Esprit

J'ouvris les yeux d'un coup, l'air entrant de nouveau dans mes poumons. Je pris quelques secondes à reprendre une respiration régulière, et quelques autres pour m'habituer à la clarté soudaine. J'attendis que mon cœur stop sa course effrénée avant de me relever. C'est alors que je me rendis compte d'une chose étrange : je n'étais pas supposée être morte ?

Je regardais autour de moi, mais ne trouvais que des décombres couverts de cendre, des morceaux de métal tordus et les hais voisines légèrement roussies. Je compris qu'il s'agissait de chez moi. La légère fumée qui s'élevait encore ça et là me signalait que l'incendie s'était éteint depuis peu.

Je fouillais un peu dans les débris poussiéreux et une légère couche de sable noir se souleva à chacun de mes pas. Je trouvais finalement un collier. C'était la seule chose ayant réchappé au feu. J'attachais la chainette d'argent autour de mon cou et la note de musique pendit sur ma poitrine. C'était un cadeau précieux que je refusais de laisser en plan.

Ensuite, je quittais la place pour me rendre au parc. Peut-être trouverais quelqu'un en chemin qui m'indiquerait où trouver ma famille. J'arrivais à destination, où il n'y avait presque personne vu l'heure matinale. Pourtant, je trouvais quelques enfants qui jouaient plus loin, ainsi que le vendeur de journaux et la boulangère.

Je m'approchais de cette dernière dans le but de lui poser ma question, mais elle m'ignora superbement. Je répétais deux, trois, quatre fois, sans jamais qu'elle ne me prête attention. Exaspérée par son attitude, je m'approchais de Philip, le vendeur de journaux.

- Hey, Phil ! lançais-je.

Mais il ne me prêta aucune attention. Après encore quelques essaies infructueux, je soufflais un bon coup et revins sur mes pas. Je tombais alors nez à nez avec Éric, mon meilleur ami.

- Salut ! Dis, tu sais où je peux trouver ma famille ? demandais-je, inquiète qu'il me serve le même manège que les deux autres.

- Ils sont dans l'hôtel principal, répondit-il alors sans même me regarder. Je suis passé les voir, mais j'ai dû repartir assez brusquement. Je n'étais pas capable de regarder Angéliane dans les yeux.

- Quoi ? Mais pourquoi ? m'étonnais-je.

- Enfin, c'est de ma faute, tout ça ! C'est moi qui ait laissé le rond de du four ouvert, c'est moi qui ait déclenché l'incendie ! C'est de ma faute s'ils ont tout perdu, c'est de ma faute si Ary est morte ! s'écria-t-il, les larmes roulant sur ses joues.

Je reculais d'un pas, choquée.

- Éric ? m'inquiétais-je. Enfin, je suis là !

Je posais ma main sur son épaule, mais... elle ne fit que passer au-travers. Je réessayais, mais ça me faisait le même résultat. Je remarquais alors qu'il parlait au téléphone tout ce temps, et non pas à moi comme je le pensais au début.

- Éric, je suis là ! hurlais-je. Je suis ici !

En dernier recourt, je tentais de le gifler mais, là encore, je ne brassais que du vide. Je fis un pas en arrière. Un deuxième. Et je me mis à courir, courir pour fuir cette horrible réalité. J'étais quoi, alors, un fantôme ? Non, ça devait être autre chose.

Bon, récapitulons. Je suis morte. Personne ne peut me voir, ni m'entendre. Les gens me passent au-travers. Je peux cependant soulever des objets. Et les animaux semblent me voir, vu le chien qui me suit depuis quelques minutes. Alors, non d'un chien, qu'est-ce qu'il peut bien m'arriver ?

La bande d'enfants de tout à l'heure arrivèrent en courant, et deux d'entre eux me passèrent dedans comme si je n'existais pas. Moi, j'en eus le souffle coupé. Ce n'était pas une sensation très agréable. Je décidais de me rendre à l'hôtel, afin de trouver ma famille. Si ça se trouve, eux me verraient !

Accrochée à ce faible espoir, je m'y précipitais. Je regardais la façade, et remarquais Angéliane, la tête appuyée contre une fenêtre. Sans hésiter, je montais par l'escalier de secours pour la rejoindre. Elle s'éloigna à peine fus-je arrivée. J'ouvris doucement la fenêtre et entrais à l'intérieur. Papa lisait son journal dans un coin, mais ne s'y intéressait pas vraiment. Maman se fixait dans le miroir sans faire un geste. Et Angie s'était allongée sur le divan.

Je passais d'abord devant mon père, et lui déposais un baiser sur le front. Il ne sembla pas s'en rendre compte. Je m'approchais ensuite de ma petite sœur, et lui caressais les cheveux. Un léger sourire effleura ses lèvres, pour se faner aussitôt. Je me dirigeais donc vers ma mère mais, alors que j'allais à nouveau tenter de faire sentir ma présence, je me figeais. Dans la glace, je pouvais me voir. Rien de vraiment surprenant là-dedans, bien sûr. Mais ce qui était bizarre, c'est que mon apparence avait changé.

