. Je propose qu'on reprenne le passage d'hier où on entend nos noms. Là on est sûr qu'il y a un truc.
- Ok. Mais je te rappelle que ça peut être notre imagination. Le son est pas mal brouillé.
- Eh bien on devrait être bientôt fixés...
Ils commencèrent à appliquer un premier filtre visant à amplifier les graves et les aiguës afin d'exagérer les bruits de fond.
- Diego ? demanda Yamileth. Tu crois que c'est elle ?
- Je sais pas, Yami.
La nuit était tombée depuis déjà plusieurs heures quand ils parvinrent à déterrer un nouveau passage.
« Tous les jours. »
Mais le son était métallique et il était difficile d'en déduire quoique ce soit.
- Il nous faut une pause, déclara Yamileth.
- Ouais...
Elle se leva et entra dans la bulle en laissant la porte ouverte. Quelques secondes plus tard, un riff de percussions en sortait. Diego la rejoignit et attrapa sa guitare posée prêt de l'entrée.
Yamileth commença doucement, faisant promener ses baguettes plutôt du côté des cymbales en attendant que Diego se branche, puis elle passa sur la grosse caisse pour lui indiquer un tempo. Il égraina quelques notes, tâtonnant pour voir si une mélodie voulait bien sortir. Le son grave du tom basse se mêla à la guitare et à la grosse caisse pour donner une structure nette. Le squelette était là. Diego lança quelques glissandos dans le but d'appeler la caisse claire. Le rythme accéléra. Une mélodie s'extirpa du bruit et se modela une forme. Enfin le morceau se lança. La forme indéfinie au milieu du vide s'articula, tira dans toutes les directions. L'horizon se froissa de rides invisibles. Une fine membrane sous l'instable modelage commençait à vibrer. La forme la perça. Et chuta. Elle chuta sans repère sans vitesse et roula sur elle-même sans avant sans arrière. Parfois une cymbale la rattrapait et elle rebondissait mais chutait à contre sens sans ne plus rien percer sa course s'inversait encore au bruit des cordes et plus bas ou plus haut elle tombait sans arrêt ne s'arrêtait même plus aux coups de fouet perçant des cymbales agressives. Pourtant toujours elle longeait le nylon se liait aux baguettes percutait percussions hurlait comme un démon la forme s'aplatissait s'aiguisait s'agassait des claquements cassants qui brisaient d'un coup sec. Le bruit. Et le silence. Mais elle continuait ne butait sur rien à tomber dans l'abîme pour rejoindre le bruit là où c'était bien sans forme définie là-bas où c'était rien.
- Merde ! lâcha Diego. Ça ressemble vraiment pas à grand-chose sans ligne de basse.
Yamileth se leva et couru en dehors de la bulle.
- Qu'est-ce que tu fais ? demanda Diego.
- Tu viens de me donner une idée ! cria-t-elle.
Elle revint une poignée de secondes plus tard en tirant derrière elle un câble jack.
- Et si on essayait sur l'ampli de Rebecca, avec ses réglages ? proposa-elle, agitée. Si c'est elle... Ça serait logique !
Elle brancha le câble, alluma l'amplificateur, et lança la lecture.
« Yami. Hari. Je sais que vous devez trouver ça un peu fou, mais je vous expliquerai tout. Retrouvez-moi au Picacho, à l'endroit habituel. J'y serai tous les jours à neuf heures. Venez s'il-vous-plait, c'est urgent. À bientôt la mara ! »
Yami et Hari se regardèrent alors que le message se répétait en boucle. Ils vérifièrent l'heure. Il leur fallait dormir un moment. La journée du lendemain s'annonçait longue.
*
* *
Yamileth et Diego avait dormi à peine trois heures. Ils avaient traversé la ville et gravissaient maintenant les chemins pentus et encore vide de monde du Picacho. Les deux avaient de la musique dans les oreilles et ne parlaient donc pas. Ils ne sortaient plus sans leurs écouteurs, comme beaucoup de gens depuis quelques temps. Tout le monde écoutait en permanence de la musique pour ne plus entendre les oiseaux.
