Chapitre 6
PDV externe :
La queue de la sirène ondule dans l'eau avec puissance, la propulsant aux côtés de sa proie vers des profondeurs encore inconnues des hommes. Au début, ses mouvements créent un jeu de lumières sublimes le long de ses écailles.
L'homme regarde cette peau brillante, comme recouverte de milliers de diamants et s'en retrouve hypnotisé. Il ne se rappelle pas d'avoir vu un jour quelque chose de si beau. Elle lui rappelle les nuits sans nuages, les étoiles qui guident les marins, les voyageurs, ceux qui veulent découvrir tous les trésors de notre monde.
Mais les voyages peuvent aussi se coupler avec les naufrages. Car quand les nuages couvrent le ciel, il n'y a plus aucun moyen de se repérer dans l'infini de l'océan. Et bientôt alors que leurs corps ne cessent plus de chuter loin de la surface, plus aucune lumière ne vient illuminer et embellir cette vision.
La queue semble noire à présent, ses mouvements semblent être plus sinueux, lui faisant penser à un atroce serpent. Autour d'eux il n'y a plus aucuns poissons colorés, plus d'algues brunes et autres plantes marines. Tout semble vide et froid.
Lui faisant comprendre qu'ils ne se rendent pas dans un lieu accueillant. Pourtant la sirène sourit, ravie de retrouver les siens et de leur amener son butin. Elle est remplie de fierté également, parce qu'elle apporte quelque chose de nouveau, d'inédit. Aloea s'attend à être au centre de chaque conversation, à ressentir la jalousie et la curiosité des autres. Et elle se délecte d'avance de la mise en lumière que cet homme va lui apporter.
Derrière elle Marin ferme les yeux. Les courants entourant son corps le massent en entier, l'enveloppant, le réunissant en un tout unique. Il a soudain l'impression de tout ressentir, ses cheveux flottants autour de sa tête, son cœur battant si vite dans sa poitrine, sa vitalité coulant dans ses veines... Et cette main qui tient fermement son poignet, qui ne le lâche pas afin qu'il puisse rester dans son sillage. Qu'il ne s'évapore pas vers la surface.
Est-ce étrange de se sentir plus vivant que jamais dans cette situation ?
- Combien êtes vous ?
- Des centaines. Des milliers. Cela dépend ce que ce "vous" englobe. Pour toi, je veux être unique.
Oui, il est unique à ses yeux. Puisque c'est le premier qu'elle n'a pas détruit. Le seul qui n'a pas succomber à leur rencontre. Mais qu'en est-il du côté de l'homme ? Peut-elle être que pour lui Aloea est simplement un monstre parmi les autres. Un cauchemar au milieu de centaines de nuits.
Non, elle veut être son seul ange. Son seul espoir, sa seule désillusion. Le monstre, le cauchemar. La seule et unique fin.
- Unique ? Je ne sais pas si cela est possible. Un malheur n'arrive jamais seul.
La sirène s'arrête alors. Se plaçant devant l'homme qui ne fait maintenant plus attention à elle. Son corps continue à couler doucement alors qu'il reste statique, il se sent tellement lourd ici. Au loin, il peut apercevoir d'étranges lumières. Comment est ce possible que l'obscurité ne soit pas complète ?
- Un malheur ? Je t'ai sauvé la vie Marin. Tu as une dette envers moi à présent.
Les yeux si étranges, d'un violet perçant, lancent un regard rempli de reproches et de frustration aux deux orbes bleues. Aloea ne veut pas qu'il la contrarie, qu'il refuse de ne voir qu'à travers elle. Parce qu'être invisible, confondue avec ses sœurs, un être sans nom parmi d'autres, c'est ce qu'elle a été toute sa vie. Et aujourd'hui il faut que cela change. Elle veut se sentir vivante à nouveau.
- Je le sais et je ne l'oublierai pas. Mais comment puis-je te prêter fidélité alors que je n'ai aucune confiance en toi ? Je ne sais pas de quoi sera fait demain. Un homme qui a peur de mourir ne peut être honnête. J'ai besoin que tu me promettes de l'espoir. Que tu me jures que je peux avoir confiance en l'avenir, en toi.
La sirène a envie de rire à présent. Depuis quand a-t-il le droit de lui demander de lui offrir sa parole ? Comment a-t-il pu gagner en confiance aussi rapidement ? En même temps, elle croit comprendre ce qu'il tente de lui expliquer. Si elle peut l'obliger à le suivre sous la menace, elle ne pourra par contre pas l'obliger à être authentique.
- Tu peux croire en moi. Je veux savoir jusqu'à où cette rencontre peut me mener. C'est peut-être la première fois de ma vie que je ressens de la curiosité. Je ne compte pas mettre un terme à ce sentiment. Tu resteras à mes côtés, je te le promets.
Un fin sourire vient étirer les lèvres du blond et la femme des mers y répond instantanément. Elle venait de donner sa promesse sans sourciller. Cependant celle-ci valait-elle réellement quelque chose ? Après tout, la sirène ne faisait preuve d'aucune foi. Avait-elle le moindre sentiment d'honneur qui l'habitait ? Savait-elle seulement ce que cela signifiait ? Lorsque nous faisons une promesse si nous n'avons ni âme ni honneur, que reste-t-il pour nous forcer à nous y tenir ?
L'homme tend sa main sous le regard rempli d'incompréhension d'Aloea. Finalement celle ci l'imite et se fige en sentant Marin venir serrer sa main dans la sienne. Puis la lever et la descendre plusieurs fois en gardant son regard plongé dans le sien. Y a-t-il un spectacle plus étrange et dénué de sens que les habitudes des humains ?
La main de l'homme est étrangement douce et chaude sous ses écailles. Les marins qu'elle touche sont habituellement froids et rigides, leur peau boursouflée devient rapidement veineuse et offre un spectacle aussi moche qu'alléchant.
- Dans ce cas je te promets que tu seras unique pour moi. Et que je te raconterais tout de notre monde, comme tu le souhaites.
Aloea se trouve soudain confuse face à lui. Ne sachant plus quoi ajouter à présent. Pour ne pas perdre la face, elle se contente donc de resserrer sa prise sur sa main et de l'emmener vers ces étranges lumières qui rythment l'obscurité.
Plus ils avancent et mieux Marin peut les admirer et en comprendre l'origine. Certaines proviennent de poissons si horribles qu'il doute pouvoir les nommer ainsi. Des dents énormes perforent leur bouche et il se demande si ces créatures pourraient décider de l'attaquer. Cependant les petites bêtes s'écartent sur leur chemin, leur tournant le dos et s'éloignant à grande vitesse. Ici ce n'est pas lui la proie. En tout cas, tant qu'il est à côté de sa sirène.
Sur le sol il y a aussi des trous béants qui crachent un feu étrange. Ce ne sont pas des flammes mais la couleur en est semblable. Ce feu-là se présente sous une forme semblant liquide et très épaisse.
Alors qu'ils continuent à se déplacer le regard du blond est attiré vers de nouvelles formes et des chants mystérieux se font entendre. Avant qu'il ne comprenne ce qui se passe, Aloe se place devant lui et un feulement puissant quitte sa gorge.
Les sirènes les ont trouvés.
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