Mes cheveux, autrefois blonds et raides, étaient devenus noirs comme les cendres qui recouvraient les décombres de notre maison, et légèrement ondulés. Ma peau avait légèrement foncés, et mes yeux étaient devenus d'un gris argenté, brillants comme l'éclat de la lune.

Je décidais de laisser passer. Si je me torturais la cervelle pour chaque chose que je découvre, je ne m'en sortirais jamais. Je soupirais en voyant que je ne faisais pas plus réagir ma mère. Malgré tout, je veillais sur eux jusqu'à ce que la nuit tombe.

Je m'assaillais sur le lit d'Angéliane, lui caressant les cheveux, sachant parfaitement ce qui allait suivre. Et, comme prévu, elle commença à gigoter dans tous les sens, des perles de sueur gouttant sur son front. Bientôt, elle lâcha un cri. Puis, un deuxième. Maman se leva et vint la calmer mais, à peine fut-elle partie que je remarquais quelque chose d'étrange.

Du sable. Noir. Comme dans les ruines de mon ancienne maison. Il s'était déposé un peu partout sur le lit et l'oreiller de ma sœur. Je m'en débarrassais vite fait, dégoutée par sa simple présence, aller savoir pourquoi. Aussitôt, mon ange se détendit et sombra dans un sommeil sans plus de cauchemars.

Je me relevais, plus détendue, lorsque je vis le sable noir se relever jusqu'à former un petit cheval aux yeux jaunes et menaçants. Il essaya d'atteindre Angie, mais je le bloquais de justesse en le frappant. Il retomba, inerte, avant de se séparer en deux pour faire apparaître un jumeau. Ils prenaient ma sœur pour cible.

L'un des deux parvint à sauter sur elle avant que je n'ai pu le stopper. Angéliane recommença à grimacer et des larmes coulèrent. Je compris alors que c'était ces choses qui lui causaient ses cauchemars. Je me rasseyais en tailleurs à ses côtés et, priant pour que ça marche, me mis à chanter.

Tais toi, mon bébé,

Sois sage, ne pleure pas

Dors bercé par le fleuve sacré

Dors mais n'oublie pas

Mon dernier chant d'amour

Je serais dans ton cœur pour toujours

Une légère lumière émana de mon corps en entier, touchant Angie et l'autre cheval de sable noir. Celui-ci explosa dans un hennissement de douleur, et je sus que l'autre avait également disparu en voyant le visage à nouveau détendu de ma sœur. Je passais le reste de la nuit auprès d'elle, mais aucun grain de sable noir ne refit son apparition.

*****

Je me réveillais dans un sursaut, lorsque ma mère me traversa pour s'asseoir à côté d'Angie. Je me relevais en soupirant. Jamais ma famille ne me reverrait à nouveau, jamais ils ne sauraient que je suis toujours en vie... du moins, je le crois.

Je sortis à l'extérieur, profitant des premiers rayons du soleil.

*****

L'été s'acheva dans la même routine. Je veillais sur ma famille la nuit, et les quittais le jour pour faire un peu de tout. Je me promenais, encore et toujours. J'allais au cinéma, même si je ne pouvais plus prendre de popcorn. Après quelques nuits, les cheveux de sable noir, que j'avais surnommés « Cauchemars », avaient cessé de venir, et il faut avouer que ça rendait ma vie plus pénible encore. Je n'avais rien à faire, je m'ennuyais royalement. Et tout le monde qui pleurait en croyant que j'étais morte ! Parfois, ça me donnait le gout de rire. D'autre fois, je voulais pleurer. Mais je ne craquais pas, je me l'interdisais. Je devais rester forte, pour Angie.

L'hiver était arrivé depuis peu et la première neige était tombée la veille. Je ressentais le froid, mais pas entièrement. Peut-être que le fait que je sois morte dans un incendie me donne des facultés de radiateur vivant.

Je marchais dans le parc et aperçus des enfants s'amuser, les mêmes que j'avais vu le premier jour de ma « condition ». Je m'approchais d'eux, sans trop d'espoirs, et mon souffle se coupa lorsque l'un d'eux me tomba au travers. Je reculais un peu, blessée malgré tout. Cette malédiction était horrible car, oui, ça ne pouvait être autre chose qu'une malédiction.

- Hey, toi !

Je ne me retournais même pas. J'avais fini par m'habituer.

- Youhou, tu m'entends ?

Des pas se firent entendre derrière moi, et une main se posa sur mon épaule. Quoi ? Je me retournais vivement, faisant sursauter le nouveau venu. C'était un garçon aux cheveux blancs avec un sweat bleu, et un bâton dans les mains. Et il me fixait.

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