La chaleur du jour n'était pas encore arrivée quand ils dérivèrent du chemin pour emprunter de plus petit sentiers. Les petits sentiers finirent aussi par disparaître. Ils approchaient de l'endroit. C'était un petit trou dans les fourrés où ils venaient parfois fumer, cachés des flics, et dans lequel ils n'étaient pas retournés depuis que Rebecca s'était volatilisée.
Ils aperçurent l'entrée ronde entre les branches basses. Y passèrent la tête.
Il n'y avait personne.
Ils entrèrent tout de même et s'assirent sur le sol. Yamileth regardait tout autour, mais rien. Personne.
- Quelle heure c'est ? demanda-t-elle.
- Neuf heure une.
Elle entoura ces jambes avec ces bras.
- Tant qu'à faire..., annonça Diego en sortant du tabac, de l'herbe et des feuilles.
Ils fumèrent tranquillement. Une fine pluie lava quelques minutes les lamelles vertes des arbres. Ils étaient à l'abri.
- Les créatures de plumes couvertes de fil rose, rayé, ensorcelé, invoquent la colère dans des dessins ternis et goûtent le vernis rampant dans les fougères..., chantonna Yamileth.
- Quoi ? s'étonna Diego.
- C'est les paroles d'une chanson. Je l'avais en tête, c'est tout.
Diego regarda les quelques fougères autour d'eux et reporta le joint à ses lèvres. Ils n'entendaient plus les oiseaux. Seul le bruit léger de la pluie. Ils attendaient.
À un moment, Yami cru voir quelque chose bouger au coin de son œil, mais elle ne dit rien et quand elle vérifia, il n'y avait plus personne.
Ils essayaient de voir le ciel au travers du feuillage. Ça s'était assombri. On aurait dit que le soleil avait oublié de se lever, ce matin.
- Vous faites tourner ?
La voix s'était glissée par l'entrée et les deux têtes s'étaient immédiatement tournées dans sa direction. Elle était là, tout simplement. Rebecca. Et il y avait une autre fille avec elle. Ils l'avaient déjà rencontrée et ils s'en rappelaient. Charlie.
- Rebecca..., marmonna Yamileth. Putain Rebecca !
Elle lui sauta au cou.
- Et Charlie ? demanda Diego. On croyait... Qu'est-ce qu'il vous ait arrivé ?
- On vous racontera, répondit Rebecca en continuant de serrer Yami qui paraissait minuscule dans ses bras. Mais il faut que vous nous aidiez à nous planquer, d'abord.
- Ouais, acquiesça Diego. Vous êtes recherchées.
- On sait.
- Content de vous voir en vie, ajouta-t-il avec un sourire.
*
* *
Yamileth et Diego avaient passé la journée au téléphone. En début de soirée, ils redescendirent vers la ville et prirent un bus. Rebecca et Charlie avaient de larges pullovers avec capuches serrées sur leur visage. Ils arrivèrent une heure plus tard devant un bâtiment en mauvais état.
- C'est pas le plus sûr, mais on n'a pas trouvé mieux, déclara Diego.
- Certains des habitants sont des amis à moi. Ils squattent le sous-sol depuis quelques mois. Ils sont d'accord de vous accueillir.
- Merci Yami, dit Rebecca. Vous nous sauvez la vie.
- T'inquiète. Tu reviens bientôt jouer au studio ?
- Je sais pas.
- Ok. Venez, on entre.
- On passe la nuit avec vous, déclara Diego.
- Vous n'êtes pas obligés.
- On sait.
