- Attends attends... QUOI ?
- Oui, évidemment ça doit être un peu difficile pour vous de comprendre le fonctionnement de notre Tribu, donc je vais vous réexpliquer, dit calmement Plume

Nuage de Reflet la devança :

- Non, je crois que j'ai compris. Vous êtes des chats de la Tribu de l'Eau Vive, vous vivez sous une immense chute d'eau que vous appelez cascade, il y a des chasse-proies, qui chassent pour les autres, et des garde caverne, qui protègent la Tribu. Votre chef est aussi le guérisseur, et il décide dès la naissance quel rôle jouera chaque petit dans la Tribu.
- Exactement ! Soleil et moi sommes des chasse proies, même si on connaît quelques bases en matière de guérison.
- Comment ça se fait ?
- Notre sœur, Mélodie Chantée par les Étoiles, a été choisie pour être la nouvelle Conteuse. Elle nous a appris quelques petits trucs utiles pendant son apprentissage.
- Super ! Vous pourriez soigner Azur ? Il a les pattes abimées à cause du sol rocailleux...

Plume commença à s'affairer auprès du solitaire tigré, tandis que Soleil questionnait :

- Vous venez de Clans ?

Les quatre chats du Clan des Nuages se regardèrent. Si les chasse-proies de la Tribu de l'Eau Vive connaissaient l'existence des quatre Clans, ce serait incroyable qu'ils sachent que le leur existe. Alors, Flamme d'Orage entreprit de raconter la longue histoire du Clan du Ciel, en commençant par leur bannissement injuste parce qu'ils n'avaient plus de territoire, et en terminant avec la Quête héroïque d'Étoile de Feu.

Au nom de ce chef, les deux chasse-proies écarquillèrent les yeux.

- Étoile de Feu ? Le vrai ?
- Je doute qu'il y ait un faux Étoile de Feu...

Nuage d'Écume coupa Flamme d'Orage en lui intimant du regard de se taire.

- Mais évidemment que c'était lui ! Il nous a sauvé, avec sa compagne.

Sous les yeux écarquillés des chasse-proies, elle entreprit de raconter en détails le peu de l'histoire qu'elle connaissait sur ce chef illustre.

☆☆☆☆☆

Tandis que Soleil, Plume, Nuage d'Écume et Flamme d'Orage discutaient, ils ne s'étaient pas rendus compte qu'Aube d'Argent s'était isolée, dans ses pensées. Seul Nuage de Reflet s'en aperçut. En silence, le chat noir aux yeux verts s'approcha de son amie.

- Qu'est-ce qu'il se passe, Aube d'Argent ?
- Je réfléchis.
- Et pourrais-je connaître le sujet de tes pensées ?
- Non.
- Oh. Pourquoi ?
- Je te l'ai dit. Je réfléchis.

Déçu, le frère de Nuage d'Écume commença à s'éloigner de la guerrière rousse, quand tout à coup celle-ci marmonna :

- Il faut les entraîner...

Nuage de Reflet s'arrêta en entendant ce que Aube d'Argent venait de dire.

- Hein ?

Elle se redressa.

- Tu m'as très bien entendue. Il faut les entraîner à se battre.
- Mais... Pourquoi ?
- Si cette prophétie est telle que je le pense, il finira bien par y avoir une bataille. Mais sans entraînement, comment veux tu qu'ils survivent ?

Elle avait hurlé la dernière phrase, martelant chaque mot et attirant en même temps toute l'attention du groupe sur elle et l'estime de Nuage de Reflet.

"Cette guerrière est faite pour être meneuse. Bien plus que Flamme d'Orage."

☆☆☆☆☆

Chaque membre du groupe avait approuvé la proposition de la jeune guerrière et ils s'y étaient mis sans plus tarder.

Nuage d'Écume, tout comme son frère, devaient elle aussi apprendre des attaques aux côtés des deux membres de la Tribu de l'Eau Vive. C'était Aube d'Argent qui l'avait proposé, parce qu'ils n'avaient pas eu le temps d'apprendre assez de choses en seulement deux lunes d'entraînement.

