Chapitre 8


MAKAI

    Un éclair illumina la maison et je tressaillis. Je détestais les intempéries de ce genre de toutes mes forces. C'est pour ça que dès que quand le vent avait forci, j'étais rentré. J'avais pris un chemin différent à celui de Seven, même si j'avais fait un sacré détour.

    J'entendais encore les vibrations des cordes de sa guitare dans mon cerveau. La chaleur de sa peau hâlée et un frisson dévala ma colonne vertébrale. Je ne comprenais pas ce qu'il m'arrivait, et je dois dire que je m'en fichais un peu. Peut-être que certaines choses n'avaient besoin d'aucune explication.

    Malgré tout, je n'arrivais pas à mettre un point et passer à autre chose. Il avait été tellement gentil et j'avais été à l'aise. Il devait se sentir bien seul dans cette île où il ne connaissait personne, mais j'étais convaincu que Kailua était un endroit pour lui. Sa musique, son teint, la couleur de ses yeux, tout faisait qu'il ressemblait à un Hawaïen. Néanmoins, quelque chose clochait, les bleus qui décoraient son dos parlaient d'eux-mêmes.

    C'était une énigme pour moi, et c'est la raison pour laquelle je voulais mieux le connaitre. Savoir pour quel motif il avait atterri ici. Pourquoi Kailua et pas une autre île ? Parce qu'il fuyait, c'était une évidence. D'un autre côté, les peurs qui me gouvernaient me criaient de m'éloigner de lui. Qu'on n'avait rien à faire ensemble !

    C'était stupide. J'étais stupide. Nous étions différents, c'est tout. Moi, une âme perdue dans cet Océan sans fin, un cœur meurtri saignant sur son passage. Seven avait du charisme et pouvait devenir l'ami de n'importe qui. Il était beau et avait un talent naturel pour la musique qui pouvait attirer n'importe qui. Pas comme moi, qui trébuchais sur n'importe quel caillou, quoi que je fasse. Oui, c'était moi, ça. Monsieur, rien du tout.

    — Oublie, ça, Makai, dis-je à voix haute, me rappelant que je pouvais parler et que j'avais encore des choses à dire.

    Quand j'arrivai à la maison, mon grand-père m'attendait sous le porche. Lui aimait les tempêtes. Quand il pleuvait, même si c'était rare, il s'installait à l'extérieur pour observer la pluie. Il pouvait passer des heures comme ça. Les éclairs le fascinaient.

    Dans son esprit, tout ce qui venait de la nature était un cadeau des ancêtres. Il savait l'horreur que je ressentais pour le mauvais temps, et quand ça arrivait, il me laissait tranquille. Quand j'arrivai près de lui, je l'embrassai sur la joue. Il sourit et leva la tête pour me regarder dans les yeux.

    — Salut, grand-père.

    — Makai..., lança-t-il avec un long soupir et un regard réprobateur. Ce n'était pas une réprimande, mais d'un petit avertissement. Tu sais que je n'aime pas que tu sois près des rochers par ce temps. C'est dangereux. Je crois que nous avons eu assez de malheur comme ça ! Tu comprends, n'est-ce pas ? Tu es la seule chose qu'il me reste.

    C'était pire qu'un malheur. L'effondrement de nos vies, le pire, celui où nous avions tout perdu. Et moi, je m'exposais comme un imbécile, prenant des risques sans tenir compte de sa peine. Risquant de tout foutre en l'air.

Je soupirai. Pas pour ce qu'il m'avait dit, parce qu'il avait raison, mais pour moi-même. Je ne comprenais pas mon attitude toujours contraire à mes sentiments ou à mes pensées. Comme si j'aimais provoquer le danger. C'était peut-être vrai.

    Je hochai la tête.

    — Tu as passé une bonne journée ? Je sais que ce matin, ça a été difficile au magasin, mais tu dois t'habituer à la présence des gens. C'est le mieux que tu as à faire.

    Il m'assénait toujours son avis en prenant soin de choisir ses paroles, comme pour ne pas me blesser et me faire sentir pire que je ne l'étais déjà. Mon grand-père était la voix de la raison.

    — Je sais, j'essaie, grand-père, je te promets que j'essaie.

    Il hocha la tête avant de m'enlacer. Il était mon Ohana à moi, ma maison, mon gardien.

    Quand il me lâcha, je serrai les bras contre ma poitrine. J'étais trempé et gelé. J'avais besoin d'une douche et laisser derrière moi la tempête, et le garçon à la guitare.

    — On rentre ? lui demandai-je.

    Il fronça les sourcils.

    — Tu as l'air plus communicatif que d'habitude, il y a une raison à cela ?

    Il était capable de déchiffrer mon âme, d'écouter mes silences et de remplir l'espace d'une aura de tranquillité. Il claqua la langue et m'ébouriffa les cheveux.

    — Peut-être.

    — Alors, rentrons, me dit-il. Si tu veux, je prépare un chocolat chaud pendant que tu prends ta douche. On le boira ensemble et après, on peut faire un jeu de société. Je suis certain que ça va te réchauffer. Ça te dit ? me proposa-t-il avec espoir.

    C'était une bonne idée, mieux que passer la nuit seul à regarder le plafond avec des pensées épuisantes.

    Ça faisait longtemps qu'on ne partageait pas un chocolat chaud et fumant. Un de ceux qui étaient si délicieux qu'ils te collaient au palais, te revigoraient et te faisaient un bien fou en améliorant les journées les plus pesantes et arrivant à t'apaiser.

    J'adorais ces moments que nous partagions.

    — Oui, ce serait génial, répondis-je

    Il ne dit rien, se déchaussa et enfila d'autres tongs avant de partir vers la cuisine tandis que je montais dans ma chambre. Quand je vis la pluie s'abattre contre la fenêtre, je m'avançai vers elle et mon doigt traça cinq lettres, une à une sur la buée.

    « Seven »

    Je reculai et me pris les pieds sur le tapis, manquant me vautrer en arrière, puis partis droit vers la salle de bains.

    Imbécile !

    Pour une fois, je voulais tout oublier. Vraiment. Laisser derrière moi mes casseroles et me sentir encore un peu comme le gars que j'avais été cet après-midi. Un inconnu qui voulait profiter, s'autoriser pendant quelques heures, au moins, à être bien.

    Ce fut une de mes plus belles soirées, parce que mon grand-père était un ange, alors autant en profiter avant que mes travers ne reprennent le dessus, parce qu'il n'était pas si simple de s'en débarrasser.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top