Ils descendirent un étroit escalier, poussèrent une porte, et se retrouvèrent dans une sorte de cave aménagée et décorée bien plus confortable que ce à quoi ils auraient pu s'attendre. Là, deux personnes étaient assises dans un canapé et interrompirent leur discussion. Ils se saluèrent, Yamileth fit les présentations puis accompagna Rebecca et Charlie dans la pièce qui leur servira de chambre. La jeune femme avait prévenu ses amis que les nouvelles arrivantes revenaient d'un voyage et étaient très fatiguées. Ils pourraient tous faire plus ample connaissance le lendemain.
- Vous avez assuré, dit Rebecca. C'est parfait. Merci pour tout.
- Arrête tes conneries, lâcha Yami. Fais juste en sorte de vite pouvoir revenir jouer avec nous.
- J'espère aussi.
- Bon, nous on dort sur les canapés au salon, annonça Diego. On va un peu briefer les autres sur votre situation.
- Ouais, vous avez besoin de dormir, dit Yamileth.
- En fait... ajouta son frère. En fait, c'est quoi votre situation. Et pourquoi vous avec pas juste téléphoné ?
- Morales, notre boss, il..., commença Rebecca. Bref, il nous a expliqué qu'on était recherchées pour le vol de l'avion. Il nous a dénoncées quand la police est venue faire le constat. On voulait pas prendre de risque... Bravo pour avoir déchiffré ma petite énigme, d'ailleurs.
- Et comment tu as fait pour le message dans les enregistrements ?
- Je me suis juste connectée avec mes identifiants depuis un cybercafé.
- Je veux dire, pour les dessins dans les crêtes audio ?
- De quoi ? J'ai rien fait. J'ai juste superposé mon signal au vôtre. Ces quoi, ces dessins ?
- Rien, laisse tomber. Faut que vous vous reposiez. On est à côté si besoin.
- D'accord. Bonne nuit.
Ils firent un câlin collectif et Yami et Hari laissèrent les deux fugitives seules.
- On va trouver une solution, Charlie. C'est juste temporaire.
Quand Rebecca se tourna vers son amie, cette dernière était face au mur. Elle fixait une petite fenêtre en haut de celui-ci qui donnait sur le ciel. La chambre qu'elles occupaient devait avoir été une cave.
Rebecca s'avança vers elle mais ne parvint pas à attirer son regard. Elle s'arrêta épaule contre épaule avec elle et regarda à son tour par la fenêtre.
Elle étouffa un cri.
Il y avait une nuée d'oiseaux qui bougeait juste au-dessus d'eux. La nuée cillait selon une séquence très précise. Chaque nouvelle onde pulsait immanquablement à fréquence distincte. Le mouvement provoquait des miroitements plus sombres. Imprimait des motifs géométriques complexes. Des dessins. Trop justes. Trop sémiques.
Charlie siffla un son court et montant à l'attention de son amie, afin de lui signifier une interrogation.
- Oui... Je les vois aussi, répondit Rebecca.
Il y avait une grammaire dans les nuées d'oiseaux.
____________________________________________________________Pour la petite histoire...
Les nuées d'oiseaux font parties de ces phénomènes régis par des règles simples qui permettent, ici à des animaux, d'agir comme un superorganisme. Ces règles sont, pour les nuées d'oiseaux, au nombre de trois : la cohésion, consistant à former un groupe ; la séparation des individus pour éviter les collisions ; et l'alignement qui consiste pour chaque individu à suivre la direction moyenne que suivent ses voisins proches.
Grâce à ce comportement, l'information récoltée par les membres du groupe est transmise de proche en proche et bénéficie à l'ensemble, alors même que chaque membre unique n'a pas accès à la totalité de cette information.
Il s'agit d'un exemple d'émergence, où le tout à des propriétés différentes de ses parties. Ce genre de phénomènes se manifeste à de nombreuses échelles, que ce soit au niveau cellulaire, dans les regroupements d'animaux grégaires, ou dans les sociétés humaines. Ainsi, on peut voir dans le vol des oiseaux grégaires, une forme élémentaire de socialité.
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