Azur aussi était également contraint de participer à cet entraînement, évidemment.

Flamme d'Orage et Aube d'Argent se retrouvaient alors les mentors de cinq apprentis.

Tandis que les deux guerriers du Clan des Nuages expliquaient les attaques de base à Azur, Soleil et Plume, Nuage d'Écume s'isola. Ces attaques, elle les connaissait depuis longtemps, de toutes façons.

Elle avait vraiment besoin d'être seule. Et elle avait vraiment besoin de réfléchir.

Elle s'installa sur la pointe d'un rocher duquel on pouvait voir l'horizon. Le soleil, lointain et proche à la fois, commençait à amorcer doucement sa descente vers la nuit. On voyait des troupeaux de bêtes à nuages, et si l'on plissait un peu les yeux, on pouvait apercevoir quelques rivières qui sillonnaient les vastes champs d'herbe verte et grasse.

Même s'il faisait jour, la lune était haute dans le ciel. Jamais un seul ancien n'avait pu lui expliquer pourquoi l'astre apparaissait en pleine journée, mais elle aimait à penser que ses ancêtres aimaient tellement les observer qu'ils restaient en haut le plus longtemps possible.

Mais ces chats morts étaient loin maintenant. Elle avait quitté son territoire en même temps que le leur, et ils ne l'avaient pas suivie. Le Clan des Etoiles était resté avec Le Clan des Nuages.

Le Clan... Son Clan. Elle n'avait pas souvent le temps de penser à ses camarades, et pourtant cela l'attristait un peu plus à chaque pas qui l'éloignaient de son territoire.

Moustache du Vent, Patte de Coquelicot, Lune Rose, Étoile Douce, Cœur de Suie et Aile de Feuille lui manquaient plus que tout. Surtout Aile de Feuille, en fait. L'apprentie blanche avait passé tant de bons moments avec lui qu'elle ne pouvait l'oublier.

Mais, un jour, les reverra-t-elle ? Et si, comme Aube d'Argent le disait, il y avait une bataille et qu'elle succombait ? Elle voulait leur parler avant, leur dire à quel point elle les aimait, leur expliquer tout ce dont elle n'avait pas eu le temps de faire. Mais elle était partie. Sans un mot.

La culpabilité la rongeait.

☆☆☆☆☆

Nuage de Reflet s'était assis aux côtés de sa sœur sans qu'elle s'en aperçoive, et en bon frère jumeau qu'il était, il devina assez facilement le sujet des pensées Nuage d'Écume. Elle était triste, et lui aussi. D'autant plus que c'était exactement pour la même raison.

Les mots et les rimes du poème lui vinrent naturellement.

"Je me demande parfois
Si un jour je reviendrai chez moi
Je me demande parfois
Si un jour je quitterai ces bois

Et si je mourrais la, sans leur avoir dit au revoir ?
Et si je m'éteignais dans l'obscurité du soir ?
Et si je m'endormais et ne me réveillais jamais ?
Je veux les retrouver, c'est mon unique souhait.

Je me demande parfois
Ce que la vie attend de moi
Je me demande parfois
Quand la mort me prendra

Je me demande parfois
Qui me pleureras
Je me demande parfois
Qui m'enterrera

Tout ce que je souhaite, c'est les revoir
Être sûr qu'ils m'attendent toujours avec de l'espoir
M'assurer que j'ai toujours une place dans leur cœur
J'espère juste revenir de cette quête vainqueur.

Je me demande parfois
Des tas de choses, des tracas
Je me demande parfois
Des questions trop compliquées pour moi

Je me demande parfois."

Il avait raconté toute sa peur, toute sa mélancolie dans ces mots. Il avait dit tout son amour pour ses proches. Et il avait parlé avant tout pour consoler Nuage d'Ecume.

Nuage de Reflet de retourna vers sa sœur. Calme, elle regardait toujours au loin, dos à lui. Mais elle se tourna lentement vers le chat noir de jais. Elle pleurait.

Alors, aussi doucement que possible, il se colla contre la jeune apprentie blanche. Ils restèrent longtemps dans cette position, puis sans se dégager, il parla :

- Ils me manquent aussi, tu sais.

☆☆☆☆☆

- Bon ! On mange ?
- Nuage de Reflet... Je sais que tu as faim mais je ne vous pas trop de proies aux environs...

Plume s'interposa entre Aube d'Argent et l'apprenti.

- Euh... Je ne sais pas vraiment comment vous faites pour rater un si gros oiseau !

Les cinq chats qui n'appartenaient pas à la Tribu se tournèrent vers l'aigle que Soleil avait achevé plus tôt dans la journée. Une grimace de dégoût passa sur le visage de la plupart.

- Ça se mange ?
- Oui ! Et c'est même très bon !

La viande n'avait pas l'air aussi délicieuse que Soleil l'affirmait mais la faim tiraillait plus que tous les cinq compagnons, qui n'avaient pas pris de vrai repas depuis ce qui leur semblait une éternité. Finalement, ils finirent tous autour de l'aigle à manger en bavardant.

Ils dégustaient tranquillement la viande - pas mauvaise, d'ailleurs -, quand soudain des cris leur parvinrent. Nuage d'Écume sentit Soleil et Plume se raidir à ses côtés.

- Ils nous cherchent...

Ils tournèrent tous leur tête vers Plume, qui affichait un visage terrifié.

- Ils faut partir, et vite !
- Mais... Pourquoi ?
- Parce que les membres de notre Tribu sont à nos trousses ! S'ils nous rattrapent, on ne pourra jamais accomplir cette quête !

Ils se levèrent précipitamment, alarmés par les dires de leur amie. Azur, toujours blessé aux pattes, ne pouvait courir, aussi ils l'épaulaient tous comme ils le pouvaient.

Seulement, les cris s'approchaient. Ils n'auraient jamais le temps de partir ! Ces chats les retrouveraient avant qu'ils aient pu quitter la clairière dans laquelle ils se trouvaient !

Nuage d'Écume vit avec horreur une multitude de chats surgir des buissons qui les entourait.

Les camarades de Plume et de Soleil étaient sur eux. Impuissant, Flamme d'Orage plongea son regard dans celui de Nuage d'Ecume. Ses yeux voulaient tout dire : Même s'ils se battaient, ils n'avaient aucune chance.

Au moment où cinq de leurs ennemis s'avançaient vers eux pour les capturer, une chatte brune s'interposa.

- Non !

Tous se figèrent, abasourdis.

La chatte brune se tourna vers les sept compagnons et leur adressa un regard qui voulait tout dire. Ils hochèrent tous la tête et s'enfuirent sous les yeux des chats de la tribu de l'Eau Vive, toujours ahuris par la nouvelle arrivante.

☆☆☆☆☆

Mélodie Chantée par les Etoiles observa son frère et sa sœur s'enfuir au loin avec ces cinq chats qui lui étaient inconnus. Elle sourit légèrement. Si elle n'était pas intervenue, Plume et Soleil n'auraient pas pu partir de cette montagne et accomplir leur destinée. Heureusement qu'elle s'était interposée entre ces brutes épaisses et les élus.

Racine de l'Arbre Creux, un garde caverne plus doué pour les combats que pour les choses qui nécessitaient son cerveau, s'avança devant sa chef :

- Mais... Mélodie ! Que fais-tu là ? D'habitude tu ne sors jamais de ta caverne ! Et pourquoi les as-tu laissé s'enfuir ?

Elle les regarda malicieusement.

- Je savais que vous alliez faire une bêtise.

Et elle partit, en laissant ses camarades réfléchir au sens de ses mots.

L'avantage, quand on est chef, c'est qu'on peut dire ce qu'on veut. Les autres membres de la tribu ne comprendront pas parce qu'ils ne savent pas ce que c'est d'être un Conteur.

Silencieusement, elle se percha sur un rocher et regarda au loin.

Bonne chance.